Au début de cette histoire, le citoyen ordinaire que je suis n'avait aucune formation et aucune volonté pour se lancer dans l'étude d'un projet aussi important que celui de la première ligne de tramway de l'agglomération tourangelle. Cette volonté et cette formation, je les ai acquises progressivement et rapidement en six mois, pris dans un engrenage, en allant au bout d'une action individuelle devenue collective, jusqu'à proposer l'ouvrage que voici.
J'avais tout de même quelques prédispositions, par mes études et mon métier d'ingénieur informaticien. Appréhender et étudier ce projet, en discuter avec des experts, créer et maintenir un blog, le convertir en un livre numérique (deux même), avoir aussi l'envie et la possibilité d'y consacrer du temps, ces exercices étaient à ma portée, comme ils sont à la portée de nombreux autres citoyens curieux, sachant étudier un sujet, sachant écouter, sachant se servir de l'outil informatique, et faisant preuve d'une vigilance animée par un soucis de l'intérêt public. Profitons de ces années numériques, encore peu régentées, pour exprimer librement ce qui est mis en sourdine sous un étouffoir aux apparences démocratiques. L'indépendance d'esprit n'est plus dans les médias traditionnels liés aux puissances d'argent, elle est dans des niches, comme quelques trop rares journaux et radios libres, elle est dans les blogs de la Toile, elle est dans l'édition numérique libre-service, à la demande, comme je la pratique ici.
J'ai commencé en participant au Conseil de la Vie Locale (CVL) de Tours-Est, la pseudo-démocratie participative de ma ville, puis je me suis intéressé à l'action municipale très néfaste en matière d'arbres, ce qui m'a amené à l'étudier dans le cadre du tramway, puis à étudier le projet du tramway lui-même, tant j'y ai trouvé de défauts et tant il me semblait possible d'en corriger une bonne part.
Je présente ici les différents volets de cette étude et de cette action de correction, d'abord menée de manière isolée par quelques citoyens et associations, puis par un "front de convergence" qui les a réunis, au delà de leurs différences, montrant ainsi qu'il était possible de trouver un consensus. Nous comptions sur les instances d'arbitrage que sont censées être la commission d'enquête et le préfet, pour revoir ou corriger le projet, nous nous sommes heurtés à un mur. Nos arguments ont été écrasés par le rouleau compresseur administratif, au mépris de toute concertation démocratique. Cet ouvrage mémorise ce qui s'est passé, cette occasion perdue de repenser globalement les moyens de transport collectif du département, loin d'une accumulation de lignes mal ficelées, conçues au gré des préoccupations politiques et budgétaires. Sauf s'il y a recours et s'il est accepté, la première de ces lignes de transport collectif va se mettre en place de façon brutale et négative pour l'environnement, négligeant les futures correspondances avec les lignes à venir, pour un coût excessif en raison d'à-côtés inutiles et dispendieux.
Tenir un tel propos et d'autres plus durs à venir n'est pas sans risque, tant il est usuel de classer les personnes dans des catégories, pour mieux les marginaliser et les contenir. Or je ne crois pas être dans une telle case. J'ai des idées arrêtées, mais il est possible de me convaincre avec des arguments pertinents. J'ai toujours été pour le tram, et aussi pour son passage dans le quartier du Sanitas, mais je ne suis pas pour n'importe quel tram et c'est ce qui m'a amené à m'opposer au projet municipal. J'ai des idées politiques, mais je vote de façon fluctuante et j'analyse avec des critères différents le contexte local et le contexte national. Je crois surtout être pragmatique, et j'évite de m'attacher trop fortement à un groupe. Donc si catégorie il faut, c'est celle des citoyens, c'est celle des électrons libres. Et si défendre des idées m'amène à être marginalisé comme "perturbateur" (ça peut être vrai, je ne laisse pas dire des choses inexactes, quand je connais le sujet), voire "perturbateur systématique" (c'est faux), tant pis, je l'assume, c'est certes désagréable, mais je pense que c'est mieux que de se taire comme un mouton soumis. J'estime que notre démocratie se porterait mieux si des citoyens, de temps en temps, ne laissaient pas leurs élus, sur leur estrade, les embobiner en public avec des données fausses ou triturées. L'irrespect est bien davantage sur l'estrade que dessous.
Dans notre "front de convergence", avec notamment des associations agréées qui mesurent leurs mots, et c'est normal, ma qualité d'électron libre me donne plus de liberté pour m'exprimer, d'abord sur mon blog, ensuite ici. Mais tous, qu'ils soient des "vieux briscards" travaillant depuis longtemps sur des projets dans le cadre associatif, ou de "jeunes naïfs", comme moi, découvrant pour la première fois les arcanes d'un projet, nous avons tous été choqués par la manière expéditive, sourde à une argumentation pourtant très étoffée, avec laquelle la commission d'enquête et le préfet ont validé le projet.
Que l'on ait un maire autocrate qui n'en fait qu'à sa tête et veuille tout régenter à coup d'enfumages et de passages en force, notamment sur les mises en compatibilité des documents d'aménagement et d'urbanisme, ce n’est pas une particularité tourangelle. Ce type de gestion est hélas assez courant dans notre pays. Mais qu'une commission normalement indépendante et qu'un préfet normalement chargé de faire respecter les lois approuvent aveuglément les volontés de l'autocrate, malgré une opposition solidement argumentée, c'est inhabituel et nous en sommes indignés.
Pire encore, nous avons l'impression que c'est parce qu'il savait d'avance qu'il serait sans réserve approuvé par la commission et le préfet, que le maire s'est permis d'enfumer les habitants et de passer en force. Lisez ce livre, attachez-vous surtout aux faits présentés, et vous partagerez sûrement cette impression. N'y a-t-il pas là un grave dérèglement de notre démocratie ?
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La promenade arborée du Sanitas, longue de 600 mètres, sera rasée.
(complément ici)
- 1877 : ouverture de la première ligne de tramway tourangelle.
- 1949 : fermeture de la dernière ligne. C'est la fin d'une époque où le tramway était le mode de transport collectif dominant.
- Années 1970 : renaissance de l'idée de tramway, avec des personnes qui seront en 1997 parmi les créateurs de l'ADTT (Association pour le Développement des Transports en Touraine, affiliée à la FNAUT Centre).
- Années 1990 : le débat prend corps autour d'un TCSP (Transport en Commun en Site Propre). Sera-t-il sur rail ou sur pneu ?
- 2001 Le maire de Tours est réélu, avec au programme un TCSP. Les choses stagnent pendant six ans, puis soudain tout s’accélère.
- 2003 : le PDU (Plan de Déplacement Urbain) prend la valorisation de l'étoile ferroviaire tourangelle de RFF comme l'un de ses thèmes prioritaires. Le coût est situé dans une fourchette de 48 à 220 Millions d'euros, ce qui exclut le rail.
- Mars 2007 : sans concertation préalable, le maire de Tours, aussi président du Sitcat (Syndicat Intercommunal des Transports en Commun de l'Agglomération tourangelle), présente la première ligne de tramway. Presque tout est en place, 29 stations pour un coût de 260 à 290 M. Seules quelques petites portions de tracé variantes restent à préciser.
- Mars 2008 : le maire de Tours est réélu contre son adversaire, ancien ministre de la culture. Ce dernier souhaitait "reprendre tout le projet à la base, consulter la population" et plaidait pour "la mise en valeur de l’étoile ferroviaire".
- 19 juin 2009 : Un collectif s'oppose à une trouée dans les bois de Grandmont pour un passage de bus, devant servir plus tard à la seconde ligne de tramway. Le maire renonce peu après.
- Juillet et août 2009 : une concertation publique est ouverte sur le tracé, très peu suivie par la population. La commission refusera l'abattage des cèdres de l'avenue de l'Europe.
- Janvier 2010 : RFF estime qu'il n'est pas possible d'avoir une bonne intermodalité entre ses lignes et la ligne de tramway. La FNAUT Centre souhaite alors "que RFF explique sa position en l'argumentant davantage et qu'un débat puisse s'engager". On n'en saura pas plus, RFF et le Sitcat éludent cet étrange épisode.
- 2 juin 2010 : lors d'une réunion d'information au quartier du Sanitas (succédant à d'autres sur le long du parcours), on apprend que la promenade arborée du Sanitas doit être rasée.
- 15 juin 2010 : ouverture discrète de l'enquête publique, quatre jours après l'inauguration en grande pompe de "La maison du tram". Les dossiers sont indisponibles sur Internet pendant plus d'une semaine. Le coût du projet est passé à 367,7 M., sans compter les coûts de dévoiement des réseaux.
- 12 juillet 2010 : Devant l'afflux des critiques, l'enquête publique est prolongée de 15 jours, jusqu'au 30 juillet. Malgré la période de vacances, la population y participe activement.
- 2 août 2010 : les travaux de dévoiement des réseaux débutent. Le lendemain, lors d'une réunion publique, cette politique du fait accompli est comparée à celle d'un propriétaire qui commence à bâtir sa maison sans avoir le permis de construire.
- 7 septembre 2010 : ce coup de force est dénoncé auprès du préfet comme hors-la-loi quand il concerne une partie très contestée du parcours, la promenade arborée du Sanitas. Les travaux seront stoppés pendant environ 3 semaines
- 4 octobre 2010 : apparemment sous l'influence de la commission d'enquête, les travaux reprennent au nord du mail du Sanitas et sont annulés au sud. Les abattages d'arbres, prévus ou pas, commencent sur plusieurs points du tracé.
- 12 octobre 2010 : le maire de Tours annonce en conseil municipal que la commission d'enquête a approuvé sans réserve le projet, avec quelques recommandations. Elle préconise une légère déviation de parcours au Sanitas, tout en validant l'abattage des 177 arbres, qu'elle juge sans intérêt.
- 21 octobre 2010 : un "front de convergence" se constitue, réunissant les opposants au projet avec 4 associations, dont 2 agréées, des professionnels en urbanisme, environnement, géographie et divers citoyens dont le blogueur que je suis. Il présente à la secrétaire générale du préfet un premier document de convergence vers un tram-train (cf. Annexe 1, page 59) et demande à rencontrer le préfet.
- 22 novembre 2010 : après que le tram-train ait été approximativement récupéré par les tenants du projet, le front de convergence fait une mise au point en envoyant un second document au préfet (cf. Annexe 2, page 77) et en réitérant sa demande de rencontre.
- 9 décembre 2010 : sans nouvelle du préfet, une lettre est envoyée à la ministre de l'écologie (copie le matin même au préfet) (cf. Annexe 3, page 85). Signée de moi-même et d’un autre membre du front, géographe, il s’agit d’alerter pour débloquer la situation et obtenir une solution de consensus basée sur cinq propositions.
- 21 décembre 2010 : nous avons enfin un rendez-vous, pas avec le préfet mais avec sa secrétaire générale. La proposition d'amendement en cinq points est reprise par l'ensemble du front de convergence (Cf. Annexe 4, page 89). Mais, juste avant la réunion, le maire annonce en conseil municipal que le préfet a accordé l'Utilité Publique, rendant notre proposition sans objet.
- 29 décembre 2010 : après avoir dénoncé une semaine plus tôt ce que j'estime être une forfaiture du préfet, je présente sur mon blog une page intitulée "Mon bilan sur ce tramway rouleau compresseur", servant de base au présent ouvrage.
- 11 janvier 2011 : le préfet nous répond par une lettre où il justifie sa décision (cf. Annexe 5, page 93). Le coût du projet est à 369,1 M (NR du 8 janvier).
- 13 janvier 2011 : le maître d'ouvrage revient sur son seul engagement à diminuer les abattages d'arbres (place Choiseul).
- 26 janvier 2011 : un expert du "front de convergence" envoie aux autorités un dossier alarmant sur les dangers du pont de Vendée, là où le tramway doit franchir le Cher (cf. Annexe 6, page 96). Parallèlement, un recours en Justice se prépare.
De juin à décembre 2010, je me suis donc fortement impliqué, avec d'autres, dans ce projet pour en dénoncer les défauts et tenter de l'améliorer ou de le relancer. Mon blog (web log = journal sur la Toile) a été le témoin de ces efforts. En ce mois de janvier 2011, j'en reprends le contenu, je le complète aussi, pour présenter ce qu'il convient, à mon sens, d'en retenir. Mon récit partiel a l'avantage d'être différent du récit officiel et de présenter de nombreuses faces cachées. J'ai certes tendance à appuyer sur les côtés négatifs, sans doute pour lutter contre l'aspect bisounours de la communication municipale. Ma vision est donc partiale, mais pas plus que la vision officielle, et beaucoup plus franche.
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3. Transgressions et obsolescence du PDU |
La lecture de ce chapitre et du suivant n'est pas la plus facile, car, même si j'espère être accessible, elle touche les aspects réglementaires. Ils sont toutefois essentiels à un tel projet et devraient en constituer un solide socle. Ce n'est pas le cas et c'est une cause essentielle de sa médiocrité et de la bonne probabilité du succès d'un recours en Justice remettant les choses à plat. Donc même si dans un premier temps vous sautez ces deux chapitres, revenez-y, car ils valent leur pesant d'or, ou plutôt de cacahuètes, tant ils montrent un mépris des règlements.
SCOT, PLU, PDU sont quelques uns des sigles que le citoyen a du mal à cerner. Je vais en utiliser quelques uns ici, pour montrer que ces documents d'aménagement et d'urbanisme ont leur raison d'être. Ces dispositifs techniques et administratifs existent pour que l'on ne fasse pas n'importe quoi, pour qu'on agisse en fonction d'objectifs. Selon le Conseil Constitutionnel, il s'agit pour les communes de "faire figurer des mesures touchant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent". Ils sont là aussi pour qu'on tienne compte des priorités d'aujourd'hui, notamment environnementales. La loi est plus ou moins précise sur l'ordonnancement de ces documents et les responsables de la première ligne de tramway ont eu une attitude très cavalière par rapport aux conduites préconisées.
Un tel projet de tramway doit d'abord s'intégrer dans un Plan de Déplacement Urbain, PDU. Celui de Tours date de 2003 à une époque où le pneu était préféré au rail, car on ne voulait pas dépenser de grosses sommes. Ce document ne parle donc pas de tramway mais de TCSP (Transport en Commun en Site Propre) pour un coût prévisionnel de 48 à 220 millions d'euros pour un plan à 5 ans. Finalement, on met du rail pour un coût élevé très en dehors de cette fourchette, mais on continue à s'appuyer sur un PDU devenu obsolète, car n'ayant pas eu le bilan quinquennal imposé par la Loi, n'ayant pas été révisé à 5 ans en 2008 ni avant fin 2010, comme promis dans les dossiers d'enquête.
Alors que, si les choses étaient faites dans les règles, le PDU, une fois révisé, devrait imposer ses choix au projet de tram, c'est celui-ci, déjà ficelé, qui corrige le PDU, mais plus exactement le bafoue, car il est bien sûr impossible de le corriger à l'avance. Ce coup de force est d'ailleurs décrit dans un dossier d'enquête (tome 1 A1 page 20) : "le Sitcat a souhaité faire évoluer le projet de TCSP sur 2 points essentiels : le mode, en mesurant l'intérêt d'un tramway fer, et le tracé, en approfondissant la desserte de la gare de Tours et les variantes de tracé". C'est la politique du fait accompli.
Et pas seulement au niveau du tramway. Revenons en 2003. Le PDU définit deux lignes de TCSP, qui deviendront les deux lignes de tramway, la première devant être inaugurée en 2013. Hé bien, accrochez-vous, en catimini une troisième ligne de TCSP a été mise en place et elle est déjà opérationnelle, avant la première, depuis septembre 2010. Voilà une formidable exclusivité tourangelle ! Elle n'est certes pas présentée comme une "troisième" ligne, plutôt comme une variante de la seconde. Ainsi la page 19 du dossier d'enquête Tome 1 A1 présente-t-elle les lignes 1 et 2 de TCSP-tramway, alors que la page suivante ("Horizon 2013") présente la ligne 1 et une toute autre ligne, sous le nom BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), la juxtaposition des deux cartes donnant les trois lignes de TCSP. Les Tourangeaux connaissent cette ligne BHNS mais ne se sont pas rendus compte de sa portée. D'une fréquentation estimée de 13.000 voyageurs par jour, elle part du lycée Vaucanson, passe par le pont Mirabeau, le Bd Heurteloup, rejoint l'avenue de Grammont, va sur les bois de Grammont et se termine à l'hôpital Trousseau. Avec des bus dernier cri ("profilés" par l'Agence "RCP Design Global"), d'une longueur de 11 km, elle est en site propre sur 9 km (notamment Bd Mal Juin, pont Mirabeau, Av. de Grammont) et aurait dû l'être un peu plus si une mobilisation populaire n'avait pas fait échouer la trouée dans les bois de Grandmont. La partie sud de ce TCSP a aussi pour but de servir de base à la future ligne 2 de tramway, court-circuitant ainsi la future enquête publique de ce projet, on est toujours en pleine politique du fait accompli.
Cette opération a pu se faire parce qu'il n'y avait pas besoin de réaliser des expropriations. Ce faisant, elle s'est affranchie de toutes les contraintes du PDU, notamment en matière environnementale et en consultation populaire (enquête publique). C'est carrément illégal. Ca amène à tenir des propos pas vraiment justes, notamment quand cette ligne est présentée avec la légende "Inscription de la ligne BHNS dans le projet de TCSP inscrit au PDU". De plus, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence d'une telle ligne qui entre en concurrence avec la première ligne de tramway sur l'avenue de Grammont et qui participe à l'engorgement de la place Jean Jaurès.
Ce n'est pas sans incidence insoupçonnée. Ainsi le maire n'a pas actuellement les pouvoirs de faire respecter le code de la route sur cette ligne BHNS, puisque son pouvoir en matière de stationnement est soumis aux dispositions du PDU dans le cadre d'un rapport de compatibilité (articles 28-.1 et 28-2 de la loi LOTI).
Le coût de cette ligne est de 14 Millions d'euros Hors Taxe (+ 12,5 M. pour le matériel). C'est beaucoup, certes, mais cela donne un certain vertige quand on compare avec le coût 26 fois plus élevé de la première ligne de tramway, plus longue de 35%.
Une telle opération explique déjà, en bonne partie le refus de réviser le PDU. En plus, celui-ci avait des faiblesses qu'il convenait de corriger et qui auraient pu aller à l'encontre du tracé de la première ligne. En effet, elle ne solutionne que 2 des 24 "coupures urbaines" (15 routières, 5 ferroviaires et 4 fluviales), avec des dommages créés ailleurs. Une étude de déplacement sérieuse (avec un échantillonnage bien meilleur qu'en 2003) risquait de changer des orientations. Des études comparatives auraient été nécessaires pour valider les choix, en particulier celui du mode de TCSP, celui du tracé de la ligne...
A propos de révision, le vieux POS de 1997 (Plan d'Occupation des Sols), d'ailleurs non révisable depuis 2010, aurait dû être révisé avant 2006 puisqu'il fait office de Plan Local d'Urbanisme (PLU) (article 1.123-1 du code de l'urbanisme : "Un PLU préexistant à un PDU dispose d'un délai de mise en conformité de 3 ans à compter de l'approbation de ce PDU"). Le PLU est prévu pour 2011, c'est un sacré retard, qui arrange le tramway tronçonneuse, car les préoccupations environnementales n'existent pas dans le POS.
Le PDU impose une réflexion approfondie sur les modes de déplacement. Les objectifs de 2003 sont devenues invalides. D'abord certains ont été partiellement réalisés, que ce soit du point de vue périphérique automobile, ou TCSP (sur 5 km de long, en bus, il a bien été mis en place en centre ville de 1997 à 2006, avec deux voies centrales réservées aux bus) (+ 2 parcs relais). Ensuite, d'autres sont dans les décors, comme le périphérique nord-est, la mise en valeur de l'étoile ferroviaire (sauf sur Bléré). Enfin le contexte a changé, le tram-train, en particulier, est devenu opérationnel pour être posé comme une option possible, comme c'est étudié maintenant dans la plupart des villes. Ce PDU a donc été vidé de sa substance, une révision s'imposait. Les responsables politiques ont préféré faire ce que bon leur plaisait sans se préoccuper d'une telle réflexion. C'est à la fois une source de faiblesses et de dérives.
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Sur le site www.bhns.fr (/Projet-de-Tours.html), ce plan regroupe les trois lignes de TCSP. En rouge la ligne n°1 de tramway, en orange foncé pointillé la ligne n°2 de tramway, en orange clair continu la ligne BHNS de bus, se confondant en sa moitié sud (en bas) avec la ligne n°2. La Loire (en milieu-haut) et le Cher (en milieu-bas) sont les deux coulées grises qui zigzaguent en horizontal.
4. La charrue avant les bœufs (PDU, SCOT) |
Tout aussi grave est le manque de réflexion au niveau départemental, plus exactement, à un niveau moindre, sur la quarantaine de communes autour de Tours, là où doit s'établir un Schéma de COhérence Territoriale, SCOT, élément majeur de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) de 2000. Il a pour vocation d'être le document de référence des politiques publiques en fixant les objectifs en matière d'urbanisme. Il faut effectivement être cohérent à ce niveau pour commencer à bâtir une ligne. Le SCOT, notamment, doit définir l'équilibre entre l'urbanisation et la création de dessertes en transports collectifs. Hé bien non, là aussi on n'a pas attendu ce SCOT pour définir le projet de première ligne, qui dans notre cas concerne Tours et Joué lès Tours. Ce faisant, on a privilégié un transport urbain intra agglomération, ne concernant que deux communes, en négligeant un transport péri urbain départemental, on a privilégié l'amélioration des transports en commun là où ils sont déjà beaucoup utilisés à la mise en place de transports en commun là où il y en a très peu, alors que la présence de voies ferrées sous-exploitées s'y prêtaient. "Ce n'est pas grave" estiment les tenants du projet, "on fait d'abord le tramway de l'agglo, on verra plus tard si l'on peut mettre du tram-train ailleurs". Mais cet ordre est-il le meilleur ? Le SCOT aurait apporté la réponse. Ce qui est sûr, c'est que les trop grosses sommes englouties par ce projet manqueront gravement pour la suite.
On le voit, ce projet est bâti à la va vite sur des fondations trop fragiles. Ca n'empêchera pas ce tramway de rouler, mais ça "plombera" un développement harmonieux et efficace des transports en commun ferrés sur le département. Et pour très longtemps ! Le projet de seconde ligne souffre déjà des mêmes défauts, accentuant ainsi le handicap. On a pourtant dans le département le mauvais exemple du développement du réseau autoroutier et du périphérique de Tours, eux aussi réalisés par à-coups, sans plan d'ensemble préalable, de façon trop longue, trop dispendieuse, avec de gros dégâts environnementaux ; le saccage de la vallée de la Choisille est encore dans toutes les mémoires.
Comment a-t-on pu en arriver là ? N'y avait-il pas des garde-fous pour empêcher ce coup de buttoir inconsidéré ? Je crois que la stratégie en deux temps du maire de Tours en est une cause importante. D'abord, de 1995 à 2006, il hésite, il promet en 2001, il continue à hésiter et tout le monde s'impatiente de cet attentisme interminable. Et puis en 2007, hop, voici son projet tout ficelé, et il faut se dépêcher, c'est les élections, il n'y a plus de temps à perdre, il faut que ça passe si on est pour le tramway. Car sinon, bien sûr, on ne peut être que contre, comme si on ne pouvait pas être pour le tram et contre le projet. Et ça a fonctionné, d'abord avec les électeurs, mais aussi avec des personnes plus averties, notamment les responsables de la FNAUT Centre qui, eux, patientaient depuis une trentaine d'années. Ils ont foncé tête baissé, tant pis notamment s'ils préféraient un tram-train, tant pis pour le PDU et le SCOT, l'essentiel est qu'on ait enfin le tramway. Et, emballé c'est pesé, voilà comment on en est arrivé là...
Les règlements et codes de l'urbanisme sont donc bafoués et ne servent pas à grand chose. Les commissaires-enquêteurs, dans leurs conclusions, en prennent acte et vont jusqu'à écrire "Il conviendra de mettre en conformité le droit et le fait dans le document final de mise en conformité". Cela signifie clairement que le droit du document final doit s'adapter aux faits. Comment l'état et le préfet ont-ils pu l'accepter ? A Tours, nous ne sommes plus dans un état de droit, du droit qui s'impose aux faits, nous sommes dans un système de politique du fait accompli, où le droit s'adapte aux faits.
Sur cet aspect du sujet, car ce n'est pas tout, on trouvera des éléments complémentaires en annexe, dans le chapitre "A1.2.7. Problèmes de mise en compatibilité des documents d’aménagement et d’urbanisme", page 69. Ces problèmes vont au delà du tramway, puisque le PLU (Plan Local d'Urbanisme) se met en place bientôt, sur un PDU obsolète et avant le SCOT, alors que l'ordre prescrit est d'établir le SCOT et réviser le PDU avant de s'attaquer au PLU (notamment à cause d'une "règle des 15 km").
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5. Le refus de concertation |
Les tenants du projet osent parler de "concertation exemplaire". Ils osent nommer "concertation" ces réunions avec la population où ils exposent longuement, diaporama à l'appui, les avantages du projet, en gommant tous ses défauts, finissant par un jeu de questions dispersées (de ceux qui ne savent pas) et de réponses (de ceux qui savent). Ca ne débouche ensuite sur rien, le projet n'est pratiquement pas modifié par des demandes de la population, comme l'atteste en creux le "bilan de la concertation" 2007 du Sitcat. Ce n'est pas du tout de la concertation, à la rigueur de la consultation basique (sans structure de réflexion, d'étude), c'est avant tout de l'information, de la communication, tout bonnement de la propagande, du matraquage, tout cela avec l'argent du contribuable. Oui, pour la comm', ils sont très forts, ça déborde de partout, nous avons une sacrée chance d'avoir un si beau tramway...
Et on ne le paierait même pas, car le maire l'a dit et redit, le grand projet ne grèvera pas le budget de la ville, ce sont les entreprises qui paieront par leurs contributions obligatoires aux transports en commun... Le service des eaux a commencé à payer, la communauté de communes Tours Plus, aussi, c'est pourtant alimenté par le budget de la ville... Et nous n'en sommes qu'au tout début. En attendant, le message est passé, on ne paye pas, c'est gratuit, on n'est donc pas concerné par la grosse augmentation du budget... Les tenants du projet ont répété que la population a voté pour le projet en élisant son maire, comme si c'était l'objet du vote et comme si le passage du coût de 260-290 millions d'euros à 369 millions (et c'est encore très sous-évalué) était négligeable. Ah j'oubliais, il y a eu une consultation, oui, comme à la télé : choisissez le design du nez du tram, répondez 1, 2 ou 3.
Sur quoi aurait reposé une véritable concertation ? Sur des études partagées avec les associations reconnues, au moins FNAUT Centre, Sepant, Aquavit. Sur des groupes de travail au sein des instances de démocratie locale, les Conseils de la Vie Locale (CVL), où chaque citoyen désirant participer peut s'inscrire. A plusieurs reprises, les associations ont demandé à être écoutées, elles n'ont été reçues que sur la fin, quand tout était plié. Les quatre CVL ont eu une réunion plénière d'information classique. Et c'est tout. La seule structure de concertation a été celle imposée par la Loi, l'enquête publique. On verra qu'elle sera riche, très critique, mais elle n'a pas été entendue et n'a presque pas amendé le projet. Tout était bouclé avant.
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6. La promenade arborée du Sanitas |
"C'est une honte pour la ville de Tours", telle fut ma réaction lors de cette réunion d'information au Sanitas le 2 juin 2010 lorsque j'ai appris que tous les arbres de la promenade arborée voisine seraient abattus. Sept mois plus tard, en rédigeant ces lignes, mon indignation est intacte, elle est même renforcée, puisque la forfaiture du préfet (voir ce chapitre, page 44) me fait dire "C'est une honte pour l'état français".
Le contexte est simple. Le tramway emprunte une artère très large, 56 à 62 mètres, sur une longueur de 600 mètres en centre-ville. Sur cette largeur, on trouve des trottoirs, deux bandes cyclables, six à huit voies pour les automobiles (y compris stationnements en épis et dégagements) et pour les piétons une promenade arborée (un mail si vous préférez) de 177 arbres, 15 marronniers en son centre et des érables. Montrez les plans à n'importe qui et demandez lui où il ferait passer le tramway, sans même préciser qu'il est programmé pour diminuer la circulation automobile et privilégier les circulations douces. Monsieur Toutlemonde trouvera que ce n'est pas compliqué, il suffit de supprimer une voie de stationnements en épi pour y mettre les deux voies du tram, surtout qu'il n'y a pas là de gros problèmes de stationnement. Eventuellement, il envisagera de réorganiser un peu les voies de dégagement. Il faut avoir l'esprit tordu ou avoir des arrières pensées cachées pour dégommer la promenade arborée sur toute sa longueur.
C'est tellement évident que je ne m'y attendais pas du tout, notamment parce que depuis plus d'un an le site officiel du tram montrait un tracé qui évitait ce mail (et il l'évite encore en janvier 2011). J'avais bien envisagé qu'à son début ou à sa fin, où au niveau d'une station, il soit trop écorné, mais sur toute la longueur, j'en étais stupéfait. Je savais que la municipalité avait l'habitude de tout raser avant de rénover, mais je ne l'avais pas encore vu à une telle échelle et dans un tel contexte.
A cette réunion du 2 juin, qui a soulevé la question des abattages ? Ce n'est pas le maître d'ouvrage CitéTram / Sitcat, ce n'est pas un conseiller municipal soucieux des désagréments causés à la population, c'est une habitante, lors des questions du public. Car, comme à l'habitude dans ce genre de réunion, le maître d'ouvrage et les conseillers municipaux, du haut de leur estrade avaient longuement présenté au bas peuple tous les avantages de ce magnifique tramway. 1400 arbres plantés, c'est formidable, et pas un mot sur les abattages, sur ceux qui auraient lieu à 30 mètres de là. L'enquête publique qui commençait 13 jours plus tard avait été très brièvement évoquée, comme une formalité, une ligne sur le calendrier de réalisation, comme la Déclaration d'Utilité Publique qui ne pouvait provoquer le moindre retard. Tout était acté d'avance.
Quelle fut l'effet de ma vive réaction ? Trois ou quatre conseillers municipaux, sur l'estrade ou dans la salle se sont relayés pour dire combien ce projet était "exemplaire", combien le quartier du Sanitas avait de la chance d'accueillir le tramway, combien tout cela avait été étudié très sérieusement et que s'il y a des dégâts, c'est parce qu'on ne pouvait pas faire autrement...
Personne, pas même le maître d'ouvrage, n'a su expliquer pourquoi le tramway devait obligatoirement passer par là. J'ai appris, plus tard, que les conseillers municipaux avaient découvert en même temps que moi la suppression du mail...
Ensuite, j'ai essayé de faire bouger les choses. Dés le lendemain une page de mon blog montrait combien il était possible de faire passer le tram à côté. Puis j'ai pris divers contacts. Peu importaient mes arguments, je n'ai rencontré que silence, évitement, résignation, sollicitude sans effet (effectivement, je vais me renseigner...), enfumage (c'est pas grave, on mettra un autre mail à côté). Sauf du côté des associations environnementales et au delà, dans ce qui deviendra plus tard "Le front de convergence".
Sauf aussi et surtout du côté des habitants. Car ma première réaction a été de rencontrer les piétons de cette promenade et de discuter avec eux. Après tout, si ça leur est accessoire, est-ce que ça vaut le coup de se battre ? Leur réaction a été très forte, eux aussi étaient indignés, parfois même davantage que moi. Cela m'a surpris, car en d'autres lieux soumis à abattages, je m'étais rendu compte que certains habitants étaient plus ou moins d'accord avec le discours municipal de rénovation. Là, pas du tout, et pour tous c'était tellement évident, tant c'est large...
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Abattre des arbres et en replanter n'est pas une opération neutre, comme on déplacerait des mobiliers urbains. On tue des êtres végétaux vivants, nos compagnons de vie. Nous avons besoin de leur maturité, nous avons besoin de les voir vieillir avec nous. Refusons le discours du "C'est pas grave, on replantera !". Cela ne signifie pas que nous sommes contre tout abattage, la ville peut avoir des projets d'utilité publique amenant à abattre des arbres, par exemple sur le tracé d'un tram, mais qu'on ne le fasse que lorsque c'est vraiment nécessaire...
7. L'enquête publique et le mail du Sanitas |
Ce n'est pas la première enquête publique à laquelle je participe. J'avais déposé à la concertation publique de 2009 pour sauver les cèdres de l'avenue de l'Europe, mais je maîtrisais mal le contexte et je ne me suis aperçu que tardivement qu'avec une ou deux autres dépositions dans le même sens, cela avait permis de sauver les cèdres. Ce préliminaire étant engageant, j'estimais que la nouvelle enquête permettrait de sauver la promenade arborée du Sanitas, tant il était facile de dévier très légèrement le tracé dans un lieu beaucoup plus large que l'avenue de l'Europe. En ce sens, des actions soutenues se sont entremêlées :
- j'ai réalisé un solide dossier, présentant plusieurs variantes et argumentant pour que le tracé soit un peu dévié à côté du mail
- il a été soutenu par les associations environnementales agréées Sepant et Aquavit, et plusieurs dépositions y ont fait référence
- d'autres personnes, une vingtaine, ont déposé un petit argumentaire pour que le mail soit sauvegardé
- une vingtaine d'autres personnes et collectifs ont demandé en une phrase, dans leur déposition, la sauvegarde du mail (y compris Les Verts Touraine et la FNAUT Centre)
Je n'ai pas compris pourquoi tout cela a été presque complètement gommé par la commission d'enquête. Elle n'a retenu que deux choses :
- il est dangereux de créer à la place de l'actuel mail une nouvelle promenade où piétons et tramway se côtoieraient. Le maître d'ouvrage a pris en compte cette recommandation.
- il vaut mieux détourner légèrement le tracé sur la partie sud pour créer un espace arboré plus large (alors que ça permet de sauver plus de la moitié du mail, dont les 15 marronniers). On a cru que le maître d'ouvrage suivrait cette suggestion, il ne l'a finalement pas fait (et a confirmé qu'il abattait tout, sauf quelques sujets qui seraient déplacés).
Pour le reste, la commission s'est entièrement reposée sur le maître d'ouvrage et notamment sur une étude que celui-ci avait sorti de son chapeau au dernier moment, en juillet, affirmant que 65 % des arbres étaient en mauvaise santé. Vieille recette expéditive toujours en usage : "Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage". La moindre des choses aurait été de demander une autre expertise indépendante, car l'allure de cette promenade est belle et n'est pas marquée par la maladie.
Il est toutefois vrai, qu'en dehors des marronniers du centre, et plus particulièrement sur la partie nord, des arbres apparaissent chétifs. Il y a plusieurs raisons à cela. Ils sont plantés sur les anciens dépôts SNCF, dans un sol de mauvaise qualité. Ils ont été soumis régulièrement à des herbicides puissants (il n'y a pas d'herbe sur toute la promenade). Plusieurs ont été sévèrement abîmés, quand ils étaient jeunes, par l'impact de boules de pétanque à leur pied. Sauf à replanter quelques jeunes sujets, la mairie n'a jamais entretenu cette promenade. Elle pourrait être agrémentée de petits massifs et être bien plus accueillante. A l'évidence, elle constituerait un arrière-plan verdoyant de qualité au passage du tramway, et elle permettrait un accès piétonnier agréable sur une importante longueur. Vraiment, ce carnage et la hargne que met le maire à le perpétrer me sont incompréhensibles. Est-ce une façon de cristalliser les oppositions pour avoir davantage les mains libres ailleurs ? Y-a-t-il à moyen terme des projets immobiliers ? Je me perds en supputations...
Et à supposer même que 65 % des 177 arbres soient en mauvais état (et loin d'être moribonds ou dangereux), il y en a tout de même 35 % (62 arbres) en bonne santé (dont probablement les 15 marronniers centraux qui forment un ensemble), ce qui constitue une bonne base pour régénérer l'allée sur quelques dizaines d'années. Tout cela, je l'ai dit dans mon dossier, tout cela a été balayé.
Ca va hélas bien au delà, on va le voir dans le chapitre suivant.
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8. La régression environnementale en centre-ville |
Etant donnés les dommages apportés à notre patrimoine arboré au Sanitas, je me suis naturellement intéressé à ce qui se passait tout le long du parcours et j'y ai retrouvé la même méthode, celle de la rénovation du maire de Tours : on rase tout, même si ça ne dérange pas le tramway, et on replante. Et voyez, bienheureux tourangeaux, vous avez de la veine, on plante un peu plus qu'on abat, le bilan vert est donc positif ! C'est le refrain du "C'est pas grave, on replantera !", qui, hélas, réussit trop souvent à masquer les dégradations environnementales. Car :
- abattre des arbres adultes, c'est altérer ou supprimer un écosystème
- c’est détruire un habitat, celui évident des passereaux communs des villes et celui insoupçonné de certaines chauve-souris
- c'est réduire la biomasse
- un arbre adulte a un volume de feuillage (et donc une quantité de chlorophylle) 5 à 100 fois plus importante qu'un sujet planté (ne pas confondre arbres et arbustes ou arbrisseaux, un arbre mesure plus de 7 mètres à l'âge adulte, un arbuste entre 4 et 7, un arbrisseau moins de 4)
- fréquemment, on abat des grands arbres, comme des platanes, et on plante des arbustes, comme des cerisiers du Japon, voire des arbrisseaux, comme des lilas des Indes. Même devenus adulte, la perte de biomasse restera très importante
- et une jeune pousse est ensuite plus vulnérable lors de la prochaine rénovation...
- c'est bien sûr réduire les espaces ombrés apportant la fraîcheur en été, par exemple quand on attend le tramway.
- les arbres ont aussi un rôle esthétique, sanitaire (anti-pollution, anti-microbien), social, anti-bruit, architectural, touristique...
Estimer qu'un arbre planté égale un arbre abattu est donc une imposture. Cette démagogique logique arithmétique est dans les dossiers d'enquête. Cela m'a amené à analyser le parcours du tramway en comptabilisant les abattages, ceux nécessaires et ceux inutiles, les plantations, celles prévues et celles possibles et j'ai fourni d'autres bilans, plus précis et circonstanciés, en un solide dossier remis à la commission d'enquête. Mon approche était différente : on essaye de préserver notre patrimoine arboré, voire de l'accroître quand c'est possible, sachant que, bien sûr, le passage du tramway oblige à des abattages. Ce dossier, avec celui sur le mail du Sanitas, est disponible dans l'ouvrage jumeau de celui-ci "Tours et son tramway tronçonneuse".
Je ne reprends ici que le bilan qui m'apparaît le plus significatif, celui sur la moitié centrale du tracé (sachant que j'ai appliqué ensuite plusieurs règles arithmétiques, je ne donne ici que les chiffres bruts; ils suffisent pour juger). 510 arbres doivent y être abattus, alors que 374 peuvent être sauvés, 370 doivent être plantés (299 peuvent l'être si les 374 sont sauvés), avec une longue portion prévue sans aucun arbre. C'est un bilan très négatif, qui montre que l'on abat surtout en centre-ville, bien plus que nécessaire, et que l'on plante surtout en périphérie (notamment sur les parkings relais).
Les commissaires-enquêteurs n'ont pas du tout pris ça en compte, ils ne se sont pas sentis interpellés. De même ils n'ont nullement été étonnés que seulement 4 des 29 stations soient arborées (on ne sait pas pour quelle raison celles-ci et pas les autres), peu importe que les usagers cuisent au soleil d'été... Ils ne s'en sont pas du tout préoccupés.
Cette négligence est d'autant plus incompréhensible que les dossiers d'enquête affichaient une toute autre orientation, j'ai été sidéré de la découvrir après avoir constaté les dégâts. Jugez-en vous même : développer une véritable "Nature Urbaine", "une conquête ou une reconquête végétale", "s'appuyer sur le patrimoine végétal, le remettre en scène", "approches naturalistes pour composer une véritable structure végétale à l'échelle de l'agglomération", "Les aménagements paysagers réalisés s'inscriront donc dans la continuité de la trame végétale actuelle. Ils viendront enrichir et mettre en scène le patrimoine arboré de l'agglomération et greffer dans le paysage urbain un cadre de verdure apaisant comme une succession de "lieux jardins", en amplifiant et en diversifiant la palette végétale".
Ce discours, qui est le mien, correspond au développement de la trame verte préconisé par le PADD (Plan d'Aménagement et de Développement Durable) de la ville de Tours. Comment peut-on bafouer à ce point de tels principes ? Qu'il y ait de la part de la mairie une volonté d'écoblanchiment (greenwashing), sûrement, le maire y est habitué, mais pourquoi la commission d'enquête et le préfet ont-ils refusé de corriger cet incroyable pied de nez ?
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Carrefour de Verdun. Le cèdre a droite sera abattu. Non seulement la station de tram sera mal placée (loin des voies de chemins de fer), mais une courbure de voies légèrement différente aurait permis de le sauver.
(complément ici)
Station Jean Jaurès. Le tramway passera au centre de ce large 4 voies. Les platanes en bordure sont pourtant éloignés du passage du tramway (bien plus que les cèdres de l'avenue de l'Europe). Ils seront abattus.
(complément ici)
9. La langue de bois des dossiers d'enquête |
Le 26 septembre 2010, je publiais sur mon blog une page très acide, volontairement caricaturale, intitulée "Un tramway à hue et à dia", décrivant déjà une bonne part du présent ouvrage, espérant exorciser un peu les travers du projet ("Au delà du tramway, puisse la sévérité de ces constats inciter à des méthodes plus positives, permettant de rétablir une éthique trop malmenée"). Dans l'un des 16 paragraphes, je jugeais, comme un professeur l'aurait fait d'une dissertation, les dossiers que le maître d'ouvrage a présenté lors de l'enquête publique : "Très belle présentation, agréable à l'œil, convaincante quand on feuillette rapidement. Très belles formulations, soucis marketing prononcé, ensemble convaincant quand on lit rapidement. Pour qui essaye de comprendre, manque effarant d'argumentations, choix retenus presque toujours ou inexpliqués ou expliqués d'une façon peu claire. Cerises sur le gâteau, outre d'étranges oublis (deux variantes, l'une avec deux stations, l'autre avec une seule, sans que le texte ne le mentionne quelque part...), des erreurs grossières sont commises. Par exemple, en géologie, le crétacé se retrouve au dessus du tertiaire, ou, en matière de pollution atmosphérique, l'autoroute A10 est sans incidence. En résumé l'esbroufe est parfaitement menée, mais l'argumentaire est parfaitement défaillant.".
Voici quelques autres coups de projecteur :
- L'utilisation excessive d'un jargon n'aide pas le public a émettre un avis. Par exemple, "l'intermodalité aux droits des pôles d'échange", "une opportunité de marquage de l'espace", ce qui concerne "le quatrième paysage"...
- Une constante autosatisfaction doublée de la méthode Coué. Par exemple, "une exploitation-maintenance facile et intelligente" (sans autre justification) ou "Cette structure a été notamment choisie car elle présente le meilleur compromis au niveau de la prise en compte des différentes contraintes spécifiques au projet". Le citoyen est-il intéressé par une telle considération ou par l'utilité publique de cette structure et son coût raisonnable ?
- Les choix sont assénés souvent sans explication (c'est systématique pour les abattages d'arbres), parfois à partir de chiffres sortis on ne sait d'où et parfois en se référant à des prétendues études que rien ne permet de trouver. Ca vaut le coup d'en lister quelques unes : des prévisions de population à 2013, des études et diagnostics sur le fonctionnement du réseau de bus, un dossier préliminaire de sécurité, un document d'accessibilité "en cours de réalisation", des études fines de fonctionnement menées en phase d'avant-projet, une étude de circulation (sans plus de précision), une référence aux travaux du groupe de réflexion "Code de la rue" (lequel groupe du CVL n'a alors pratiquement rien fait et encore moins conclu), des "études de détail en cours"...
- Un nombre important de schémas issus des travaux d’avant projet sont décoratifs, sans véritable utilité
- Des informations sont trompeuses car en décalage avec la réalité, notamment celle de la baisse de fréquentation des bus.
J'ai repris là, en bonne partie, des extraits d'une déposition présente sur mon blog (avec les références aux pages des dossiers), réalisée par un des trois experts de notre front de convergence. Il souligne que "le lecteur est exposé à des incertitudes constantes pris entre manque cruel d’informations nécessaires à l’énonciation d’un avis motivé et matraquage d’un discours et de choix en permanence auto-justifiés, mais dont on ne perçoit à aucun moment les véritables enjeux stratégiques du fait du manque de documents d’aménagement et d’urbanisme de référence".
Nos deux autres experts sont aussi sévères. L'un écrivait "La lecture des dossiers d’enquêtes laisse apparaître d’innombrables insincérités, lacunes, partialités, qui affectent cette enquête publique de façon rédhibitoire" et l'autre constatait : "Il est fâcheux de détourner, par un vocabulaire abscons, l’objet (le tram) du sujet (l’enquête). Ce n'est pas aux mots de faire croire que l’objet est performant et recevable".
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10. Un tramway vecteur d'aseptisation et de normalisation |
Il y a dans les instances dirigeantes de la ville de Tours une culture urbanistique solidement établie qui néglige de plus en plus systématiquement la dimension environnementale. Malgré certaines intentions affichées pour renverser le mouvement (la "trame verte" du PADD), rien n'y fait, nous nous enfonçons dans un recul du patrimoine arboré, habilement caché derrière le refrain "C'est pas grave, on replantera !". Ainsi, petit à petit, sans que les habitants s'en rendent vraiment compte, la ville change. Les peupliers ont presque tous disparus. Les tilleuls sont en forte régression, les platanes et les grands arbres d'une manière générale reculent et leurs remplaçants sont bien plus petits. Le cerisier du Japon et le lilas des Indes sont probablement les sujets les plus plantés ces vingt dernières années. Tous les prétextes sont bons, de l'opération de rénovation aux arbres dangereux qui ne sont pas remplacés en passant par leur voisins qui sont opportunément jugés malades. Les arbres en pot, eux, se multiplient, et aussi les faux arbres, comme du chèvrefeuille qui grimpe sur une colonne grillagée.
Et la ville se transforme. La terre battue est remplacée par des dallages (c'est la "minéralisation", joli mot...), les massifs sont complètement replantés plusieurs fois par an (tant pis pour l'écosystème...). Les nouvelles constructions négligent l'aspect environnemental et gâchent des occasions de faire cohabiter nature et urbanisme. Les nouveaux jardins sont riquiqui et le resteront en grande partie. Tout cela, je l'ai décrit sur mon blog (www.pressibus.org/arbres), avec de nombreux exemples. On vient de voir que la mise en place de la ligne de tramway multiplie ces dégâts. La normalisation est en marche, la ville se transforme d'une manière rétrograde, comme ça s'est trop fait au XXème siècle.
Et elle continuera à se transformer dans le même sens, car le tramway sert de tremplin à une intensification de ces méthodes. Le Plan Local d'Urbanisme (PLU) en préparation définit un couloir de 400 mètres de chaque côté du tramway où l'habitat sera "densifié", avec des règles permettant de construire davantage, au détriment bien sûr de la nature. Ainsi quelques grandes tours sont prévues, notamment une à côté de la gare. Croyez-vous que tout le monde prendra le tramway pour aller dans cette tour ? Non, bien sûr, le trafic automobile sera encore plus congestionné...
Ce n'est pas que je sois contre la densification, elle a des avantages, notamment en matière de réduction des déplacements, mais j'estime que certaines conditions préalables doivent être requises et elle ne m'apparaissent pas présentes entre Loire et Cher, surtout à cause de la trop forte présence de véhicules automobiles.
De plus, il est probable que les méthodes utilisées seront approximatives. C'est déjà le cas pour les jardins ouvriers Saint Lazare, les derniers de la ville entre Loire et Cher. Alors que ces jardins sont fort bien entretenus, l'équipe municipale prétend que "de nombreuses parcelles sont laissées à l'abandon". Sur son plan, elle met un pointillé au dessus des voies de chemin de fer pour aller à la station de tram, alors qu'il n'y a aucun pont et qu'il serait difficile d'y mettre une passerelle. Et, cerise sur le gâteau, les rois de la comm' municipale osent dire qu'ils vont créer des espaces verts alors que sur l'ensemble de la surface des jardins supprimés, les deux tiers seront bâtis et, effectivement, il y aura de la verdure sur le tiers restant. De la verdure bien agencée comme l'aime la municipalité. Avec cette flore sur mesure une chose au moins est sûre, les caméras de vidéosurveillance à la mode et obsession du maire, n'y seront pas gênées...
On se rend compte ainsi de l'ampleur de la transformation urbaine. Le seul garde-fou se trouve dans les quartiers où les habitants ont souvent un petit jardin, car ils aiment et entretiennent la nature, eux. A l'intérieur des carrés de maisons, des écosystèmes variés s'y développent et ne subissent des régressions que lorsqu'une opération d'urbanisme s'y manifeste. Les dégâts sont bien plus importants dans les quartiers, comme le Sanitas, où la nature n'est que municipale (ou gérée par un office d'HLM qui applique les mêmes méthodes, c'est logique, son président est le maire).
Ce type d'urbanisme, que je qualifie d'aseptisé, est, bien sûr, néfaste pour le bien vivre des habitants, notamment pour les enfants qui vont y grandir. Mais il est faste pour les promoteurs, pour de grosses entreprises de BTP et, plus généralement, pour de gros intérêts financiers. A qui profite le crime ?
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Tours Gare : les quelques arbrisseaux sont enlevés, la hauteur de l'arbre à gauche est exagérée, aucun arbre n'est planté, au fond des palmiers en pots enlevés chaque hiver, à droite en transparence une future haute tour. (illustration sans © du calendrier Sitcat 2011)
[Indication carte postale : © Richez Associés et ivars&ballet - Franck Rive - Image non contractuelle]
11. Au Sanitas, le comportement hors-la-loi du maire |
Revenons au Sanitas et à son mail. Nous sommes début septembre, l'enquête publique est terminée, on ne connaît pas encore les conclusions de la commission d'enquête, les travaux de dévoiement des réseaux ont commencé depuis un mois. Nous, les défenseurs du mail, sommes très attentifs à leur évolution car nous espérons que la commission imposera un nouveau tracé. Nous considérons déjà que les travaux entamés sont hors-la-loi, puisque le préfet n'a pas donné son accord. C'est comme si un particulier avait déposé les plans de sa maison et commençait les travaux alors que son permis de construire n'a pas été délivré. Nous nous en sommes insurgés, notamment lors de la réunion municipale du 3 août, mais que pouvions nous faire ? De plus, il apparaissait probable qu'il faudrait faire un jour ces travaux.
Quand le 7 septembre nous apprenons que la municipalité va enlever une canalisation de gaz qui passe sous le mail (donc pour nous elle est bien placée) et veut la faire passer sur son côté ouest, là où nous avons demandé de faire passer le tram (et donc pour nous c'est très mal placé), nous nous mobilisons pour nous opposer à ce que nous estimons être un coup de force anti-démocratique, niant les futures conclusions de l'enquête publique. Sur cette portion très contestée, le maire est effectivement, de façon flagrante, hors-la-loi. Il ne peut plus avancer une excuse du genre "Ah, ces travaux de rénovation des réseaux, il fallait bien les faire un jour ou l'autre, ça n'a pas de rapport direct avec le tramway...". Ici, il est flagrant que la canalisation est déviée à cause du tracé municipal. De plus tous les travaux sont annoncés sur le site officiel du tramway et sont même suivis par un "tram'bassadeur" payé par le maître d'ouvrage.
Au passage, je souligne que ce n'est pas la première fois que ce maire a un tel comportement de voyou trichant avec la loi. En juin 2009, j'en ai déjà parlé très succinctement, il avait tenté de percer une large trouée dans les bois de Grammont, abattant de nombreux arbres, fragmentant ainsi un bois classé, à la biodiversité répertoriée. Une solide mobilisation s'était rapidement formée, avec notamment les élus Verts. Une association avait fermement émis la menace d'une action judiciaire. Le maire avait renoncé. En fait, la portée était bien plus importante puisque l'ouverture de cette ligne de bus préfigurait le passage du tracé de la seconde ligne de tramway. Pour cette portion, notre grigou de maire tentait ainsi de s'exempter de la future enquête publique sur la deuxième ligne.
Donc comment s'opposer à ces travaux au mail du Sanitas, qui doivent débuter le 13 septembre ? D'abord, je m'adresse au préfet d'Indre et Loire pour lui demander d'intervenir. Ensuite nous imprimons une affiche présentant le tram écrasant un arbre abattu, proclamant "Halte au coup de force municipal" "Défendons nos arbres, défendons notre promenade", et nous l'accrochons aux arbres. Le lundi 13 septembre, nous sommes une trentaine à nous relayer toute la matinée pour empêcher les travaux. Il s'avère qu'ils sont stoppés. Deux jours plus tard, je reçois une réponse m'assurant que le préfet comprend tout à fait ma démarche. Il demande à Mme la directrice des collectivités territoriales et de l'aménagement de bien vouloir envisager les dispositions appropriées à la situation. La situation semble donc pouvoir revenir à la normale.
Elle va progressivement se dégrader, d'abord le 22 septembre quand nous découvrons que 7 arbres ont été abattus la veille. C'est alors que ce constitue formellement notre "front de convergence", avec quatre associations. Leurs quatre présidents se rendent en préfecture et font remettre au préfet une lettre collective demandant l'arrêt des travaux sur le mail et, plus généralement, l'arrêt de tous les travaux de dévoiement de réseaux. Nous nous interrogeons aussi sur l'opportunité de lancer une action en justice, avec un "référé suspension" qui permette d'arrêter les travaux. C'est surtout par manque de moyens que ça ne se fera pas.
La situation continue à se dégrader fin septembre. Le préfet se tait. Des arbres sont abattus sur d'autres portions du tracé. L’alignement des 83 liquidambars, avenue de l'Europe, est rasé en totalité. Nulle part il n’était écrit qu’ils devaient être abattus. La population n'a été informée que 5 jours avant. Au Sanitas, des barrières de travaux sont mises en place sur le mail. Nous les enlevons à plusieurs reprises. La police nous contrôle deux fois.
Si le premier contrôle avait été débonnaire, le second a été plus tendu, bien que cocasse. D'abord un voisin, apparemment militaire ou gendarme de carrière, s'est montré très agité en nous voyant enlever des barrières, d'autant plus qu'il ne comprenait pas pourquoi nous étions d'accord pour qu'il appelle la police. Celle-ci est arrivée avec quatre agents, et a commencé à réprimander les trois citoyens apparemment normaux que nous étions, d'âge mur, tranquilles. Nous n'avons pas obtempéré à leur injonction de remettre les barrières en place. Comme on leur expliquait que les voyous n'étaient pas nous mais ceux qui commanditaient ces travaux illégaux, ils ont jugé que ça dépassait leur compétence et, en gardant un air renfrogné, ont appelé leur chef. Nous les avons encouragé en leur disant que, tant qu'à faire, ils pourraient nous retenir au poste, ça aurait l'avantage de faire un peu de bruit et d'alerter les Tourangeaux sur ce qui se passait ici. Le préfet pourrait même être appelé à prendre position. De l'autre côté du téléphone, ça semblait compliqué... Une demi-heure sous la pluie plus tard, ils nous ont laissé partir, sans explication, sous l'air dépité du militaire de carrière. Un ou deux mois après, un conseiller municipal, proche du maire, m'a signifié qu'il savait de lourdes et peu recommandables choses sur moi, notées sur une main courante. Je lui ai retourné le compliment...
Ensuite (avant aussi, d'ailleurs), nous posons des affichettes "Ces travaux sont illégaux" sur les panneaux et barrières de travaux. J'écris au ministre de l'écologie (qui me dira qu'il avertit le préfet et le charge de me répondre, ce qu'il ne fera pas). La Vélorution du 2 octobre se mobilise pour le sauvetage du mail. Les travaux reprennent le 4. Le 5, nous nous rendons compte qu'ils sont en partie annulés. Nous croyons comprendre que la commission a condamné la partie nord du mail et a sauvé les parties sud et centrale. Nous cessons alors notre opposition aux travaux. Il s'avèrera que la commission a bien suggéré que le tracé soit dévié, mais elle n'a pas demandé à ce que les arbres soient sauvés, même en partie. Car, à son tour, elle a entonné le refrain municipal "C'est pas grave, on replantera !". Le maître d'ouvrage a ensuite refusé de dévier et donc de créer "l'espace de convivalité arboré" souhaité par la commission.
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Avenue de l'Europe, illustration (sans ©) du calendrier Sitcat 2011 reprenant une affiche (sans ©) de juin. Les arbres à droite ont été abattus en septembre.
Les 53 cèdres à gauche devaient être abattus. Ils ont été sauvés par la commission de concertation de 2009. Depuis, 10 doivent être abattus.
(complément ici)
[Indication carte postale décembre 2010 : © Richez Associés et ivars&ballet - Franck Rive - Image non contractuelle]
L'étoile ferrovaire tourangelle et le tracé de la première ligne de tramway. Schéma paru sur "Vues d'actu" n°4 (septembre 2008, publié par atu) (en couleurs et élargi sur la page voisine Convergence). Les noms des correspondances possibles sont ajoutés.
Peu avant la fin de l'enquête publique, j'avais pris une matinée pour lire l'ensemble des dépositions. Celles-ci étaient très nombreuses, plus de 500, avec parfois plusieurs feuillets. J'avais trouvé deux lignes directrices, comme une convergence, dans les critiques émises. L'une portait sur les dégâts environnementaux que je viens d'évoquer en bonne partie. L'autre portait sur la demande d'un tram-train plutôt que d'un tramway. Le tram-train permet de prolonger les lignes de chemins de fer existantes sur les lignes à créer en agglomération, assurant ainsi une desserte bien plus large et conséquente, car l'étoile ferroviaire d'Indre et Loire est réputée pour sa richesse. Ce matériel tram-train (le terme tram désignant à la fois tramway et tram-train) est utilisé depuis les années 90 en Allemagne, de façon très récente en France. Dans les dépositions, notamment celle des Verts et de la FNAUT Centre, sa promotion était caractérisée par un gabarit d'une largeur de 265 cm, contre 240 pour le tramway (tram-train et tramway ayant la même largeur de rails). Certaines dépositions soulignaient que cette largeur permet un meilleur confort, plus proche des bus actuels.
De plus, il convient de savoir que les difficultés de circulation des transports dans l'agglomération ne sont pas concentrées dans le cœur de la ville, mais dans ses entrées, dans les accès extérieurs aux banlieues proches et lointaines. Le tramway, axé sur le cœur de l'agglo, apparaît insuffisant pour traiter ces bouchons, alors que le tram-train s'y prête mieux en exploitant les lignes ferroviaires existantes, à un coût plus abordable.
Pourquoi le tramway a-t-il été préféré au tram-train ? Certaines raisons techniques peuvent-être valables (par exemple, la moindre largeur permet des virages plus aigus), mais elles ne sont pas du tout expliquées dans les dossiers d'enquête, ce qui, à mon sens, est gravissime. Car on prive les citoyens des éléments d'une réflexion et d'un choix stratégique. Sous-jacent, on retrouve ce refus de concertation qui est une marque du projet. Il est seulement affirmé que "Seul le tramway sur fer reste compatible, à moyen ou long terme, avec le tram-train". Ah bon, en quoi ? Il y aurait une ligne de bus à la place de l'actuelle ligne de tramway que la compatibilité serait la même, aussi mauvaise (à ce sujet, voir en annexe "A2.2. Rustines ou nouvelles bases ?", page 78).
Que la commission d'enquête n'ait pas pris en compte cette convergence nous apparaissait tout à fait anormal et c'est alors que notre "front de convergence" s'est formellement constitué pour rédiger, à l'attention du préfet, un premier document intitulé "Convergence d'analyse et d'orientation", analyse pour que l'Utilité Publique soit refusée, orientation vers un tram-train plutôt qu'un tramway.
Ce document a visiblement dérangé. Du blog pro-projet "Un tram pour Tours" aux déclarations du maire en conseil municipal, en passant même par la NR et par la FNAUT Centre, le sujet du tram-train a été évoqué et traité. Des éléments nouveaux sont apparus, souvent pertinents mais pas pris en compte dans le projet. D'abord, il est trop réducteur de ramener la distinction tram-train / tramway à des problèmes de largeur, surtout parce qu'un nouveau type de tram-train de 240 cm de largeur est arrivé sur le catalogue d'un constructeur. Il roulerait sur la ligne projetée. Ensuite, l'utilisation des voies ferrées en prolongement de nouvelles voies s'avère plus opérationnelle dans le sens est-ouest que dans le sens nord-sud de la première ligne. En cela, cette première ligne pourrait être considérée comme une exception, la seule ligne de tramway, les autres passant au tram-train. Enfin des suggestions sont faites sur de futures correspondances, notamment une gare intermodale au carrefour de Verdun.
Cela a-t-il permis un rapprochement des points de vue ? Oui et non. Oui, parce que nous avons infléchi notre position, d'abord dans un deuxième document de convergence qui insiste sur les très mauvaises correspondances qui se dessinent et qui peuvent être améliorées, enfin dans un troisième document qui émet cinq propositions concrètes pour repartir dans une nouvelle direction, tout en rafistolant le mieux possible l'actuelle première ligne, donc sans la rejeter totalement. Non, car la position municipale est restée inflexible, soutenue de façon surprenante par les Verts et la FNAUT Centre, pourtant en contradiction flagrante avec le contenu de leurs dépositions. Pour eux, le tram-train est une solution à long terme, peu importent, ou presque, les correspondances gâchées, peu importe même la prise en compte du tram-train pour la deuxième ligne en préparation. Et le préfet, qui aurait pu œuvrer pour un rapprochement, a fait comme si on n'avait rien argumenté, comme si on n'avait rien proposé...
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Rue Nationale et ses oliviers et palmiers en pot. Aucun arbre ne sera planté (photo Google Street).
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Place Choiseul, ces sept tilleuls seront abattus, le grand massif, devant, sera bétonné et carrelé (Photo Google Street).
A gauche la future place Choiseul "minéralisée" avec de nouveaux et jeunes tilleuls. (illustration du dossier d'enquête Tome 2 E4 page 64).
(complément ici)
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13. L'enlaidissement de la ville |
La Tribune de Tours a publié le 13 janvier 2011, un entretien avec l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme. Il est très instructif, quand on connaît les dossiers.
L'adjoint commence par "Nous sommes à l’écoute des citoyens". Cette déclaration émouvante, la main sur le cœur, montre que ce qui suit ne serait que la traduction de la prise en compte de la volonté des habitants par leurs édiles. Le journaliste ajoute que l'adjoint "fait notamment référence aux plaintes de nombreux Tourangeaux sur l’abattage des arbres au Sanitas". Ah, le problème ne serait pas réglé ? La contestation couve encore ? Heureusement, la municipalité a trouvé la solution, forte de son extraordinaire capacité d'écoute. Qu'a-t-elle décidé, alors que les habitants demandent à ce qu'on sauve ces arbres ? Hé bien, elle a décidé de les abattre en entonnant plus fort que jamais le refrain "C'est pas grave, on replantera !". Ecoutez le couplet : "Il y a un tiers d’arbres de prévu en plus par rapport à ce qu’indiquait la DUP et des arbres de haute taille, pas des jeunes pousses. Nous avons travaillé avec les Architectes des bâtiments de France pour que le mail et la promenade du Sanitas soient plus beaux que prévu".
Le journaliste continue "Même chose Place Choiseul". Il y a donc de quoi s'attendre au pire. Effectivement, l'adjoint entonne une seconde fois le fameux refrain, avec cette fois pour couplet : "Soit nous conservions les 14 tilleuls et nous ne faisions pas de plateforme, soit nous replantions. Nous avons décidé d’en replanter 18". 14 tilleuls centenaires, remplacés par 18 jeunes sujets, quelle chance ont les Tourangeaux d'avoir une municipalité si compréhensive ! Sur une place saccagée par la suppression de massifs et surfaces gazonnées remplacés par un moche dallage gris (appelé "minéralisation"), qui n'a rien de ligérien, on va écrabouiller un petit écosystème urbain juste au bord de la Loire, patrimoine de l'humanité...
La suite du parcours dans la capitale du jardin de la France est autant néfaste, la "minéralisation" se renforce au détriment des espaces verts alors qu'elle aurait dû et pu régresser. Aucun arbre n'est planté dans la rue Nationale, elle reste entièrement minéralisée, alors que c'était l'occasion de remplacer les palmiers et oliviers en pots (très ligériens, sûrement...). Puis, alors qu'ils ne gênent pas, les platanes au bord du tracé sont abattus entre la place Jean Jaurès et la rue Charles Gille, qui perd ses quatre arbustes (ce qui n'est pas indiqué dans les dossiers d'enquête). Juste après, le long de la gare où l'espace est élargi, les plantations (arbres ou massifs) sont à nouveau négligées au profit des sales dallages gris. Oui, on avait une occasion d'embellir la ville, d'y développer la trame verte, les sagouins municipaux ont préféré l'enlaidir.
Ce n'est pas tout. Je ne reviens pas sur le mail du Sanitas qui a été traité précédemment, mais il convient de connaître cette phrase inscrite dans les conclusions de la commission d'enquête (en page 61) : "Concernant la Place Choiseul, le Maître d’Ouvrage a décidé de conserver l’alignement de tilleuls existant". Les commissaires-enquêteurs disaient ensuite gaillardement dans la phrase suivante "La Commission prend acte avec satisfaction des avancées que l’enquête publique a permis d'obtenir". Les autres "avancées" étant les ajouts de plantation, hum... Malgré leur mollesse, ils considéraient tout de même que conserver des arbres qui ne gênaient pas le tram était une "avancée".
Quand le journaliste dit en préambule de son article "Si le projet a été approuvé, certaines modifications ont été et peuvent encore être apportées", il ne s'interroge pas sur le bien fondé de cette arrogance à revenir sur ce qui a été acté par l'administration. Car le préfet a accordé la déclaration d'Utilité Publique et le projet est donc figé. Si les 14 tilleuls ont été sauvés en octobre, c'est parce que la pression des habitants lors de l'enquête avait incité le maître d'ouvrage à proposer de les garder. Il lui fallait lâcher du lest, rassurer les commissaires, à qui il pouvait sembler absurde de raser des arbres et d'en planter à la même place (pour une étrange histoire de niveau...). Ca avait marché. Revenir sur cet abattage, c'est nier l'enquête publique, c'est nier la volonté démocratique des habitants, d'autant plus qu'en la matière, elle avait été très peu prise en compte. C'était même le seul sauvetage d'arbres de l'enquête, très astucieusement anticipé par le maître d'ouvrage (du coup, les commissaires n'en ont sauvé aucun autre, ils se sont contentés de cette seule "avancée" en la matière). Maintenant que cette feinte a fonctionné, le tricheur reprend sa position initiale.
Pied de nez aux commissaires, pied de nez aux habitants, tout est permis au maire et à son équipe. Du boniment (l'écoute des habitants a bon dos...), des envolées lyriques vers des lendemains plus beaux (le fameux refrain et ses couplets...), quelques ajustements mineurs pour faire illusion, et le tour est joué.
Pour quoi donc ? Les derniers propos de l'adjoint sont explicites "Plus qu’un projet de transport, le tram est un projet d’embellissement de la ville". Oui, chez les sagouins municipaux, enlaidissement se prononce embellissement, ou rénovation ou densification (maintenant appelée "requalification urbaine"). Le tramway sert de levier, de vecteur, à une mainmise sur la ville. On rejoint là le chapitre "10. Un tramway vecteur d'aseptisation et de normalisation" (page 22).
Tourangeaux, le 1er février 2011 s'ouvrira une enquête publique sur le PLU, ça sera l'occasion d'argumenter pour refuser cette mainmise, ou au moins la réduire. Nous aurons peut-être la chance d'avoir des commissaires-enquêteurs indépendants et courageux ?
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