Sanitas Page 3 D'hier à demain, le Sanitas La "prévention situationnelle" en action : dégâts sociaux et environnementaux |
La place Neuve, en face du Palais des Sports a subit les affres de la rénovation : plein de places de parking, des arbustes (moins de 7 m, aucun arbre), aucun banc, pas de platebandes de végétation, du béton et du bitume, des abords très grillagés et l'omniprésente vidéosurveillance. Ce refus du "bien vivre ensemble" dans la rue et sur les places montre que les manifestations "art dans la rue", encadrées par la municipalité, ne sont que des subterfuges pour masquer la réalité d'un environnement de plus en plus aseptisé |
Des obstacles systématiques à la libre circulation Les barres d'immeuble sont grandes, et il est long d'en faire le tour. Les concepteurs ont donc prévus des porches qui permettent aux habitants de se déplacer facilement. Surtout dans ces dernières années, ils ont été systématiquement obstrués par des barres et barrières, qui, si elles dérangent peu les piètons, posent de grosses difficultés aux cyclistes et handicapés. Nous sommes pourtant dans une ville qui prétend favoriser les circulations douces et l'accès aux handicapés. Apparemment, au tout début, les incivilités des amateurs de skateboard ont justifié ces aménagements. A supposer que c'était la seule solution à l'époque, cette mesure aurait dû être provisoire. Elle est devenue définitive et s'est généralisée comme s'il devenait naturel de vivre entouré de barrières Ci-dessus, les deux porches, observez la présence d'une marche au dessus de la pente, imaginez un fauteuil roulant... |
A quelle époque vivons-nous pour arriver à de tels aménagements ? Près de la place Neuve, la nouvelle rénovation nous donne un aperçu de ce que va être le Sanitas de demain si un important changement de direction n'est pas opéré. Plus d'arbres, seulement des arbustes. Des voitures circulants librement, des habitants confinés dans des lieux grillagés, des aires de jeux grillagées, les arbustes sont même doublement grillagés... |
Sur la page voisine des grands arbres à Tours, je montre l'importante dégradation du patrimoine arboré de la ville. C'est particulièrement vrai dans le quartier du Sanitas. Non seulement on enlève beaucoup d'arbres, mais j'ai l'impression qu'on n'en plante plus. On ne plante que des arbustes (moins de 7 mètres de hauteur à l'âge adulte) et des arbrisseaux (moins de 3 mètres). Or la présence d'arbres est essentielle à plusieurs raisons, notamment pour la santé, la pollution, la présence d'éco-systèmes (les oiseaux...), le bien-vivre. Oui le bien vivre pour ne pas se sentir observé de partout, avoir des lieux de rencontre et, à défaut de coins intimes, des endroits semi-intimes où l'on se sente moins stressé par le béton, les grillages, la vidéosurveillance... A gauche treize peupliers ont été abattus (soit disant malades, mais deux seulement l'étaient, à voir leur coupe). La municipalité va sûrement les remplacer par une vingtaine d'arbustes en se vantant de planter plus qu'elle n'abat. A droite un saule pleureur a été abattu (malade), il y a queqlues années, mais il n'a pas été remplacé. |
Ici, la terre battue est bannie. Les bancs aussi. |
Ce que la municipalité oublie de nous expliquer, c’est qu’elle va "normaliser-sécuriser" le quartier avant la venue du tramway qui devrait emprunter, en venant de la gare, la rue Blaise Pascal en passant par le boulevard de Lattre de Tassigny, pour prendre ensuite l’avenue du Général De Gaule et rejoindre la place de la liberté. Elle ne lésinera pas sur les moyens qu’elle va utiliser et même la force pour faire partir ailleurs une partie des habitants du quartier du Sanitas.
[...] La politique de "résidentialisation", c’est le terme utilisé pour la réhabilitation du quartier Sanitas, parce que tout a à ce point échoué que les mots nouveaux donnent une impression d’idée nouvelle, transformer le "Sanite" en résidence de haut standing, voilà donc l’objectif. D’abord le "désenclaver", c’est-à-dire le rendre accessible (destruction des barres, aérer les espaces et élargir les rues, destruction des espaces intimes pour de la convivialité bien surveillée, expliquée, répété, matraquée, rassérénée sur le papier des innombrables journaux et organes de propagande de la bonne pensée munizipale, un bon exemple de fabrication de l’opinion publique) dans un premier temps pour les forces de l’ordre, ensuite améliorer le cadre de vie et casser son image de cité afin de résoudre des problèmes plus profonds, d’ordre social, et attirer ainsi des entreprises et développer le secteur tertiaire. Mais pour cela la ville devra faire partir des habitants. Impossible de "boboïser" un quartier classé Z.U.S. |
Le TRAM, c’est LE PLAN, le super jouet, un Cheval de Troie pour faire diversion.
[...] L’évidence sert à cacher la vérité. On a vu une partie de la panoplie de la gestion sécuritaire de la ville de Tours, et tout cela en fait participe d’une normalisation de l’usage de l’espace urbain qui s’inscrit dans une perspective beaucoup plus large, qui porte le nom d’Architecture de Prévention Situationnelle**, ou "Defensible Space" : aménager les lieux pour prévenir le crime. Voilà ce que cache la politique de "résidentialisation". **Le "Defensible Space" est un principe mis au point dans les années 1960 en Angleterre et aux Etats-Unis, c’est par définition un espace qui doit être par lui-même défendable, par sa structure, par ses formes, il doit être en lui-même dissuasif. |
L’ensemble de ce guide, ainsi que les dispositifs technologiques de surveillance, visent donc à conditionner les comportements urbains, afin de les conformer à un idéal d’ordre et de prévisibilité.
[...]dans la jungle urbaine, l’anonymat et les formes de la ville ont permis un certain assouplissement de ce contrôle, et donc une forme d’émancipation. La Prévention Situationnelle est donc analysable comme une régression sociale qui tend, au nom de la sécurité, à imposer des limites à l’épanouissement individuel, en rétablissant un contrôle social et une moralisation des moeurs. Il est donc fondamental de dénoncer le caractère pesant et oppresseur du contrôle social[...]. Il paraît urgent de lutter contre le processus de stérilisation des comportements et de normalisation des individus que permet le contrôle accru des aires urbaines. Ce dernier s’articule en deux temps. D’abord la surveillance par les forces de l’ordre et par l’ensemble des services privés de sécurité - cette surveillance étant suppléée par un arsenal technologique des plus élaborés. Le contrôle passe ensuite par l’auto-surveillance de chacun, par soi-moi même et par autrui - portée à la fois par une puissante moralisation des comportements, et par un dispositif spatial qui met l’individu en position de voyeur malgré lui. La maîtrise de l’espace est politique. Derrière l’idée d’assurer la protection des citoyens se trouve, à peine dissimulée, une logique de domination. Résolument, la méfiance est de règle à l’égard des politiques qui sont menées « pour notre bien ». Refusons d’entrer dans cette ère urbaine qui entend nous priver d’air. |
Alain Beyrand
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