Il y a un an était publié le livre "Tours mégaloville", dans lequel je décrivais la dérive anti-démocratique de l'administration municipale de la ville de Tours et de son agglomération. Deux mois plus tard, à la surprise générale, mais pas vraiment de la mienne (j'avais comparé 2014 à 1995, date de l'éviction du maire précédent), les élections municipales permettaient aux électeurs de virer les maires des deux plus importantes villes du département, Tours et Joué lès Tours. La sanction était spécifique à ces deux communes, avec un recul de beaucoup plus grande ampleur qu'au niveau national pour la "gauche", laquelle d'ailleurs gardait bonne figure dans d'autres communes de l'agglo comme Chambray lès Tours, Saint Pierre des Corps ou La Riche. Un vif mécontentement populaire avait abouti à l'éviction de Jean Germain et Philippe Le Breton. Malgré toute la puissance médiatique déployée ("Au final, le bilan est plutôt positif..." d'après la NR), la sanction était tombée de la part d'un électorat pas si endormi qu'il n'en avait l'air.
Après ces élections, j'avais rédigé une postface sur L'effondrement du système Germain. Je ne me faisais pas d'illusion à double titre. D'abord en parlant des inévitables "répliques", et nous allons voir comment deux d'entre elles se sont développées en 2014, avec autant "d'outrance, d'obstination et de mépris des habitants". Ensuite, j'avais montré que, même s'il savait tirer certaines ficelles, Jean Germain n'était lui-même qu'une marionnette au service de ce qu'on peut appeler "le grand capital", notamment les transnationales du BTP, Bouygues, Eiffage, Vinci et tout ce qui va dans le sens de leurs intérêts. Ces manipulateurs sont restés en place, notamment au travers des structures des administrations et structures associées communales et de l'agglo. L'arrivée à la tête de l'agglomération Tour(s) Plus de Philippe Briand, grand patron de l'immobilier (où voyez-vous un conflit d'intérêt ?), laisse présager l'arrivée d'un "système Briand" remplaçant l'ancien "système Germain". On n'en est pas encore là, on est en plein dans les soubresauts du moribond.
La marionnette Germain, vue par Hervé Buisson en 2013
Les Courelières à Joué lès Tours
Le retournement de veste de Jean Augis et l'appui du président Mésognon
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Jean Augis, maire nouvellement élu de Joué lès Tours, avait promis de stopper le projet Bouygues des Courelières d'artificialisation de 60 hectares de terres agricoles (à terme 150 ha). Le faible écart de voix sur le maire sortant, et son avance accentuée au sud de la commune, permettent même de dire que cette promesse l'a fait élire. Moins d'un mois après son élection, le nouveau maire, proche de Philippe Briand, changeait radicalement d'avis en poursuivant le projet. Quelles ont été les pressions exercées ? Y-a-t-il un rapport avec la contestation de son élection, finalement confirmée ? Ce qui avait été programmé s'est poursuivi.
Quel rapport avec le système Germain ? Il est double. D'abord, ce projet a bénéficié de l'appui complet de l'agglo, que ce soit au niveau préparatoire, avec la manipulation d'écriture permettant de supprimer une enquête publique et de reculer la date de mise en effet du SCoT (Schéma de Cohérence Territorial) afin que dans un sprint épique (parti un mois après, arrivé 4 jours avant) le projet des Courelières soit adopté (cf. page Aquavit) ou que ce soit dans l'appui manifesté à ouvrir une zone commerciale pourtant non inscrite dans le SCoT et donc contraire à ses objectifs.
Ensuite le projet des Courelières a, hélas sans surprise aucune, bénéficié du soutien d'un homme clé du système Germain, le président du tribunal administratif d'Orléans Didier Mésognon. L'ancien maire de Tours et président d'agglo s'était entouré de spécialistes des Tribunaux administratifs et, comme par hasard, il a bénéficié du soutien systématique de ce tout puissant juge, qui fait que l'agglo est devenu une "enclave de non droit", comme le dit l'association AQUAVIT. Le recours lancé par la SEPANT et l'AQUAVIT contre ce projet a donc échoué : validé 4 jours avant le SCoT, le projet des Courelières n'a pas à s'y plier. Et, à en croire Mésognon, ce serait faire preuve de beaucoup de mauvaise foi que de considérer qu'il y a eu triche pour que cette validation se soit si rapidement terminée avant celle du SCoT. Les deux associations, pourtant agréées, sont en plus durement sanctionnées ensemble de 1000 euros. On a passé un cap, elles sont désormais menacées d'asphixie financière si elles continuent à contrarier l'establishment.
Les électeurs jocondiens ont donc été complètement bernés, leur volonté a été niée. Les objectifs du SCoT sont bafoués en toute connaissance de cause.
Le Haut de la rue Nationale à Tours
La continuité de Serge Babary et l'appui du président Mésognon
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La victoire de Serge Babary le 31 mars 2014 est en premier lieu la défaite de Jean Germain. Les électeurs Tourangeaux ont montré leur volonté d'une rupture avec les méthodes passées. Or que fait le nouveau maire ? Il continue comme avant...
Le projet du Haut de la rue Nationale était complètement bouclé, il restait l'enquête publique qui devait débuter juste après l'élection. La nouvelle équipe s'est contentée de retarder cette enquête de deux mois et elle l'a lancée tel que prévue, sans même avoir pris connaissance du dossier. Elle ne savait même pas pourquoi on abattait tous les arbres, elle ne savait même pas que le chauffage au gaz, inscrit dans les dossiers d'enquête, était subrepticement remplacé par la géothermie (ce qui était lourd de conséquences, pour abattre tous les arbres). Une marionnette avant remplacé l'autre pour valider les deux tours-hôtels d'Eiffage, qui allaient défigurer les bords de Loire.
Pour que la sévère contestation émise lors de cette enquête par les habitants et associations reste lettre morte, le Tribunal Administratif d'Orleans avait choisi un commissaire-enquêteur qui n'avait d'yeux et d'oreilles que pour l'extraordinaire pertinence du projet. Le président Mésognon est lui-même intervenu pour éjecter un recours sur la révision du plan de sauvegarde qui pouvait gêner. Le nouveau maire a repris les élans mégalomaniaques de son prédécesseur en assurant que 100.000 visiteurs viendraient de partout arpenter le plancher du futur Centre de Création Contemporaine Olivier Debré, un artiste si populaire. Il a monté en épingle les interrogations de l'AQUAVIT sur le système de "géothermie sèche", habituellement associé à la fracturation hydrolique, que les services de l'agglo avaient dit employer (Cf. page voisine), pour déclarer cette association non grata, comme l'avaient fait les deux maires précédents. Cela l'avait aidé à ne pas répondre sur les autres nombreux aspects dérangeants d'un projet où l'intérêt privé prime largement sur un intérêt public qui sert d'alibi (cf. appel de l'AQUAVIT, l'ASPIE et Vélorution Tours). Comme son prédécesseur, il ne craint pas de s'opposer à l'Architecte des Bâtiments de France, qui, encore, finira par s'incliner.
Il y aurait certes de quoi déposer un recours contre cette enquête publique bidon. Mais comme voulez-vous que le Tribunal Administratif, juge et parti, puisse juger de façon indépendante ? Et en plus avec Mésognon...
On en est là en ce début de 2015, bien d'autres signes montrent une solide volonté de continuité et de refus d'écoute. J'aurai l'occasion d'y revenir, en espérant quand même voir apparaître quelques premiers signes de véritable rupture.
A notre échelle locale, ce sont là deux GPII, Grands Projets Inutiles Imposés, tels qu'on en rencontre partout en France. Une prise de conscience est en train de s'opérer face à ces abus de pouvoir caractérisés, à ces Partenariats Public-Privé, à ces grandes dépenses dans un monde endetté. Même sans illusion, nous sommes quelques opiniatres, de plus en plus nombreux, à les dénoncer et à y résister.
Alain Beyrand,
Le 4 janvier 2015
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