e ministère de l'environnement se soumet-il aux dangereux projets du BTP ?
Je me suis déjà exprimé sur une collusion entre le maire de Tours et les promoteurs. C'était à propos d'une discrète modification du PLU, permettant de construire un étage de plus. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres exposés sur ce blog : la densification sauvage sur Tours Nord, le saccage environnemental du quartier des casernes, les cubes Hilton du haut de la rue Nationale, et plus récemment la suppression de la digue du canal et la création d'une annexe du musée des beaux-Arts en un lieu classé... Tout cela n'est pas spécifique à Tours, trop de maires de grandes villes sont obnubilés par une soi-disante nécessité de construire toujours davantage et n'importe comment.
Mais voir le ministère de l'environnement agir de même et à une bien plus grande échelle est davantage surprenant et inquiétant. Il ne promeut plus la défense de l'environnement, du patrimoine, de la sécurité des biens et des personnes, il les dégrade...
En dehors des préoccupations locales de ce blog, deux articles ont attiré mon attention sur une grave atteinte à notre patrimoine bâti :
90% de la France menacée par un décret scélérat, article de Didier Rykner sur "La tribune de l'Art", du 26 juillet 2016. Sous l'illustration qui suit, on y lit notamment : "Ce décret, qui traduit la volonté du gouvernement de François Hollande, impose aux propriétaires de mener sur leurs habitations des travaux qui détruiront définitivement la beauté des villes et des paysages français. Toute maison ancienne qui ne se trouverait pas dans une zone protégée (soit plus de 90% du territoire français) est ainsi menacée. Lorsque l’on voit à quoi ressemblent les travaux d’isolation par l’extérieur effectués avant même qu’ils deviennent quasiment obligatoires, on sait à quoi l’on s’attend."
"Un décret Royal met en péril le patrimoine", article de Hervé Liffran sur le Canard Enchaîné du 17 août 2016. On y lit : "La disposition a été prise à l'instigation des pros du BTP, qui ont promis monts et merveilles au gouvernement pour obtenir satisfaction. [...] Les bétonneurs ont fait front commun avec la ministre de l'environnement, Ségolène Royal, et avec les parlementaires écolos. [...] La loi et le décret interdisent de facto le recours à toute autre technique d'isolation, en particulier celle dite "par l'intérieur". [...] La plupart des bâtiments plus ou moins pittoresques qui peuplent villes et campagnes ne seront pas protégés a priori. Pour les garder dans leur jus, il faudra produire une "note argumentée" - et payante -, rédigée par un architecte. Les tire-au-flanc espérant échapper à la loi au prétexte que les travaux ne seraient pas rentables n'y couperont pas. Les clients - pas toujours au fait des subtilités juridiques - risquent de ne pas faire le poids face à la gourmandise des boîtes du BTP. "C'est vrai qua la balance n'est pas très égale entre les entrepreneurs et les petits propriétéaires, mais il faut savoir ce que l'on veut..." lâche, avec un air gêné, une collaboratrice de Ségolène Royal.".
Sur ce blog, j'ai à plusieurs reprises, dénoncé la décision impulsée par le ministère de l’environnement, avec l’accord des communes de Tours et avoisinantes, de supprimer la digue du Canal, de second rang, protégeant le val entre Loire et Cher, et de créer un déversoir en amont de l’agglo tourangelle. Pour 130.000 habitants, le risque d’inondation a décuplé (c’est acté dans le dernier PPRI). Le parallélisme avec le décret scélérat d'isolation par l'extérieur apparaît frappant. A Tours aussi le ministère de l’environnement, apparemment soutenu par des élus écologistes, s’accorde avec les intérêts du BTP. Le but est clairement défini dans un document appelé "feuille de route" (évaluation sur le site de l'AQUAVIT). Les inondations disparaissent pour devenir des "diffusions apaisées de l’eau", l’eau ne doit plus rencontrer de gros obstacles et doit pouvoir s’écouler partout librement dans l’agglomération. Le but est de "renouveler la ville". Pour que les affaires repartent, les aménageurs apprentis-sorciers de Ségolène Royal ont trouvé le moyen de créer une bonne catastrophe, sous prétexte d’expérimentation. Comme pour l’isolation par l’extérieur, la Ministre botte en touche, couvre les dérives de son administration, parle de responsabilité de chacun etc. Le parallélisme entre ces deux affaires montre la force de pression du BTP sur l’Etat, lequel use de son pouvoir en niant les futurs dégâts et en éludant au maximum le sujet.
Didier Rykner, sur son magazine en ligne "La Tribune de l'Art" a aussi vigoureusement dénoncé le projet de construction d'une annexe du musée des Beaux-Arts en un lieu classé (cf. article Musée des Beaux-Arts de Tours et isolation par l’extérieur : Jack Lang, au secours ! du 24 août 2016) (et voir sur ce blog la page voisine). Là encore, on voit le maire de Tours agir comme pour la digue du Canal. Influençable et mal conseillé, il gobe les énormités qu'on lui raconte, que ce soit une digue devenue d’un seul coup fragile (pourtant énergiquement défendue par ses prédécesseurs) ou que ce soit une collection artistique considérée comme extraordinaire, mais au contenu étrangement non dévoilé. Contre des objections pourtant très précises, Serge Babary est incapable de de défendre ses positions autrement que par des formules à l'emporte-pièce. Il préfère s’entêter dans ses erreurs. Comme Ségolène Royal, qui apparaît plus consciente, plus louvoyante, et donc plus cynique.
En arrière plan, ceux qui ont de gros intérêts financiers sont ravis d’avoir trouvé deux marionnettes aussi diligentes... Leurs intérêts sont tellement puissants qu’il y a lieu de douter que les Tribunaux administratifs puissent s’y opposer. De longues démêlées juridiques se préparent. Que d’énergie inutilement gaspillée dans des combats qui n’auraient pas lieu si nos politiciens avaient un minimum de bon sens et de volonté d’agir pour le bien de tous...