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CVL du 26 juin 2008
La municipalité abat un arbre magnifique parce qu'il pue |
Avec en bas de cette page l'abattage des 65 platanes centenaires du boulevard Tonnellé.
Chez les boudhistes, le ginkgo biloba est un arbre sacré. A l'automne, les arbres femelles ont des noix qui, en tombant sur le sol et en se désagrégeant, ont une odeur désagréable (comme celle du beurre rance). Cette période ne dure pas longtemps cependant et ces désagréments peuvent être évités en éliminant régulièrement les graines tombées. En Corée, Japon et Chine les arbres femelles sont préférés parce que l'on y apprécie les noix. A Tours, pour soi-disant faire plaisir aux touristes, notamment coréens, japonais, chinois, on vient d'abattre un gingko femelle parce qu'il puait et parce que, situé à côté du centre des congrès Vinci, il était censé déranger les touristes.
Cet arbre était pourtant superbe et sa présence à côté de l'architecture en verre de Jean Nouvel était particulièrement réussie.
Voici l'article que lui a consacré La Nouvelle République du Centre-Ouest le 20 juin 2008 (article repris ici sur www.tours.maville.com).
Et l'avis des habitants ? La municipalité ne s'en est pas préoccupée ; notamment le CVL Tours-Est n'a pas été consulté. Le jardin de la préfecture, où se trouvait ce gingko, est pourtant un des rares espaces verts du centre ville. Il semble que la municipalité s'acharne sur ce pauvre petit parc. Elle doit sans doute le trouver laid pour le cacher plusieurs mois par an derrière des panneaux publicitaires du Crédit Mutuel à la gloire du vin, pour faire plaisir aux lobbies viticoles. Quant au parc privé de la préfecture, à côté, la municipalité n'a pas fait la moindre action pour essayer d'en donner l'accès aux habitants qui pourtant l'entretiennent par leurs impots (voir ici) (en un autre lieu, on peut aussi rappeler l'abattage de glycines soi-disant en mauvaise santé pour faciliter le ravalement d'un bâtiment, voir ici).
Voici une galerie de photos de cet arbre abattu. Son harmonie avec l'architecture du Vinci était remarquable. L'élan de ses branches se mariait avec les reflets et les courbes de la masse élégante du Vinci. Et c'était un arbre jeune, cette beauté ne pouvait que s'affirmer, il serait probablement devenu un arbre remarquable. Cliquez sur les vignettes pour les voir en meilleure résolution.
On remarquera que le ginkgo n'était pas juste à la sortie du Vinci. Les quelques jours où l'odeur de ses fruits dérangeait, ce sont les tourangeaux qui attendaient près de l'abri bus qui étaient le plus dérangés. Pendant 70 ans cela s'est bien passé. Il a fallu que quelqu'un au Vinci, un peu plus loin, se rende compte que ça gênait quelque congressistes de passage (lesquels n'auraient d'ailleurs jamais demandé à abattre l'arbre !)... La plainte de cet imbécile au bras long a été prise en compte par la municipalité, soucieuse de ce que l'ultra-centre soit "clean" et aseptisé... Pourquoi donc le service des espaces verts a-t-il été incapable de défendre un tel arbre ? Pourquoi a-t-il laissé faire ça en catimini ? Pourquoi ?
Un habitant avait ramassé quelques uns de ces fruits malodorants. Des triplés sont nés qui grandissent dans un pot sur le bord d'un escalier. Est-ce tout ce qu'il restera du gingko du jardin de la préfecture ?
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A Paris, dans certains parcs abritant des ginkgos femelles, on trouve des habitants d'origine asiatique qui se font un plaisir de ramasser les noix malodorantes de ginkgos femelles, car leurs noyaux sont des mets appréciés. Cet arbre, qui est le plus vieil arbre du monde, a de nombreuses vertus étonnantes, il y a tout lieu de le respecter, comme le font les boudhistes.
Vous trouvez ici une page sur les gingko biloba de Tours et de Touraine. Le plus beau d'entre eux, et sans doute le plus beau de France, est celui de l'entrée du jardin botanique à Tours. En voici une photo. C'est un arbre mâle avec une branche greffée femelle. Et Roger Bonneau (cf. l'article de La Nouvelle République) se souvient que c'est d'une pousse sous cette branche que provient le ginkgo qui a été abattu...
Conseil de la Vie Locale de Tours-Est du 26 juin 2008 : je rencontre le responsable des espaces verts. Je n'ai guère plus de précision, mais il m'apprend qu'un ginkgo (mâle, bien sûr...) sera planté à l'automne à l'endroit de l'arbre abattu. Tant mieux pour ceux qui l'admireront dans 50 ans...
Tout cela laisse à réfléchir, et m'amènera à poser une question au prochain CVL. Quel est le mécanisme décisionnel d'abattage d'un arbre ? En insistant sur les possibilités de recours, notamment, avec l'adjoint à l'exemplarité environnementale... Parce qu'en matière d'exemplarité, sur ce coup là, ça n'a vraiment pas été brillant !...
Complément du 4 juillet 2008. Je viens de recevoir un courrier de Mme Chasseguet, directeur des parcs et jardins de la ville (disons des espaces verts, pour reprendre la dénomination moins ectuelle que j'ai utilisée) et de Mme Hamoudi, adjointe au maire, justifiant l'abattage du ginkgo. Elles signalent de "nombreuses plaintes chaque année, non pas tant sur l'odeur dégagée par le sujet que sur le danger que représentaient ces fruits gluants chutant sur un trottoir très fréquenté, à proximité d'un bus".
Cela rejoint mon propos sur le fait que les usagers du bus avaient davantage lieu de se plaindre que les touristes du Vinci, comme l'indiquait La Nouvelle République. Par contre, je doute très fortement que les plaintes s'adressaient au service des parcs et jardins pour que l'arbre soit abattu. Elle s'adressaient bien davantage au service de nettoyage pour que le trottoir soit nettoyé. Comme sous un arbre avec des feuilles mortes nombreuses et glissantes, même si c'est là un peu plus sévère.
Car comment font donc les autres municipalités ? Il n'est pas rare que des ginkgo biloba femelles se trouvent le long d'une chaussée. Je peux donner au moins trois exemples où il y en a vraiment beaucoup, puisqu'il s'agit de toute une rangée de ginkgos placés le long de la voie publique, plusieurs dizaines d'arbres dont un sur deux environ sont des arbres femelles, avec les mêmes inconvénients. L'esplanade de la bibliothèque François Mitterand à Paris. L'avenue de Reille à Paris (avec des abri-bus, voir la photo ci-contre). La gare routière à la sortie de Juvisy sur Orge, qui jouxte une des plus grandes gares ferroviaires de l'île de France (là, il n'y a que sept ginkgos, mais c'est un endroit très passager). Et comment font les Chinois et les Japonais, là où les ginkgos femelles sont davantage appréciés que les males, justement à cause de leurs fruits ? (Tokyo compte environ 65.000 Ginkgos, soit 16% des arbres d'ornement des espaces publics de la ville)
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La décision de la municipalité m'apparaît donc comme très inhabituelle et très violente, très peu respectueuse de la nature. D'ailleurs, même si ça convient mieux à un arbre plus jeune, il aurait pu être envisagé une transplantation, car les ginkgos sont très résistants. Mais, à mon sens, même une telle décision ne se justifiait pas tant cet arbre était bien placé en harmonie avec le Vinci.
Le site du collectif Vélorution Tours s'est fait l'écho, sur cette page, de cet "acte politique nauséabond"... Le site Vox Nature reprend aussi l'information sur cette page.
Retour sur le ginkgo biloba abattu
J'avais oublié de le signaler et c'est tout de même important; il y avait une solution moins radicale, et moins efficace certes, mais atténuant tout de même sensiblement la chute de fruits sur le trottoir, c'était de couper la longue branche qui passait sur le trottoir...
Le 3 juin 2011
Cet abattage abusif est resté marquant, puisque trois ans plus tard, on en parle encore en conseil municipal (voir mes propos à ce jour ici).
Un nouveau ginkgo ...
Le 22 novembre 2012
Finalement, un nouveau ginkgo a été planté dans le jardin de la Préfecture. C'est un beau sujet, bien placé, au milieu d'une pelouse sur fond du Centre des Congrès. Certains diront qu'il remplace l'arbre abattu. Non, il est très jeune, on ne le verra pas du boulevard Heurteloup, il n'a pas (encore ?) l'allure élégante et déguingandée de son prédécesseur. Il est quand même un souvenir vivant de celui abattu.
Je signale aussi, que, l'an dernier, j'ai réalisé sur une page voisine un parcours des ginkgos tourangeaux.
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Récidive : 65 platanes vont être abattus boulevard Tonnellé
Ajout du 26 décembre 2008
Article de La Nouvelle République du Centre-Ouest du 20 décembre 2008 :
Je connais cette avenue et ces arbres (situés sur Tours Ouest). J'avais été très étonné de voir des immeubles se construire au ras des platanes. C'était à peine croyable, on sentait ces arbres condamnés. La sentence est tombée...
Je note dans l'article le manque d'enquête indépendante. C'est un véritable problème que j'avais soulevé, suite à l'abattage des glycines à l'entrée du jardin botanique (qui gênaient pour les crépis) et du ginkgo biloba centenaire du parc de la Préfecture (qui puait trop pour les touristes), en posant la question suivante lors du CVL-Est du 7 octobre 2008 :
Quel est le mécanisme décisionnel d'abattage des arbres, plus particulièrement ceux très beaux des parcs municipaux ? Les causes retenues sont-elles étudiées avec attention ? Un dossier est-il constitué qui permette à tout citoyen de comprendre la justification d'un tel acte ? (preuves de maladies, de dangerosité...) Des recours sont-ils possibles ?
Quels rôles peuvent y jouer le services des Parcs et Jardins et l'adjoint à l'exemplarité environnementale ?
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Voici la réponse de la municipalité :
Chaque décision d'abattage est précédée d'une étude sur l'état sanitaire ou la dangerosité de l'arbre concerné. Le service Espaces Verts réalise un suivi régulier des plantations sur la ville et toute décision est prise en relation avec l'adjoint chargé de ce dossier. Il faut également ajouter que chaque année le nombre d'arbres plantés est nettement supérieur au nombre d'arbres abattus.
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C'est ce que j'appelle une "réponse langue de bois" qui montre qu'aucun contrôle citoyen ou indépendant n'existe ni n'est envisagé. Les promoteurs immobiliers ou les volontés de standardisation sont priotaires sur les platanes...
Dans la lignée de l'ère Royer, les arbres sont pour la municipalité les éléments d'une nature aseptisée conçue d'abord comme une vitrine pour recevoir des médailles. Je pense que, comme pour un homme ou une bête, on devrait respecter un arbre majestueux même s'il est malade ou puant (sauf bien sûr s'il devient un danger grave). Et les constructions immobilières devraient les respecter.
Il peut, bien sûr, y avoir des causes valables d'abattage, mais je crois que plus les arbres sont vieux, plus il faut des raisons graves faisant consensus. Ce n'est pas en nombre qu'il faut comparer arbres abattus et plantés, c'est en poids.
En page 40 de mon livre sur les arbres à Tours et en bas de cette page, je présente ce qu'est devenu le boulevard, avec les nouvelles plantations.
Alain Beyrand
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