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    Le patrimoine arboré des casernes Beaumont et Chauveau sera-t-il préservé ?

    Tours, le 20 juin 2011 (1)
    L'enjeu

    L'armée a décidé d'abandonner "l'école du Train" et ses casernes Beaumont et Chauveau en centre-ville et de garder la base 705 de Parçay-Meslay et ses alpha-jets et mirages qui passent régulièrement au dessus de l'est de l'agglomération, semant vacarme, pollution et risques d'accident, comme si des avions militaires ne pouvaient pas s'entrainer ailleurs qu'en passant régulièrement au dessus d'une grande ville (cf. ici). Si les Tourangeaux avaient eu droit à la parole, ils auraient très probablement préféré abandonner la base 705 et garder l'école du Train, avec ses militaires intégrés à la population, sans nuisance sensible. Mais la mairie et le gouvernement ont décidé l'inverse, entre eux, sans se soucier de l'intérêt public, c'est comme ça.

    Il est vrai que du point de vue immobilier, la mise à disposition de 10 hectares en centre-ville est une sacrée aubaine financière. Ce n'est qu'un aspect des choses, il est possible d'utiliser cet espace intelligemment, il peut être une opportunité d'améliorer notre ville et c'est avec cet état d'esprit que je rédige cette page. Je ne veux pas m'investir dans tous les aspects de cette "bonne utilisation potentielle", je ne veux m'intéresser qu'à la composante environnementale, et plus précisément au devenir d'un patrimoine arboré qui, sans être exceptionnel, est de très bonne facture.

    Je le fais surtout à cause des précédents à répétition, qui ces dernières années ont montré des élus et un service municipal d'urbanisme imperméables à la préservation des arbres. Il est désolant de constater que, presque toujours dans notre ville, une opération de rénovation commence par l'abattage de tous les arbres, ce qui permet de se vanter ensuite de créer des espaces verts en entonnant le refrain "C'est pas grave, on replante !" (cf. la page "Grands arbres", ici). J'espère que cette règle mortifère ne sera pas appliquée ici, même en partie. Il y a une grosse centaine de beaux arbres, je souhaite qu'ils restent en place dans leur très grande majorité, disons au moins 80 %, dans la première approche que j'ai actuellement et je trouverais justifié que cette demande soit considérée comme trop modeste. Je souhaite que la préservation de ce patrimoine soit une contrainte architecturale forte, sans pour cela être un frein à des ambitions légitimes qui peuvent justifier quelques abattages. Conserver cet atout préexistant ne peut que valoriser le projet à venir. L'essentiel est d'intégrer cette volonté dès le départ.

    Il y a bien sûr d'autres enjeux mais je ne compte m'intéresser ici qu'à celui-ci et ce que j'en sais aujourd'hui m'amène à croire que c'est mal engagé, je vais expliquer pourquoi. Commençons par un état des lieux.

    Tours, le 20 juin 2011 (2)
    Un patrimoine arboré de qualité

    Samedi 18 juin, la mairie a organisé une visite commentée des lieux. J'y étais et j'ai pris quelques photos pour donner ici un aperçu des arbres en place.

    D'abord, le site est partagé en deux parties. Au nord de la rue du Plat d'Etain (le haut du plan ci-dessous), la caserne Chauveau créée en 1875 et, au sud de cette rue, la caserne Beaumont créée en 1913. En surface, les arbres occupent une place restreinte, ce ne sont pas eux qui empêchent une densification de l'habitat. Ils sont hauts, bien visibles, ce sont des arbres épanouis et pour qu'ils le restent, il ne faudra bien sûr pas aménager trop près d'eux.


    (le Nord en haut, l'Ouest à gauche)

    Ces beaux sujets ont apparemment été plantés peu après la création de chacune des deux casernes, ils auraient donc environ 120 ans côté nord (caserne Chauveau C1, C2) et environ 90 ans côté sud (caserne Beaumont, B1 à B4). Tous ont été bien entretenus et semblent en bonne santé. En grande majorité, il s'agit de platanes. Des tilleuls entourent aux trois quarts une place (B3). Quelques beaux arbres isolés, dont un cèdre coté nord, complètent le tableau. Il y a peu d'arbustes, c'était une époque où on ne plantait pas petitement comme on le fait maintenant.

    Voici des photos correspondants aux indications du plan ci-dessus, C1 et C2 pour le caserne Chauveau B1 à B4 pour la caserne Beaumont.


    Chauveau C1, 5 platanes
    Ce sont les plus beaux sujets, sûrement les plus vieux (l'Est au fond).
    Il y a lieu de croire que les autres platanes deviendront aussi somptueux que ceux-ci.
    Ils auraient mérité d'être préservés dans le récent PLU.

    Chauveau C2, 17 arbres, surtout des platanes
    Vue de la rue du Plat d'Etain. Le Nord au fond.


    Beaumont B1, 19 platanes
    L'Est au fond. Un bel espace vert à aménager...


    Beaumont B2, 53 platanes
    L'Ouest au fond. Les arbustes devant ne sont pas comptés.


    Beaumont B3, 18 tilleuls
    Le Sud au fond.


    Beaumont B4, 5 platanes et 6 autres arbres
    L'Ouest au fond.

    Ces photos montrent la qualité de ce patrimoine vert. Songez, à titre de comparaison, que le seul alignement d'arbres préservé qui a été ajouté au PLU de cette année est celui de l'allée qui longe la rue du Dr Zamenhof, constitué de tilleuls cinquantenaires (voir ici). Chacun de ces six alignements est plus beau. La différence est que la mairie n'a pas envie de construire le long de l'autoroute et qu'elle préfère avoir les mains libres ici. C'est ainsi que l'on gère les espaces arborés dans notre ville...

    Mes comptages d'arbres sont approximatifs, effectués à partir du plan ci-dessus (le lecteur peut donc vérifier et corriger). En totalisant 5+17+19+53+18+11 on arrive à 123 arbres. J'en vois 2 autres le long du mur est (à droite du plan) de Beaumont, disons 125 arbres et sans doute quelques arbrisseaux à peine visibles sur le plan (qui me semble être exact pour ce comptage). Je n'ai pas compté les jeunes arbres ou arbustes qui sont sur le long de rue du Plat d'Etain, au moins 12, ils pourraient aussi être abattus...

    Tours, le 20 juin 2011 (3)
    Des intentions louables déjà gâchées

    Lors de la présentation du 18 juin, élus et urbanistes ont présenté les grandes lignes du projet. J'ai noté les expressions suivantes : "S'appuyer sur les strates de l'histoire", "dimension patrimoniale", "plan climat", diminuer les gaz à effet de serre", "composer avec l'existant, "besoin de nature en ville". Bien, très bien. Je retouve ces intentions dans le livret de 16 pages offert (téléchargeable ici, en format pdf) : "dimension environnementale", valoriser le patrimoine", "respecter la mémoire des lieux", "qualité de vie".

    Alors comment cela va-t-il se mettre en place ? Des grands arbres centenaires pour diminuer les gaz à effets de serre, pour donner une dimension environnementale, avoir de la nature en ville, pour conserver la mémoire des hommes, développer la richesse de notre patrimoine, il n'y a pas mieux. C'est formidable, avec des intentions aussi louables, ils vont être préservés et servir de base aux nouveaux aménagements ! Hé bien non, patatras !, pas du tout.

    Pas du tout actuellement, à ce que j'en sais, et je vais le démontrer.

    D'abord, dans la réunion du 18, quand une dame a demandé ce qu'allaient devenir les arbres, il lui a été répondu que le "maximum" serait fait, qu'il y aura une étude au cas par cas... Rendez-vous compte : cela signifie que la préservation du patrimoine arboré n'a pas du tout été prise en compte dès le départ, que les plans ont été réalisés sans prendre en compte l'actuel positionnement des arbres, et une fois cela fini, au cas par cas, on voit à sauver, "au maximum", ceux ne gêneront pas les nouveaux arbres. C'est l'annonce d'un nouveau massacre environnemental dans notre ville.

    Une confirmation est venue quand il a été dit que les nouveaux aménagements seraient prioritairement organisés dans l'axe nord-sud et en diagonale. Or les arbres sont surtout positionnement dans l'axe est-ouest, ils seront donc très largement des facteurs de gênes.

    La consultation du livret ne fait qu'aggraver ce constat. Il n'y est jamais question de patrimoine arboré ou d'arbres déjà en place. Comme s'il n'y en avait aucun. Le seul exemple montré d'une vue avant et après est catastrophique : tous les arbres préexistants ont disparu. Quant aux nouveaux sujets plantés, ils font 20 mètres de hauteur, tels qu'ils seront... dans plus de 50 ans. Voyez :


    Notez combien la mise en page elle-même est trompeuse, ça ne peut être que mieux quand c'est plus grand...

    Un des principes de base du nouvel aménagement est la prolongation du boulevard Thiers qui traversera alors le site en diagonale... en dégommant de nombreux arbres. Voyez le plan à gauche et à droite sa superposition avec le plan de l'existant (du haut de page) :


    Les dégâts, on le voit nettement, sont considérables. Les six implantations, C1, C2, B1 à B4 sont complètement éclatées. C'est un massacre environnemental, sur la base de ce plan il n'y a aurait que quelques survivants dans ces 125 arbres centenaires ou presque.

    Je ne vois pas en quoi il y aurait besoin de partir ainsi, ce n'est d'ailleurs pas expliqué. Quelle nécessité, par exemple, que le boulevard Thiers se poursuive en ligne droite ? Il peut très bien dévier pour éviter les arbres, cela n'appauvrira pas le projet, et il en est probablement de même pour le reste. Il est possible de remodeler tout cela en préservant les arbres et en profitant donc de leur apport. Un quartier neuf avec des arbres centenaires n'est-ce pas engageant ? Ou préférez-vous habiter un quartier neuf avec des arbres et arbustes nouvellement plantés ?

    Tours, le 20 juin 2011 (4)
    Encore un simulacre de concertation ?

    J'ai mis un point d'interrogation à la fin de ce titre, parce qu'il me reste un peu de naïveté et d'optimisme, mais un point d'exclamation serait hélas plus objectif. Car nous sommes très mal partis pour une véritable concertation. Comme pour la première ligne de tramway, comme pour le PLU, je crains que la mairie décide tout et la population n'arrive pas à modifier ce qui lui est imposé. Je ne connais qu'une exception, quand la mairie a renoncer à construire sur les jardins Saint Lazare, parce que les habitants du quartier se sont insurgés, in extremis avant que le projet soit validé, et après que l'enquête publique n'ait servi à rien malgré l'énormité des mensonges municipaux (voir ici). Dans ces deux cas du tram et du PLU, comme ici, des intentions louables ont été affichées puis ont été largement bafouées.

    Quand j'ai appris qu'une concertation se mettait en place, j'ai cru que ce projet allait être mieux mené. Je me suis vite rendu compte que, comme pour les deux cas précédents, la concertation n'existe que parce qu'elle est obligatoire. D'abord dans le cadre d'aménagement d'une ZAC "Zone d'Aménagement Concerté" (concerté ?!), puis dans le cadre de l'enquête publique qui suivra. Ce n'est que le minimum minimorum.

    Je pense que certains principes initiaux d'aménagements auraient pu être modifiés par la population, qui est quand même la mieux placée pour connaîte les lieux. Elle aurait par exemple préféré que le super-marché soit déplacé pour libérer la place Rabelais de son rôle de parking et y ramener une vie sociale. Et elle n'aurait certainement pas oublié les arbres...

    Il convient de se rendre compte que presque tout est déjà choisi. Il y eut d'abord un cahier des charges sur lesquels les habitants n'ont pas été consultés, alors qu'un groupe de travail du Conseil de Vie Locale Ouest aurait convenu. Ensuite, toujours en catimini, un appel d'offres a été lancé, 29 réponses ont été reçues, 3 ont été retenues et un projet a été sélectionné, encore sans l'avis des habitants. Et nous voilà coincé avec ce projet imposé.

    Ce n'est pas écrit dans le livret, mais à la réunion, on nous a dit que ce n'était pas aussi coincé et imposé que ça, car après avoir choisi un architecte, il faudra choisir un aménageur et que beaucoup de choses peuvent changer. Je le souhaite, mais comment croire en une mairie qui a fait preuve précédemment de surdité et même de duplicité ?

    Car cette non prise en compte du patrimoine arboré n'est pas un oubli. Elle est une volonté délibérée, conforme à la culture rétrograde du service urbanisme et du maire, une culture inadaptée aux enjeux de notre siècle, basée sur une apparence marketing vendeuse masquant de graves inadaptations. Cette façon de supprimer des beaux espaces verts pour se vanter d'en créer d'autres est caractéristique. D'ailleurs, j'avais émis la requête suivante lors de l'enquête publique sur le P.L.U., en février 2011 : "En ce qui concerne le projet de reconversion des casernes Beaumont-Chauveau, je demande que les arbres en place soient conservés". Je n'ai pas eu le moindre bout de réponse, c'est révélateur.

    Alors, vous direz-vous, pourquoi ai-je ajouté cette page à mon blog, puisque les choses sont tellement figées ? Ma façon si peu diplomatique de présenter les choses ne risque-t-elle pas d'aggraver la surdité municipale ? Que ce soit diplomatique ou pas ne change pas grand chose, je l'ai expérimenté. Cela fait presque dix ans que j'ai décidé de participer au Conseil de la Vie Locale de Tours Est, parce que je suis très favorable à l'expression des citoyens dans la vie de la cité et je voulais y apporter ma pierre. J'ai pu me rendre compte que les dés sont complètement pipés, surtout par la présente municipalité (un peu moins par la précédente), ce qui m'a amené à démissionner. On ne peut pas se concerter avec quelqu'un qui n'en a pas envie et qui cache ses projets pour ne les montrer que lorsqu'ils sont en phase de finalisation.

    Cette page s'adresse tout de même aux élus, peut-être certains comprendront-ils et voudront-ils un peu sortir de la spirale aveugle dans laquelle on est enlisé ? Elle s'adresse surtout aux internautes tourangeaux pour qu'ils entendent un autre son de cloche que celui des médias locaux tenus en bonne part pas par la mairie, pour qu'ils aient des éléments objectifs en main. Ce qui est important, ce ne sont pas mes récriminations, ce sont mes démonstrations. Revoyez la superposition des deux plans que je viens de faire, n'est-ce pas saisissant ? Comment peut-on bâtir ainsi un nouveau quartier en oubliant qu'il a un très beau patrimoine arboré ? N'est-ce pas là une chance à saisir ? Tout ne doit-il pas s'agencer en fonction de cette opportunité ? Si vous l'avez compris, agissez aussi, à votre façon, et comme moi, osez croire que tout n'est pas fini et que ça peut s'arranger. On l'a vu avec les jardins St Lazare, ça ne se fera pas tout seul, il faudra agir ensemble dans le même sens, avec résolution, car l'expression d'arguments aussi pertinents soient-ils est insuffisante. C'est dommage, mais c'est ainsi.

    Tours, le 20 juin 2011 (5)
    Ma première déposition

    En attendant, probablement, celle qui viendra lors de la future enquête publique, voici ma déposition sur le site de la ville (ici), avec bien sûr quelques redondances sur ce que j'ai écrit précédemment, c'est une sorte de résumé :

    Quand un particulier acquiert un terrain, il l'aménage en prenant en compte l'existant pour garder et mettre en valeur le plus intéressant, notamment les beaux arbres. Nous agissons presque tous ainsi au nom de l'environnement, du patrimoine, de la qualité de la vie. La mairie de Tours énonce ici les mêmes intentions. Nous savons mettre en oeuvre ces préceptes, il suffit d'aménager l'espace en prenant en compte dès le départ la préservation des éléments patrimoniaux. La mairie de Tours ne sait pas faire ça, pas du tout. Depuis des années, elle rénove en commençant par abattre tous les arbres. Et elle fait presque pareil pour ce nouveau quartier des casernes, car seuls quelques uns subsisteront, au hasard des espaces laissés libres par un plan d'aménagement qui ne les prend pas du tout en compte.

    J'ai compté 125 arbres, surtout platanes et tilleuls, centenaires ou presque. J'ai étudié leur devenir, en superposant le plan d'aménagement avec l'actuel plan. Il y aura peu de survivants. Je vous invite à lire ma démonstration : pressibus.org/casernes

    Je demande que ce projet soit remanié en basant les aménagements sur la préservation du patrimoine arboré. Cette année 2011, encore plus qu'avant, on abat beaucoup trop d'arbres dans notre ville sans qu'il y en ait vraiment besoin (pour la même raison : leur préservation n'est pas planifiée au départ). Puisse ce projet montrer que l'on part dans une autre direction.

    Tours, le 23 juin 2011 (1)
    Le mal est déjà fait !

    Le programme de la "concertation de juin-juillet 2011" consiste en une "exposition" sur les grilles de la caserne (reprenant des pages du livret), deux "visites commentées" les 18 et 25 juin (je suis allé à la première) et une "conférence publique", celle d'hier soir dont je vais maintenant parler. C'est tout. Comment peut-on appeler ça de la concertation ? C'est tout juste de l'information, c'est davantage de la comm', de la propagande... Les experts s'adressent au bas peuple qui est juste autorisé à formuler quelques remarques et questions. Et, comme je l'ai déjà dit, ça sera oublié si ça se passe comme pour les deux projets précédents... Enfin, gardons un peu espoir...

    Contrairement à ce qui était prévu, le maire n'était pas à cette conférence et c'est tant mieux, la propagande en a été allégée, l'ambiance aussi. Ce qui était vraiment intéressant, c'est l'exposé de l'architecte en chef, qui s'appelle Bruno Fortier. Il a une bonne renommée d'après l'adjoint municipal à l'urbanisme qui l'a introduit et menait aussi la réunion. Apparemment ce monsieur avait visité une fois le site et a travaillé sur la base du cahier des charges, il a eu l'honnêteté de dire qu'il venait avec une volonté d'apprendre. Le voici sur une photo floue où on distingue tout de même bien la structure du nouveau quartier (l'espace vert est de cette couleur, au centre dans la direction nord-sud verticale) :


    Le fond du problème est que cette structure est déjà figée, avec le prolongement du boulevard Thiers se séparant en deux branches, l'une routière qui tourne et l'autre piétonne rectiligne jusqu'au pavillon de Condé (au nord de B1) et un espace vert central orienté nord-sud. Tout cela est décidé. Il y a de l'attention pour préserver quelques bâtiments, mais aucune, absolument aucune attention pour préserver le patrimoine arboré. Il n'en a jamais été question dans son propos. C'est le reflet d'un cahier des charges qui a complètement éludé l'aspect environnemental existant, comme ça se passe dans notre ville depuis 15 ans. Je ne peux pas dire que M. Fortier a mal travaillé, il a travaillé sur un espace vierge de nature, comportant quelques artères et des bâtiments à conserver, et il a construit son projet en fonction de ces éléments qu'on lui fournis.

    Maintenant il est trop tard, voyez les plans sont prêts. Il y aura quelques modifications à la marge pour savoir ce qu'on va mettre dans les îlots, mais la structure est là, définitive, approuvée, validée dans le marbre du projet gagnant d'un concours. Un projet qui est censé "respecter l'esprit des lieux", alors qu'au contraire il le casse complètement, car cet esprit était géométrique, c'est ainsi... Mais ce n'est pas à la mode, ce n'est pas dans l'air du temps, et on a une municipalité qui se fiche de notre patrimoine environnemental, qui n'en fait qu'à sa tête sans consulter les habitants. Pourtant, revoyez le plan, les arbres n'occupent pas un grand espace, ce n'est pas beaucoup demander de les préserver. C'est quand même un atout de vivre au milieu de beaux arbres centenaires ! Un facteur évident de "mieux vivre", évident quand on a un minimum de bon sens environnemental....

    Ce qui est stupéfiant c'est qu'on appelle un tel projet "Zone d'Aménagement Concerté", alors que presque tout a été décidé sans la moindre concertation.

    Tours, le 23 juin 2011 (2)
    Les propos que j'ai adressés et que j'adresse à l'architecte

    Une fois cette présentation terminée, le public était autorisé à poser des questions. Je suis allé au delà en m'appuyant sur le fait que l'architecte voulait apprendre et que puisqu'il ne connaît que le seul son de cloche municipal, il était bon qu'il en apprenne un autre. Je me suis présenté comme blogueur (faisant référence à cette page) et comme cosignataire avec 4 associations, 3 géographes et des particuliers d'un appel au Président de la République dont le libellé est révélateur : "Appel solennel pour que la Charte de l'Environnement soit respectée dans la ville de Tours" (ici). Comme je l'ai fait en début de cette page, j'ai ensuite évoqué les multiples atteintes à l'environnement à Tours, très aggravées par les travaux du tram, tout cela étant en dehors des clous des promesses électorales de 2007. Avec en plus un manque de concertation et l'enfumage d'une propagande permanente sur le développement durable ou la trame verte, sans concrétisation. Juste à côté de ces casernes, cela a déjà provoqué l'abattage des 65 platanes du boulevard Tonnellé (ici) et de tous les arbres de la place Rabelais. Puis j'en suis venu au projet des casernes et j'ai montré, comme sur cette page, que l'on était hélas dans une nouvelle opération de destruction environnementale sans aucune concertation. En conclusion, puisqu'il fallait une question, j'ai demandé s'il était possible que le cahier des charges soit refait sur de nouvelles bases.

    J'ai réussi à peu près à exprimer cela, malgré des réticences municipales appuyées m'enjoignant de terminer. Je ne fus pourtant pas bien long, moins qu'ensuite un conseiller municipal. Il est vrai que je n'avais le droit que de poser des questions, seule la parole municipale peut s'exprimer sans entrave, aussi longtemps qu'elle veut.

    Mon discours a jeté un certain froid et l'architecte m'a semblé embarrassé, il est parti sur une diapositive de Nantes dans un projet où il n'a pas pu arborer comme il voulait. Mais que pouvait-il répondre ? On l'a embarqué malgré lui dans une drôle de galère...

    Du côté municipal, il n'y eut pas de réponse, et surtout pas à la question que j'avais posée. Comme quoi le citoyen ne peut que poser des questions et le municipal peut ne pas répondre... Il est vrai que la réponse était évidente, cela montre qu'elle n'est même pas assumée.

    Du côté de l'atelier d'urbanisme de la ville, son directeur s'est vanté des 11.000 m2 d'espaces verts créés, la comm' classique qui oublie ce qu'on détruit pour ne parler que de ce que l'on crée. 11.000 m2, c'est à peu près 10 % de la surface, ce qui correspond à la moyenne dans la ville. Et, à vue de nez, c'est comparable à ce qu'il y a maintenant, sans doute même moins (la zone B3 en terre battue sur le plan étant maintenant herbée). Il n'y a donc pas de quoi s'en vanter... Il a été jusqu'à dire que sur l'actuel site tout était bitumé et il a fallu qu'il revoit le plan pour croire mon objection disant qu'il y a bien évidemment des espaces gazonnés (et aussi en terre battue) (il suffit de regarder les photos ci-dessus). Cette anecdote est très révélatrice de la méconnaissance crasse de notre environnement par les urbanistes de la ville. La même personne a parlé de 45 arbres, montrant qu'il n'y avait même pas eu un comptage sérieux ! A l'écouter, je suis persuadé que le cahier des charges (que l'on ne connaît pas et que l'on ne nous montrera pas) ignore complètement l'existence d'un patrimoine arboré. Cela confirme complètement l'opinion que j'avais déjà d'une culture urbanistique de la ville allergique au contexte environnemental existant, complètement rétrograde, digne des années 60 avec en plus une solide couche de vernis - comm' qui nous fait la morale à coup de développement durable, de trame verte, de lutte contre les gaz à effet de serre. Ce gouffre entre intentions et actes est pitoyable, dire que ce sont ces gens là qui régentent notre cité ! On le voit, le problème est à la fois politique et technique, et il n'y en a pas un pour corriger l'autre.

    Euh, quand monsieur l'architecte lira ces lignes, il trouvera mes récriminations fatigantes. Certes, ça me fatigue aussi, surtout que je l'ai dit et répété sur d'autres pages, mais je n'arrive pas a rester impassible devant de telles méthodes répétitives et violentes envers notre environnement et donc nous mêmes, je ne peux que les dénoncer aussi de manière répétitive et appuyée.

    Monsieur l'architecte, je m'adresse à nouveau à vous, après notre premier échange d'hier. Que pouvez-vous faire pour améliorer la situation ? Pas grand chose, me semble-t-il, vous êtes prisonnier du cahier des charges, vous êtes prisonnier de votre projet qui a été accepté. Vous pouvez certes essayer de sauver un peu plus d'arbres (je vous recommande surtout C1 et B1), mais les progrès ne peuvent être que très limités. Je doute qu'une démission de votre part soit une solution. Si vous le pouviez, vous auriez sans doute un remplaçant qui travaillerait sur les mêmes bases. Je ne vois actuellement que le refus de la Déclaration d'Utilité Publique au terme de l'enquête d'utilité publique. J'ai énoncé ici assez d'arguments pour que soient reconnus le manque de concertation et le fait que ce projet est bâti sur de mauvaises bases. Certes, ici à Tours, les dès m'apparaissent pipés, j'ai eu l'occasion de le constater, au moins sur deux projets, mais j'espère que ce n'est pas général, je me souviens avoir rencontré un commissaire-enquêteur qui m'assurait que seule la pertinence des arguments comptait (avant qu'il se retire, pour raisons de santé...). Oui, il ne reste que ce refus de la DUP, Monsieur l'architecte, et peut-être pourriez-vous, d'une façon ou d'une autre, agir en ce sens ?

    Comme c'est parti, mon action, comme les précédentes, ne sera probablement pas isolée et ce projet que vous souhaitiez très positif risque d'être vu négativement par une population de plus en plus rétive aux méthodes municipales. Songez au précédent d'un tramway qui est maintenant de plus en plus souvent appelé corbillard, tant ce n'est pas le transport que nous voulions. Songez aussi que le défaut environnemental que je dénonce n'est probablement pas le seul défaut structurel. Hier, j'ai trouvé fort intéressante l'intervention qui suivait la mienne, visant à rejeter les automobiles sur les pourtours du nouveau quartier. C'est une hypothèse qui aurait pu être creusée s'il y avait eu une concertation avant la rédaction du cahier des charges.

    Je regrette bien sûr de dresser un tableau si sombre pour un projet qui au départ bénéficiait de très forts atouts. Je peux vous rassurer un peu en vous disant que le terrible abattage qui s'annonce sera moins catastrophique que celui qui vient d'avoir lieu au quartier du Sanitas (ici). Autour de ces casernes, en effet, il y a de nombreux jardins particuliers (sur la vue du ciel on aperçoit bien ces multiples îlots verts), et les Tourangeaux savent individuellement soigner leur patrimoine arboré. On est aussi plus loin de l'autoroute. Il y a donc un peu moins de pollution, davantage de chlorophylle, davantage de quoi lutter contre les îlots de chaleur. Mais quel dommage d'avoir ainsi interdit un mieux vivre, celui de vivre au milieu d'arbres centenaires. Rendez-vous compte, un quartier avec plus d'une centaine d'arbres bientôt centenaires !

    Cette conférence a confirmé l'impression que j'ai depuis longtemps : l'origine du mal qui frappe nos arbres en lieux publics est due à la conjugaison d'une culture urbanistique ignorant le contexte environnemental et d'un désengagement politique présentant une incapacité presque totale à corriger les errances techniques et encore plus à imposer des principes très différents.

    On se retrouve donc (notamment avec cet atelier d'urbanisme ATU) dans le cas répétitif d'un lieu où un cahier des charges est créé sur un espace vide de l'existant environnemental, où on crée du neuf en ne gardant éventuellement de l'ancien que ce qui ne gêne pas structurellement ou esthétiquement. Puis les politiques disent "oui-oui c'est joli" sans regarder plus loin que le bout de leur nez (je me rappelle encore que c'est moi qui ai appris à l'adjoint à l'urbanisme les abattages de l'avenue de Grammont, nos Champs-Elysées, qui indignent tant les Tourangeaux cette semaine (ici). Enfin la population, qui peut un temps être charmée par les sirènes de la nouveauté, découvre qu'on bousille ses arbres et espaces verts pour faire une nouvelle place Choiseul ou une nouvelle place du 14 juillet ou plein d'autres lieux qui ne retrouveront - peut-être - une personnalité perdue que dans 50 ans...

    C'est pourquoi la Charte de l'environnement n'est pas respectée dans notre ville, en son article 2 qui stipule que "Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement". Il serait bon que les architectes intègrent cette contrainte inscrite dans notre Constitution en 2005, à condition bien sûr qu'on ne leur cache pas l'état des lieux...

    Voilà comment, sans la moindre concertation, on se trouve déjà avec un carnage arboré inéluctable. Il reste à savoir s'il sera presque complet ou à moitié complet...


    Tours, le 8 juillet 2013
    Abattage de la moitié à trois quarts des arbres

    La modification n°2 du Plan Local d'Urbanisme (PLU) présente le dossier d'aménagement prévisonnel. On y trouve un intéressant descriptif des 134 arbres, avec en conclusion, en terme de santé et dangerosité, que 10 pourraient être abattus à court terme, 7 à moyen terme et que les 117 autres peuvent être conservés durant des décénnies (page 64). En page 183, il est indiqué que 30 à 70 arbres seront gardés...

    J'y reviendrai bientôt, lors de ma déposition à cette enquête publique (cf. cette page du site AQUAVIT). Elle se termine le 18 juillet. Voici cette déposition. J'y développe l'existence d'un vice de forme pour ce projet d'aménagement du quartier des casernes, déja pressenti sur la présente page.


    Tours, le 20 septembre 2013
    Confirmation des doutes sur l'irrégularité du projet des casernes

    Manque de chance pour cette enquête publique, on est tombé sur le même commissaire-enquêteur que celui avait esquivé toutes les critiques pour le tramway. Il a appliqué la même méthode. Cela hélas conforte mes doutes sur la non prise en compte de l'étude d'impact lors des études. Il signale que 53 arbres devraient survivre, mais sans aucun détail, donc, comme pour le tramway, il est très probable que ça sera pire. J'explique tout ça dans mon analyse des conclusions de l'enquête.

    Alain Beyrand
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