Au fait JNL, pour la question "Quand est née la BD ?"/"Quel est l'historique de ce média", je propose le post de Smoldo du 15/11/98 (s'il est d'accord) en réponse au gamin de 10 ans. |
Qui était très synthétique, mais que j'ai perdue ! (je règle mon newsreader en fonction de ma fréquentation de 'fcsm-mille posts par jour').
Si quelqu'un peut me l'envoyer... |
La voilà, avec la question (note : je n'ai eu aucun signe de la part du petit Laurent depuis que je la lui ai envoyée, j'espère que je ne l'ai pas dégoûté à vie d'internet !) :
Laurent Gamez wrote: > Bonjour, J'ai dix ans, et je débute sur internet, j'ai passé sur un autre forum pour ma question et je n'ai reçu que 2 réponses; Je ne savais pas que celui-ci existait, peut-être ai- je tapé à la bonne porte, cette fois-ci? Je suis en CM1, et nous devons faire un exposé. Moi, je voulais le faire sur la BD. Quelqu'un peut-il m'aider dans cette recherche de renseignements ? Depuis quand est né la BD ? Qui l'a créée ? Où ? (snip) > Amicalement Laurent , 10 ans Salut Laurent, je crois que tu as frappé à la bonne porte, il y a beaucoup de spécialistes de la BD dans ce groupe... Mon nom est Thierry Smolderen et je suis scénariste de BD, prof de BD à l'école de l'Image d'Angoulême et j'écris pas mal d'articles sur internet et dans des journaux sur la BD. Voici une réponse assez longue à ta question sur la naissance de la BD (j'ai d'ailleurs écrit un texte là-dessus qui est publié sur internet, mais qui est probablement un peu trop "savant" pour tes copains ;-), je donne toujours l'adresse au cas où tu voudrais quand même jeter un coup d'oeil...(clique sur "Articles" à cette adresse: http://www.arpla.univ-paris8.fr/sites/spoutnik/) Cela dit, il y a des choses, dans le résumé qui suit, que j'ai trouvées assez récemment et que je n'ai encore publiées nulle part...) La bande dessinée a été inventée vers les années 1840, donc il y a environ 150 ans, par un éducateur, romancier dessinateur suisse, génial qui s'appelait Rodolphe Töpffer. Au départ, c'est pour amuser ses élèves et ses proches qu'il s'est mis à raconter des histoires en images (avec du texte en dessous); c'est une façon d'improviser des histoires que les enfants connaissent bien (quand ils dessinent librement, les enfants se racontent souvent des histoires en même temps : des bagarres, des châteaux forts etc. je parie que tu connais.) Bon, il se trouve que pour une raison difficile à comprendre, personne n'avait pensé à faire ça comme lui: c'est à dire à inventer des personnages dessinés auxquels il arrive des histoires avec des gags visuels, de l'action, des explosions etc. C'est certainement parce que Töpffer était un type très libre et très intelligent qu'il a eu cette idée là, et entre nous, ça devait être un prof terrible (je dis pas ça pour énerver le tien, mais quand même !) Les histoires principales dessinées au milieu du siècle passé par Töpffer s'appellent "Histoire de Mr Jabot", "Histoire de Mr Vieux Bois" , "Histoire de Mr Crépin", "Histoire de Mr Pencil", "Le Docteur Faustus" et "L'histoire de Mr Cryptogame". On peut les trouver encore aujourd'hui (elles sont éditées par le Seuil, c'est cher mais beau !) Il faut noter que malgré le caractère comique et fantaisiste de ces histoires, elles ont été appréciées par des gens très très sérieux comme l'écrivain et philosophe allemand Goethe qui trouvait que la lecture en était tellement exigeante qu'il en avait l'esprit tout retourné. (Tu peux toujours sortir ça d'un trait aux types qui te disent que la BD c'est débile !) Goethe admirait particulièrement la vie de ce qu'il appelait des petits "fantômes" graphiques, ces personnages qui n'avaient d'existence que sur le papier. Aujourd'hui ça nous parait banal, mais à l'époque c'était une vraie découverte. Au fond, Töpffer a inventé la bande dessinée (qu'il appelait "histoires en estampes"), mais il a surtout inventé LE PERSONNAGE DE BD. Après Töpffer, la BD a continué à exister en Europe, surtout avec une série très populaire, dessinée par un allemand nommé Wilhelm Bush. Ça s'appelait "Max und Moritz" et ça racontait l'histoire de deux garnements extrêmements blagueurs (le genre de blague, tu passes cinq ans en prison, le temps d'avoir fini de rigoler !). Note au passage que pendant très très longtemps la BD aura servi de terrain de jeu pour des personnages de gamins qui cherchent toujours à faire les blagues les plus explosives possibles. Ça commence d'ailleurs avec les onze enfants du Mr Crépin de Töpffer. Apparemment ,c'est un sujet parfait pour la bande dessinée et qu'on ne pouvait pas traiter aussi librement ailleurs (le cinéma n'était pas encore inventé à l'époque)... De plus, c'est un sujet qui passionne le public (le cinéma burlesque l'a bien montré aussi) parce que ça donne des idées de gags sur toutes sortes de choses qu'on voit tout les jours : les chapeaux, les chaises, les cheminées etc. Quand on lit des bandes dessinées comme ça, on est peut-être un peu plus à l'abri des gags pour soi-même... (Bon, c'est une manière d'expliquer pourquoi tellement de gens adorent ce genre d'histoire encore aujourd'hui : la preuve, "Gaston Lagaffe" ). Enfin, il faut parler de ce qui s'est passé dans les dix dernières années du 19ème siècle aux Etats-Unis. C'était une période formidable pour les livres et les jouets d'enfants, un véritable âge d'or; on sortait d'une époque assez triste où on prenait les enfants pour des espèces d'animaux à qui il fallait surtout apprendre à obéir , et en tout cas pas à rêver. Bon, donc, on se retourve en Amérique, vers les années 1890 avec des journaux qui commencent à pouvoir publier des images en couleur. Un dessinateur fait beaucoup parler de lui, et de grands journaux se battent pour lui faire desssiner leur première page du journal du dimanche (en couleur). Il s'appelle Richard Outcault, et vers 1895-1896 il dessine une série qui n'est pas vraiment de la BD (enfin, ça se discute, mais pas le temps ici) : chaque semaine il fait une seule énorme image, pleine de couleurs et d'action, bourrée de détails et de petits personnages dans tout les coins. On retrouve les mêmes personnages d'une semaine à l'autre, c'est une bande de gamins pauvres qui font évidemment mille et une âneries en copiant les gens riches et en se battant entre eux etc. Ce qui est très très drôle dans cette série qui s'appelle "Hogan'Alley" ce sont les petits détails qui reviennent d'une semaine à l'autre: une chèvre sur un toit, un type qui tombe du balcon (c'est toujours le même et il commence à se poser des questions), une petite fille portant un énorme chapeau décoré avec un symbole qui illustre l'histoire de la semaine, et surtout une petit gamin chauve en chemise de nuit de couleur jaune canari qui est un peu le présentateur de l'image de la semaine. Le public va donner le nom de Yellow Kid à ce personnage, et pour moi, c'est le premier personnage de BD qui a vraiment une vraie personnalité graphique (qui se reconnait à dix mètres, avec sa chemise jaune). D'ailleurs c'est un personnage qui a été énormément utilisé pour faire des jouets, vendre des cigares etc. C'est vraiment l'époque où on commence à se rendre compte de la force des images graphiques (je veux dire qui ont une forme très reconnaissable, puissante, nouvelle, différente du reste) dans la publicité et la vente en général. En tout cas, la publication de nouvelles BD dans les journaux, il y a exactement 100 ans, aux Etats Unis, a vraiment mis le feu aux poudres pour la bande dessinée. Les plus grands journaux de New York se faisaient la guerre avec leurs éditions du dimanche affichant leurs meilleures BD en couleur en première page (ce qui explique le côté bizarre, violent, insolite des actions dans les pages de Outcault: les catastrophes, les faits-divers bizarres, c'est toujours ce qui fait vendre les journaux). C'est un peu comme la sélection naturelle (en fait moi je crois que c'est BEAUCOUP comme la sélection naturelle, mais c'est trop compliqué à démontrer ici) : plein de journaux + concurrence à mort -> très naturellement, on voit émerger des idées graphiques toutes neuves et très efficaces pour attirer l'attention des gens. C'est par exemple l'époque où les personnages de BD commencent à avoir un style bien à eux : des grosses têtes rondes, les petites rides en flèche à la commissure des lèvres , des yeux gigantesques en forme de soucoupes... Il y a un biologiste (Stephen Jay Gould, dans "Le Pouce du Panda") qui prétend que les grands yeux provoquent sur nous une réaction de tendresse parce que les bébés on des grands yeux (proportionnellement à la tête), on dirait que pendant quelques courtes années, entre 1895 et 1900, la BD a mis au point une forme de corps et de visage qui amuse le plus, et attendrit le plus le grand public, et notamment qui emprunte pas mal de ses traits aux bébés(1) ( c'est pour ça que je pense que le dessin de BD est un phénomène presque naturel, si on voulait se la jouer, on dirait : "Darwinien") ... Une dernière chose importante, pour que la BD soit complètement inventée, et ressemble à ce qu'on connait, c'est l'introduction de la bulle de parole (aussi connu sous le nom de "phylactère"). Dans les images du Yellow Kid, les personnages s'expriment parfois par des bulles, mais c'est rare. En fait, il était très difficile d'introduire de l'écrit dans de l'image et cela pour une raison assez simple finalement : c'est qu'un texte est toujours dit ou écrit par quelqu'un, il y a toujours quelqu'un qui PARLE à la base, tandis qu'une image, personne ne la "parle". Donc si tu mets du texte DANS une image , grosse question : QUI PARLE ? En fait, on utilisait les bulles plutôt comme une sorte de code, de "flêche": comme pour dire, "là c'est le texte que dit le petit garçon qui tombe" et ce n'était sans doute pas considéré comme un procédé très élégant (ça , c'est moi qui le pense, je fais des recherches là-dessus). En fait, les bulles qui sont des "paroles" transformées en images, étaient principalement utilisées pour "faire parler" les perroquets : dans leur cas on pouvait se permettre de leur "coller" une bulle puisque les perroquets ne font que donner une "'image" de parole, ils ne parlent pas vraiment. Mais tout ça change justement pendant les années 1890, avec l'apparition du phonographe. Là, tout d'un coup, les gens ont un autre "modèle" d'image sonore, c'est le DISQUE sur lequel on grave la parole (souvent des discours de gens très important comme le Président, au début ). En plus, le haut-parleur du phonographe a une sorte de cornet qui fait un peu penser à une bulle de BD, et les micros ressemblaient aussi à des "pointes" de bulles de BD, à l'époque. A partir du phonographe, les paroles humaines deviennent comme de véritables OBJETS qu'on peut graver sur la cire, et donc (pourquoi pas?) montrer dans une image, puisque même sous forme "solide" comme le disque elles continuent à être "parlées" par quelqu'un. Donc les bulles deviennent le moyen le plus naturel de faire parler un personnage dessiné. Voilà, je me rends compte que c'est un peu long et parfois compliqué, sans doute pour un exposé, mais n'hésite pas à couper du texte et à rajouter des plaisanteries pour détendre l'atmosphère ! Bonne chance... Thierry Smolderen (1) Un autre exemple du succès des visages de bébé c'est le fameux "Bébé Cadum" une pub pour savon qu'on voyait sur tous les murs de Paris dans le temps, un beau bébé joufflu dont le sourire ressemble beacuoup à celui du Yellow Kid, justement... |
Il a surtout inventé le personnage de BD |
> La bande dessinée a été inventée vers les années 1840
1833 : date de parution de la première BD (avec la considération usuelle de l'utilisation d'un support papier en multiples exemplaires), "Histoire de M. Jabot", par Rodolphe Töpffer. C'est un album : oui, la BD en album (pour adultes) est antérieure à la BD en périodique (pour adultes, elle même antérieure à la BD pour enfants)... (puis en 1837 "M. Crépin" et "les amours de M. Vieux Bois", sachant que Jabot a été dessiné en 1831, Crépin en 1837 et Vieux Bois en 1827) 1845 : première édition en périodique d'une histoire à suivre. C'est "Histoire de M. Cryptogame", une "prépublication", puisque l'album sort en 1846. Plus de 20.000 lecteurs. Début des années 1860 : les premières BD muettes se développent en Allemagne, notamment avec Wilhelm Busch. Dans les années 1880 et 1890, elles se développent en France, autour des revues "Le Chat Noir" puis "Le Rire". La BD spécifiquement pour enfant ne se développe, en France, qu'à la fin du XIXème siècle. 1896-1897 : premières BD avec ballons aux USA (Yellow Kid, The Katzenjammer Kids). Les auteurs français n'utilisent le ballon qu'à partir de 1908 (Sam et Sap de Rose Candide), timidement, puis davantage à partir de 1925 avec le Zig et Puce de Saint-Ogan. Quand au terme "bande dessinée", il n'apparait qu'en 1949 pour désigner les bandes quotidiennes (qui ont alors souvent le texte sous l'image ou sont muettes). Plus d'un siècle avant, Rodolphe Töpffer, avait utilisé l'expression "Histoires en estampes", puis le mot "illustrés" s'était imposé. > Il s'appelle Richard Outcault, et vers 1895-1896 il dessine une série qui n'est pas vraiment de la BD Effectivement, seuls quelques planches du Yellow Kid sont des BD. Alors que Töpffer développait (pour Jabot) un récit de 52 pages avec 2 à 5 cases par pages. De plus, ce qui est assez extraordinaire, il était conscient d'inventer une nouvelle écriture, ni graphique, ni littéraire, bien que les deux à la fois. Il a été le premier à "théoriser" sur ce qu'allait devenir la BD. Il était conscient d'avoir découvert un nouveau genre... (d'autres s'en sont aussi rendu compte, et notamment Goethe) > et pour moi, c'est le premier personnage de BD qui a vraiment une vraie personnalité graphique Pas d'accord. C'est M. Jabot (qui jusqu'en 1923 au moins a été régulièrement réédité en France et en Europe). Il y a aussi eu Max & Moritz, le savant Cosinus et d'autres. > (USA) : plein de journaux + concurrence à mort -> très naturellement, on voit émerger des idées graphiques toutes neuves et très efficaces pour attirer l'attention des gens. Même s'il y avait moins de journaux, et si le public était plus restreint, plein d'idées graphiques neuves et efficaces sont nées en Europe au XIXème siècle. > Une dernière chose importante, pour que la BD soit complètement inventée, et ressemble à ce qu'on connait, c'est l'introduction de la bulle de parole (aussi connu sous le nom de "phylactère"). Ca veut dire quoi "complètement inventée", "ressemble à ce qu'on connait" ? Des auteurs comme Mc Cay, Derib, Giraud, les Comics, les mangas ne sont-ils pas indispensables pour que la BD soit "complètement inventée" et "ressemble à ce qu'on connait" ? Le phylactère n'est qu'un accessoire parmi d'autres, et il n'est pas indispensable. Loustal, Fabio, Tanaka et d'autres, de façon plus ou moins appuyées le montrent constamment. > En fait, il était très difficile d'introduire de l'écrit dans de l'image et cela pour une raison assez simple finalement : c'est qu'un texte est toujours dit ou écrit par quelqu'un, il y a toujours quelqu'un qui PARLE à la base, tandis qu'une image, personne ne la "parle". Donc si tu mets du texte DANS une image , grosse question : QUI PARLE ? Si Töpffer utilise presque toujours la forme narrative, des auteurs comme Busch ou Caran d'Ache y arrivaient sans problème, tout comme, bien plus tard, Foster (Prince Valiant) ou Poïvet (Les Pionniers de l'Espérance). Mais maintenant, ceux qui n'utilisent pas le ballon le font parce qu'ils veulent prendre de la distance avec les paroles, ou alors parce qu'ils privilégient les paroles de "la pensée intérieure". > Mais tout ça change justement pendant les années 1890, avec l'apparition du phonographe. C'est une conjonction intéressante. Toutefois, il ne faut pas oublier que le phylactère était très utilisé au moyen-âge. Il y avait même à cette époque certains ouvrages que l'on qualifieraient de BD s'ils n'existaient pas qu'en un seul exemplaire (Cf. cahiers de la BD n°79 p 12-20). Il avait fallu la résistance de l'église (Bernard de Clairvaux) et l'arrivée de l'imprimerie (le texte roi...), pour enterrer pendant plusieurs siècles une floraison de récits graphiques, sans ou, assez fréquement, avec philactères. Il a ensuite fallu ré-inventer plein de choses... Salut. Alain Beyrand - Pressibus |
Alain Beyrand - Pressibus wrote:
> 1833 : date de parution de la première BD ... > Plus d'un siècle avant, Rodolphe Töpffer, avait utilisé l'expression "Histoires en estampes", puis le mot "illustrés" s'était imposé. Tout ceci aussi peut être intéressant pour les gens qui veulent des dates et des précisions (mon texte était plus théorique qu'historique, chacun l'aura remarqué). Mais les deux approches sont évidemment complémentaires (on pourrait peut-être mettre les indications d'Alain dans une "Chronologie". Genre: "j'ai besoin de dates pour un exposé..." > Pas d'accord. C'est M. Jabot (qui jusqu'en 1923 a été régulièrement réédité en France et en Europe). Il y a aussi eu Max & Moritz, le savant Cosinus et d'autres. Oui, j'ai eu cette discussion là avec T.Groensteen, et dans un sens, évidemment vous avez parfaitement raison : les silhouettes de ces personnages sont clairement repérables etc. Mais je voulais insister sur le fait que la "silhouette graphique" de Yellow Kid a émergé dans une période furieusement concurrentielle, qu'elle faissait vendre des journaux, des produits dérivés etc. C'est la première dont la couleur (jaune) impose une vraie identité chromatique. Ce n'est pas tout à fait la même fonction que la fonction de reconnaissance et de "salience" graphique 'narrative" de Jabot, Crépin et autres Max und Moritz (qui sont pourtant très typés, je le reconnais volontiers). Je pense que le Yellow Kid annonce le Marsupilami, les Schtroumpf, les persos de Disney etc. qui ont vraiment été propulsés commercialement par leur gestalt graphique, plus que par leur contenu narratif . > Même s'il y avait moins de journaux, et si le public était plus restreint, plein d'idées graphiques neuves et efficaces sont nées en Europe au XIXème siècle. Je ne le dispute pas. Me ferais-tu un procès d'américanophilie.. ? Tu ne serais pas le premier ! ;-) > Le phylactère n'est qu'un accessoire parmi d'autres, et il n'est pas indispensable. Loustal, Fabio, Tanaka et d'autres, de façon plus ou moins appuyées le montrent constamment. Je ne pense pas que le phylactère soit un accessoire comme les autres. Je pense qu'il a fait entrer les illustrés dans l'ère de l'audio-visuel, de même que les "lignes de mouvements" et autres signes cinétiques, développées principalement par Busch pendant la période où la photo a conquis l'instantanéïté, font accèder la BD à l'ère de l'image photo et cinématographique. Tous les exemples que tu cites sont évidemment des BD légitimes, mais elle sont lues par "écart" à un tronc commun qui est le médium BD. De même qu'un film en noir et blanc, ou un film muet tourné autjourd'hui devrait être lu comme "ayant écarté la couleur" ou et le son. Note bien que je n'essaie pas d'imposer une "essence" de la BD qui déciderait qui en fait et qui n'en fait pas. Pour moi, tout ce qui descend de Töpffer en est , parce que la plus grande invention est celle du personnage de BD: une identité graphique, fantômatique qui ne cherche pas (sauf exceptions amusantes : les retours de Tintin dans les années 30) à faire croire à une existence réelle. (Et dire que j'écris ça, et qu'il est 1 heure du mat, et que je devrais être en train de boucler mon article sur Scott McCloud pour "9ème art"!) ... > Il avait fallu la résistance de l'église (Bernard de Clairvaux) et l'arrivée de l'imprimerie (le texte roi...), pour enterrer pendant plusieurs siècles une floraison de récits graphiques, sans ou, assez fréquement, avec philactères. Il a ensuite fallu ré-inventer plein de choses... Tu trouveras dans les articles de Spoutnik (http://www.arpla.univ-paris8.fr/sites/spoutnik/) un texte plus long et détaillé sur cette question de la réinvention post-phonographique du phylactère (que je suis d'ailleurs encore en train de peaufiner). Au moyen-âge, le phylactère était, une "citation" textuelle ( un parchemin déroulé attribué à telle personnage représenté). Au 19ème siècle le phylactère a peu a peu acquis un statut mixte : en partie signe conventionnel utilisé pour les citations textuelles (permettant d'attribuer, par une sorte de flèchage analogique probablement vu comme un pis aller, un texte au référent d' une silhouette graphique dans une image), en partie "image sonore" (dans le cas extrêmement fréquent, où l'émetteur était un perroquet). Ce qui rendait un peu mal à l'aise dans le cas des personnages graphiques devenait très amusant et pertinent dans le cas des perroquets (puisque personne ne "parle" quand c'est le perroquet qui parle). Lorsque le phonographe est arrivé, c'est le statut de la citation" et de "l'image sonore" qui a changé. Un système purement sonore d'attribution au sujet parlant s'est substitué au sacro-saint système d'énonciation textuelle. Il est devenu possible de "faire parler" les petits fantômes graphiques inventés par Mr Töpffer. C'est l'entrée hyper précoce dans le monde de l'audio-visuel. (La BD est le premier des multi-média, comme chacun devrait le savoir..) > Salut. Merci de ces précisions, Alain. T. Smo |
La BD est le premier des multi-média |
> Je ne pense pas que le phylactère soit un accessoire comme les autre.
Oui, il est un de ceux qui a le plus d'importance, bien sûr. Mais il reste un accessoire facultatif. J'appuie là dessus, non pas à cause de tes propos, mais à cause des dérives de 1996 et de ceux qui ont mis sur pied un "centenaire bidon de la BD" pour faire mousser les médias... > Je pense qu'il a fait entrer les illustrés dans l'ère de l'audio-visuel J'en suis d'accord. Moi aussi, je compare souvent cela à l'arrivée du cinéma parlant... ----------------------- Pour finir, une anecdote. Samedi dernier, en me promenant dans un vieux quartier de ma ville, je découvre une vieille librairie pleine (à craquer...) de vieux bouquins (tout juste de quoi passer dans les allées), tenue par une vieille dame toute petite... Je lui demande si elle a "des bandes dessinées du XIXème siècle". Elle me répond immédiatement "Ah, Töpffer !...". Et, trottinante, elle m'entraine vers l'arrière-boutique, pleine à craquer de vieux livres dans tous les sens. Et elle me montre... "Histoire de Mr. Jabot", superbe livre aux pages épaisses, dorées sur la tranche. Date : 1860. Editeur : Caillet (45 rue Jacob, Paris). Ni le BDM, ni les travaux de Groensteen n'ont décelé cette édition. Tous font référence à l'édition Garnier de 1860, arrangée par le fils Töpffer... Prix ? 850 F, allons, 800 F. C'est bon (le Garnier de 1860 est côté 1000 F). Le papier est un peu tâché, il manque une demi page de garde, mais l'état général est très bon. La vieille dame me dit qu'elle a mieux ! Quatre Töpffer en état pratiquement neuf ! Elle peut me les amener l'après-midi... J'y retourne. Jabot, Pencil (Pensil sur la couverture...), Vieux Bois, Festus, éditions Garnier de 1922 et 1923. Etat neuf. 1000 F pièce, 900 pour moi. Ma dépense du matin me suffit, et j'ai toujours préféré un état abimé (souvent beaucoup moins cher) à un état neuf. Si quelqu'un est interessé je peux fournir les coordonnées de la librairie (sur Tours). Pour avoir minutieusement comparé les deux Jabot, je peux dire que le Garnier 1923 et le Caillet 1860 sont les mêmes (donc c'est Töpffer très respectueusement corrigé par son fils). La qualité d'impression du Garnier 1923 est excellente, sensiblement meilleure que le Caillet 1860. Les dessins/gravures de couverture sont differents. Il me reste à faire une page Web sur cette découverte (avec quelques illustrations (couverture, évolution des éditions 1833 --> 1860)... Encore une semaine ou 15 jours et j'en ferai l'annonce sur ce forum. Je reviens sur l'expression "bandes dessinées du XIXème siècle" que j'avais (volontairement) employée avec la vieille dame. Elle a tout de suite compris. Et je l'ai déjà plusieurs fois remarqué avec les albums de Christophe : pour les personnes âgées, il n'y a pas de doute que la BD existait en France au XIXème siècle. Salut. Alain Beyrand - Pressibus |
Alain Beyrand - Pressibus wrote:
> Si quelqu'un est interessé je peux fournir les coordonnées de la librairie (sur Tours) Ah oui, oui, s'il te plaît !! Où est-ce qu'il y a une librairie comme ça à Tours ? (laisse-moi deviner : c'est une des antiquaires de la rue de la Scellerie ?) > Je reviens sur l'expression "bandes dessinées du XIXème siècle" que j'avais (volontairement) employée avec la vieille dame. Elle a tout de suite compris. Et je l'ai déjà plusieurs fois remarqué avec les albums de Christophe : pour les personnes âgées, il n'y a pas de doute que la BD existait en France au XIXème siècle. C'est évident. J'ai découvert la bd dans la bibliothèque de ma grand-mère (à Tours, justement) : Spirou, Tintin, Lucky-Luke, Astérix, les Shadoks, quelques "illustrés" (c'était son mot) genre Blek. Quand elle a compris que j'accrochais, elle a attendu que j'aie 15-16 ans, et elle m'a fait lire Wilhelm Busch, en me disant "tiens, c'est de la bande dessinée du début du siècle" Et oui. Elle avait une édition du "Wilhelm Busch Buch - Neue Folge" édité par Wegweiser, à Berlin, en 1930. Elle me l'a donné avant de mourir. Il est encore neuf : elle le rangeait avec sa collection de "beaux livres", sous clef, dans une bibliothèque vitrée où elle gardait ensemble Victor Hugo, La famille Fenouillard, Ovide, etc... Elle ne voyait aucune raison de faire de différence (et pourtant elle ne lisait, par ailleurs, presque pas de bd contemporaine). Voilà, anecdote pour anecdote. Alors, c'est où, cette librairie ? Amitiés Loleck |
> Voilà, anecdote pour anecdote. Alors, c'est où, cette librairie ?
Merci pour l'anecdote. Réponse par courrier électronique. Salut. Alain Beyrand - Pressibus |
Smolderen a écrit
> Je ne pense pas que le phylactère soit un accessoire comme les autres. Moi non plus ! Car sinon, on peut qualifier de BD toutes les estampes populaires d'Épinal, et aussi tous les burins de Hogarth (qui narrent des histoires en plusieurs 'vues') et de tout un tas de gens, en fait. Un lien évident, d'ailleurs, le fait que ces objets étaient diffusés en masse et que leur succès était inversement proportionnel à leur considération (d'où la grande nouveauté de Töppfer qui a consciemment innové et qui en a reçu un bon écho). Raconter en images, c'est assez vieux (sans aller chercher Lascaux ou la colonne Trajanne), et peut-être que la tradition de la BD est une simple continuation de celle des estampes populaires (c'est ce que pense Marshall Mc Luhan, d'ailleurs, mais sa vision de la BD se limite surtout aux 'daily stripes', je crois) . On peut voir des exemples plus frappants au japon où le mot 'Manga' définit aussi bien les histoires de courtisanes d'Utamaro ou d'Hokusai que les BDs de Tezuka. Si je n'ai vraiment rien à faire un de ces quatres, je scannerais un petit livre du 17 ou du 18e qui traine chez moi, c'est une 'manga' : exactement le même format, une histoire racontée en dessins (un dessin par double-page), ça se bagarre dans tous les sens (et ça ressemble beaucoup au Tengû carré), il y a des dialogues directement insérés aux dessins (sans phylactères) : chez eux il y a vraiment continuité, même si ce que nous nommons maintenant Manga a en plus subi l'influence des BDs américaines. Mais la BD, ça inclut le dialogue. Et une BD muette, aujourd'hui, ne l'est pas innocemment, elle l'est par rapport aux BDs 'bruyantes'. J'écris et j'ai la vague impression de me contredire : qu'est-ce que la BD, finalement ? - Une diffusion, c'est sûr : je ne crois pas qu'il existe des BDs 'pièces uniques', et tous les peintres qui ont fait des BDs comme oeuvres d'art uniques non destinées à être diffusées (Erro,...), ne me semblent pas pouvoir être appelés auteurs de BD, c'est plutôt de l'ordre du clin d'oeil entre voisins. - une séquence d'images : je ne vois pas d'exemple contraire. Plus délicat à défendre : - le phylactère, qui n'est pas présent dans toutes les BDs - une culture (eh ben oui, pourquoi pas) Encore plus difficile à défendre et encore moins universel : - des personnages - un penchant pour la carricature ??? -- Jean-noël |
Jean-noël s'interrogeait :
> J'écris et j'ai la vague impression de me contredire : qu'est-ce que la BD, finalement ? ... Je crois qu'on a quand même oublié une chose fondemmentale : la bande dessinée est, au départ, un art narratif. A ce sens, la tapisserie de Bayeux est une sorte de bande dessinée, vu qu'il s'agit d'une narration par succession d'images et/ou de texte. Par ailleurs, la notion de "diffusion" ne me semble pas essentielle. Ce serait un peu comme dire que la littérature, c'est avant tout une "diffusion", car personne n'écrit un roman pour ne pas le faire lire. Et la bande dessinée étant avant tout un support d'expression artistique, il s'agit donc naturellement d'une forme de communication qui suppose un récepteur, un spectateur. Non ? Je dirais donc que la bande dessinée est un support d'expression artistique. Elle est constituée d'une narration par une séquence d'images éventuellement mise en rapport avec du texte. Le rapport en question d'ailleurs, sort du cadre purement illustratif ou descriptif, pour constituer quelque chose qui fait sens, au même titre que la juxtaposition des images dans la séquence narrative fait sens. Euh ... c'est achtement théorique, là, d'un coup ... Je crois que pour donner une bonne définition, il serait plus intéressant de se tourner vers les extrêmes (les oeuvres qui ne sont plus vraiment des bandes dessinées) plutôt que de tenter de trouver une moyenne "molle". En écrivant cela, je pense notamment au "Longshot Comics" de ... Shane Simmons, je crois, qui racontent la vie d'un anglais de sa naissance à sa mort (90 années bien remplies) avec des personnages réduits à la taille de points, et un décor inexistant. Et pourtant, ça marche, et cela utilise la "grammaire" narrative de la bande dessinée ... ... ai-je été très clair ? -- XaV |
Un art narratif pictural et séquentiel |
> peut-être que la tradition de la BD est une simple continuation de celle
des estampes populaires
Oui, mais les racines sont bien plus profondes, et le terme "populaire" est discutable. En remontant au Moyen-âge, on se rend compte que les livres d'image étaient d'abord destinée à la classe aisée. Je suis d'accord avec Blanchard ("Histoire de la BD" - Marabout 1975) qui remonte jusqu'à la Grèce, l'Egypte et Lascault. > Mais la BD, ça inclut le dialogue. Non. Il y a des BD descriptives, des BD-monologues, des BD à la fois descriptives, dialogue et monologue... > Et une BD muette, aujourd'hui, ne l'est pas innocemment, elle l'est par rapport aux BDs 'bruyantes'. Qui dit "BD muette" dit BD... Il n'y a pas des BD "vrai de vrai" et des BD "au rabais", il y a un mode d'expression qui repose sur une large palette de codes et de structures. Selon ce qu'il veut dire, l'auteur choisit telle façon plutôt qu'une autre, et souvent il en choisit plusieurs, en les répartissant selon ses séquences et ses cases. Juillard utilise beaucoup plus de cases muettes que Jacobs. Est-ce pour autant que c'est "moins de la BD" selon le principe "la BD, ça inclut le dialogue" ? Toutes les BD qui ont quelques cases avec ballons sont considérées comme des BD à bulles, alors que pour être une "BD muette", il faut considérer que toutes les cases sont muettes. Selon ce critère, il est évident qu'il y a beaucoup moins de "BD muettes" que de "BD à bulles". Mais quelqu'un comme Cosey, qui utilise de nombreuses séquence muettes, ne devrait-il pas être considéré - aussi - comme un auteur de BD muette ? > qu'est-ce que la BD, finalement ? - Une diffusion, c'est sûr : je ne crois pas qu'il existe des BDs 'pièces uniques', et tous les peintres qui ont fait des BDs comme oeuvres d'art uniques non destinées à être diffusées (Erro,...), ne me semblent pas pouvoir être appelés auteurs de BD, c'est plutôt de l'ordre du clin d'oeil entre voisins. Oui. Diffusion minuscule ou gigantesque, mais diffusion. A la limite, une planche de BD jamais imprimée ni photocopiée (ni scannée... pour élargir les supports de diffusion) n'est pas de la BD. La tapisserie de Bayeux ou les livres à narration séquentielle du moyen âge ne sont pas des BD. (mais le livre du XVII° ou XVIII° ème siècle dont tu parles, pourrait donc être considéré comme une BD. C'est une pièce rare, et si, à l'occasion, tu peux faire des scans et m'en dire les caractéristiques, je le présenterai volontiers sur mon site, ou mettrais un lien vers une de tes pages. A la limite, s'il pouvait être montré qu'il y avait plusieurs livres de ce genre, et qu'il y avait une certaine continuité avec Töppfer et ses succeseurs, ça pourrait même avancer la naissance de la BD !!!...) > - une séquence d'images : je ne vois pas d'exemple contraire. Oui. Je précise : une séquence d'images, accompagnées ou non de textes, qui s'enchaînent en un développement narratif (sous entendu "qui racontent une histoire", mais là c'est trop précis ça peut aussi être pour "montrer un sentiment", "montrer un moment"...). La notion d'enchainement des images m'apparaît fondamentale. J'aime bien la définition d'Eisner : l'art séquentiel. Et aussi "narration figurative" ou "figuration narrative". Je suis d'accord avec ce que dit Xavier à côté : « Elle est constituée d'une narration par une séquence d'images éventuellement mise en rapport avec du texte. Le rapport en question d'ailleurs, sort du cadre purement illustratif ou descriptif, pour constituer quelque chose qui fait sens, au même titre que la juxtaposition des images dans la séquence narrative fait sens. » Certaines planches présentant en cases des évènements de l'actualité politique (avec ballons et allure BD), sans rapport les uns avec les autres, ne sont pas des BD (là, finalement, je ne suis pas d'accord avec Xavier, car on pourrait dire que ça fait le "sens" de l'actualité de la semaine ou du mois. Mais la notion d'enchaînement ou de construction des cases, me semble devoir être à la base de la compréhension qu'on peut avoir). Quand on regarde les images d'Epinal, elles ne sont souvent que des juxtapositions de cases et ne sont pas des BD. Sauf certaines (notamment dans la série "Aux armes d'Epinal") (avec des dessinateurs comme Caran d'Ache, O'Galop qui faisaient des BD sur d'autres supports). Christophe ou Loustal sont des auteurs de BD. On ne s'en pourtant rend pas compte par le seul aspect "constitutif" de leus textes et images. Il faut "lire", c'est à dire enchaîner les images et le texte pour se rendre compte que ce sont des BD. Contrairement aux planches d'actualité dont je parlais précédemment, qui à en voir seulement les éléments constitutifs (cases, ballons...) ont l'allure de BD, mais, en les lisant les unes après les autres, on se rend compte que ce sont des "scènettes" indépendantes et que ce n'est donc pas de la BD. Pour ceux qui connaissent les bandes verticales dans les quotidiens des années 50 et 60, je ne les considère pas - sauf exceptions - comme des BD : ce sont des textes illustrés par des cases. Par contre les bandes horizontales de la même époque, avec elles aussi, des textes sous l'image, sont, pour moi - généralement -, des BD. Parce qu'il y a un sens de lecture horizontal des cases, parce que le dessinateur s'en servait pour alterner ses plans, les enchaîner, apporter une première lecture visuelle. D'aillleurs la plupart des créateurs de bandes horizontales ont aussi travaillé dans des journaux de BD, alors que la plupart des créateurs de bandes verticales étaient des ilustrateurs. Prenez les dessins d'humour. Un dessin de Faizant ou Plantu : même s'il y a des ballons, des traits de mouvement, ce n'est pas de la BD, parce qu'il n'y a pas d'enchaînement de dessins, étant donné qu'il n'y a qu'un seul dessin. Par contre ces mêmes humouristes peuvent de temps en temps faire des BD quand ils s'expriment sur deux cases (ça me rappelle aussi le "Passi, Messa !" de Swarte). > Plus délicat à défendre : - le phylactère, qui n'est pas présent dans toutes les BDs Facultatif. Important. On peut aussi parler des "traits de mouvements", qui sont importants mais non indispensables. > - une culture (eh ben oui, pourquoi pas) Pourquoi pas un art ? Un média ? Non, la reconnaissance de ce qui fait une BD ne repose pas sur de telles considérations. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un art, un média... > Encore plus difficile à défendre et encore moins universel : - des personnages Facultatif. Secondaire (vive Gon !). Dans les faits, c'est difficile de raconter quelque chose sans personnage, même animalier, même fictif... > - un penchant pour la carricature Facultatif. Très secondaire. Comme de nombreux codes... Alain Beyrand - Pressibus |
Alain Beyrand - Pressibus écrivait :
> Oui. Diffusion minuscule ou gigantesque, mais diffusion. A la limite, une planche de BD jamais imprimée ni photocopiée (ni scannée... pour élargir les supports de diffusion) n'est pas de la BD. La tapisserie de Bayeux ou les livres à narration séquentielle du moyen âge ne sont pas des BD. Je suis d'accord avec toi sur la notion de "oeuvre faite pour être vue" (qui, à mon sens, fait partie intégrante de la notion d'oeuvre d'art). Si je donnais la Tapisserie de Bayeux en exemple, c'est qu'elle est sans doute l'un des précurseurs d'un art narratif pictural et séquentiel. Euh ... enfin, bon. > Certaines planches présentant en cases des évènements de l'actualité politique (avec ballons et allure BD), sans rapport les uns avec les autres, ne sont pas des BD (là, finalement, je ne suis pas d'accord avec Xavier, car on pourrait dire que ça fait le "sens" de l'actualité de la semaine ou du mois. Mais la notion d'enchaînement ou de construction des cases, me semble devoir être à la base de la compréhension qu'on peut avoir). Quand je parlais de rapport qui faisait "sens", c'est toujours dans le cadre d'une narration globale. C'est à dire que la succession des cases participe à la construction d'une histoire. On reste toujours dans une optique _narrative_, et non pas _descriptive_. C'est peut-être dans cette distinction que pourraient se trouver les éléments d'une définition ... > Prenez les dessins d'humour. Un dessin de Faizant ou Plantu : même s'il y a des ballons, des traits de mouvement, ce n'est pas de la BD, parce qu'il n'y a pas d'enchaînement de dessins, étant donné qu'il n'y a qu'un seul dessin. Par contre ces mêmes humouristes peuvent de temps en temps faire des BD quand ils s'expriment sur deux cases (ça me rappelle aussi le "Passi, Messa !" de Swarte). Cf. ma remarque plus haut. Avec deux cases, on devient narratif. Par contre, je ne sais pas comment considérer les humoristes en une seule case (comme The Far Side Gallery de Gary Larson). -- XaV |
Alain Beyrand - Pressibus a écrit
>> peut-être que la tradition de la BD est une simple continuation de celle des estampes populaires > Oui, mais les racines sont bien plus profondes, et le terme "populaire" est discutable. En remontant au Moyen-âge, on se rend compte que les livres d'image étaient d'abord destinée à la classe aisée. Euh, certes, mais ce n'était pas des livres d'estampes, c'étaient des incunables, c'est l'imprimerie qui a donné l'idée d'utiliser la gravure comme un média (avant ça servait surtout à faire des motifs de tissus). Et même si les premières bibles n'étaient pas vraiment distribuées par les relais H ou à la fnac, elles ont dès le départ tendu vers un large public essentiellent bourgois (cad la roture et point l'aristocratie) > Je suis d'accord avec Blanchard ("Histoire de la BD" - Marabout 1975) qui remonte jusqu'à la Grèce, l'Egypte et Lascault. Ceci dit, on peut dire ça de n'importe quoi : la photo a été inventée par Daguerre en 1839, mais Niepce avait un procédé très proche (qu'on pourrait appeller 'sérigraphie héliogravée'), les anglais, les américains aussi, la chimie et l'optique étaient prètes depuis le siècle précédent, la chambre obscure avait plus de deux mille ans, etc. : la photo ne date donc pas de 1839 mais s'est faite sur 2000 ans avant de nous arriver avec sa tête de produit fini. >> Mais la BD, ça inclut le dialogue. > Non. Il y a des BD descriptives, des BD-monologues, des BD à la fois descriptives, dialogue et monologue... Je sais bien qu'on peut trouver beaucoup de contre-exemples. Bon, le mot 'dialogue', dans mon idée, incluait le monologue et peut-être bien les récitatifs qui dialoguent avec l'image. > Il n'y a pas des BD "vrai de vrai" et des BD "au rabais", il y a un mode d'expression qui repose sur une large palette de codes et de structures. Oui, et je ne cherche pas à exclure tel ou tel de l'appellation BD, mais de chercher des constantes au genre. > Oui. Diffusion minuscule ou gigantesque, mais diffusion. A la limite, une planche de BD jamais imprimée ni photocopiée (ni scannée... pour élargir les suports de diffusion) n'est pas de la BD. La tapisserie de Bayeux ou les livres à narration séquentielle du moyen âge ne sont pas des BD. Oui, avant d'être un art, la BD est un média. > (mais le livre du XVII° ou XVIII° ème siècle dont tu parles, pourrait donc être considéré comme une BD. C'est une pièce rare, et si, à l'occasion, tu peux faire des scans et m'en dire les caractéristiques, je le présenterai volontiers sur mon site Oui, si tu veux, mais il faut que je trouve cinq minutes pour ça (un peu plus, car la reliure est un peu fragile même si elle est en très bon état (une simple couture sur le côté : ils ne s'embêtaient pas ;-) > J'aime bien la définition d'Eisner : l'art séquentiel. Et aussi "narration figurative" ou "figuration narrative". Le mot est pas mal, mais méfiance : quand Eisner parle de la bande dessinée, il parle surtout de Will Eisner : pour ma part, j'adore, mais ce n'est jamais universel et la plupart des choses qu'il dit ont l'air de décrire... des dessins animés ! > Je suis d'accord avec ce que dit Xavier à côté : « Elle est constituée d'une narration par une séquence d'images éventuellement mise en rapport avec du texte. Le rapport en question d'ailleurs, sort du cadre purement illustratif ou descriptif, pour constituer quelque chose qui fait sens, au même titre que la juxtaposition des images dans la séquence narrative fait sens. » Oui, c'est correct, mais on peut remplacer le 'éventuellement' par 'généralement', histoire de faire bonne mesure. > Mais la notion d'enchaînement ou de construction des cases, me semble devoir être à la base de la compréhension qu'on peut avoir). Ceci dit, les dessinateurs de presse l'utilisent beaucoup plus qu'on pourrait croire, et même Faizant a fait pas mal de dessins en deux ou trois images (sans cadre autour, généralement). Si ce n'est pas de la BD, c'est aussi parce que avant tout, ça descend du dessin de presse du 19e et que c'est un milieu, un public, une diffusion, une place dans le journal, etc. qui n'ont rien à voir et n'ont pas varié en bientôt deux siècles. Ce qui est ambigü, c'est que certains (Cabu, Pétillon...) ont fait les deux, que les dessinateurs de presse utilisent parfois les ficelles de la BD et vice versa. |
Il n'y a pas des BD "vrai de vrai" et des BD "au rabais" |
> la photo ne date donc pas de 1839 mais s'est faite sur 2000 ans avant de
nous arriver avec sa tête de produit fini.
Sans sa tête de produit fini, mais avec les caractérisques essentielles et avec un développement continu derrière. C'est pareil avec Töpffer et la BD, c'est pareil avec les frères Lumière et le cinéma. Pour que ça débute, il a fallu que les éléments essentiels se mettent en place et qu'ensuite il y ait un développement et une extension plus ou moins régulière. Il est naturel qu'au début, à la "naissance", tout ne soit pas en place, bien sûr. Il faut bien être petit et jeune, avant de devenir grand et adulte. Le cinéma parlant est dans la continuité complète du cinéma muet, tout comme la BD avec ballons est dans la continuité complète de la BD sans ballon (muette ou à texte sous l'image, ou à côté). C'est une étape de la maturation. Et - comparativement - elle est moins importante que l'arrivée du cinéma parlant, car il existe et il existera toujours des BD sans bulles, alors que le cinéma muet a disparu. Au sens "complètement muet", car les séquences muettes sont toujours fréquentes... > Ceci dit, les dessinateurs de presse l'utilisent beaucoup plus qu'on pourrait croire, et même Faizant a fait pas mal de dessins en deux ou trois images (sans cadre autour, généralement). Si ce n'est pas de la BD, c'est aussi parce que avant tout, ça descend du dessin de presse du 19e et que c'est un milieu, un public, une diffusion, une place dans le journal, etc. qui n'ont rien à voir et n'ont pas varié en bientôt deux siècles. Ce qui est ambigü, c'est que certains (Cabu, Pétillon...) ont fait les deux, que les dessinateurs de presse utilisent parfois les ficelles de la BD et vice versa. Mais les dessins à plusieurs cases de Faizant sont des BD ! Qu'est-ce que c'est que cette façon d'aller fouiller dans les inspirations lointaines ou le public ou la diffusion de tel ou tel auteur pour dire : « Ah, celui-là (Faizant), il fait d'habitude du dessin de presse, ce n'est donc pas de la BD, même s'il s'exprime en plusieurs dessins de suite (en plus y'a même pas les contours de la case, et les paroles ne sont peut-être pas dans des ballons...). Par contre, celui-ci (Swarte), est un "vrai" auteur de BD, même s'il ne s'exprime (dans "Passi, Messa !") que sur deux cases en discontinuité (mais il y a des ballons et le contour des cases !...). ». Pourtant, en mettant les cases autour des dessins de Faizant, en dessinant les ballons, on a une séquence qui fait davantage BD (à cause de la continuité des dessins) que les dessins de Swarte auxquels ont enlève les cadres et les contour des ballons (parce qu'il y a, entre eux une discontinuité (entretenue, donc la continuité n'est qu'au second degré)). D'ailleurs, cette façon de rechercher les arrières plans et le contexte est d'autant moins justifiée, que pour le cas de Faizant, il a commencé en tant que dessinateur de BD, qu'il en a dessiné beaucoup, et qu'il s'est toujours dit très marqué par Pitche (bande quotidienne des années 30). Dans les années 50 et 60, les dessinateurs d'humour et les illustrateurs s'exprimaient plus souvent que maintenant en BD. Ce n'était pas autant cloisonné qu'ajourd'hui. > Ce qui est ambigü, c'est que certains (Cabu, Pétillon...) ont fait les deux, que les dessinateurs de presse utilisent parfois les ficelles de la BD et vice versa. Je ne trouve pas ça ambigü mais naturel. C'est pareil pour Zep et son Titeuf : selon ce qu'il veut exprimer, il choisit le dessin d'humour ou la BD. Ce choix, le dessinateur de BD en use, mais le dessinateur d'humour aussi, et il n'y a pas lieu de faire la fine bouche en considérant que ce n'est pas de la "BD vrai de vrai" parce que gnagnagna. Et entre l'illustration et la BD, il y a des liens un peu semblables... Gustave Doré, Druillet ou Mattoti sont des bons exemples d'artistes ayant oeuvré dans ces deux genres. Salut. Alain Beyrand - Pressibus |
Bon, le débat et l'heure de la nuit étant déjà bien avancés, je fonce dans le tas en supposant que tout le monde a lu ce qui précède.
Pour moi, il est évident qu'il se passe quelque chose de très particulier au moment où Töpffer se met à publier ses histoires en estampes (à partir de 1833). Si on effaçait tous les gens qui "descendent" de la lignée Töpffer -> Wilhem Busch -> Katzenjammer's kids et Happy Hooligan - et Christophe, Pichon en France - (le Yellow Kid de Outcault étant, en fait un autre point de départ, concurrent qui a "'échoué" à imposer ses propres codes (à développer, si vous le voulez), donc, si on gommait tous les descendants issus de cette lignée töpfferienne, on perdrait 99% de ce que recouvrent les termes BD, comics, mangas et funnies aujourd'hui. Bien sûr, sans Töpffer, des milliers d'histoires en images auraient été dessinées depuis; mais qui sait comment les choses se seraient passées ? Ce qu'on peut dire, en tout cas, c'est que Töpffer a amené une pièce fondamentale qui est le personnage de BD. C'est curieux que personne n'attache d'importance particulière à ça dans la discussion (et ça m'étonne aussi chez la plupart des gens qui ont écrit sur Töpffer), parce que quand même, ce n'est pas rien d'inventer le concept de "personnage" de bande dessinée. Un nouveau type de créature qui s'impose au lecteur par leur existence purement graphique (vous n'imaginez pas Gaston ou Snoopy ayant un "original" vivant, le Tintin auquel vous pensez est bien celui qui est dessiné sur la page). La nouveauté de cette invention est évidemment au centre du travail théorique de Töpffer, son fameux traité de Physiognomonie qui est un véritable traité de la synthèse de personnages graphiques. Très rapidement, voilà les qualités du personnage tôpfferien : il a un visage expressif et mobile ; une identité propre (un nom) ; sa silhouette corporelle s'exprime visuellement sous forme d'actions (il interragit avec des objets, d'autres personnages etc.); les séquences d'images donnent suffisamment d'éléments d'information sur ces actions pour que le lecteur les 'anime' mentalement en termes d'objets graphiques et non d'objets "réels". Ces propriétés du personnage töpfferien (et , d'après moi, du personnage de BD ultérieur) ne sont absolument pas des traits disparates secondaires. Il se forme là une espèce d'automate mental purement graphique, et un dispositif séquentiel pour l'animer qui est la pièce première de la bande dessinée. Peu à peu des fonctionnalités supplémentaires sont venues s'ajouter : lignes de mouvement, phylactères, onomatopées etc. La BD est devenue l'un des médias majeurs, et des plus robustes du XXème siècle. Le problème du "rejet" des bandes qui ne correspondent pas au "canon", n'est pas très difficile. La bande dessinée comme dispositif, comme machine à raconter, est devenue assez riche en fonctionnalités pour se prêter à toutes les expérimentations et toutes les applications possibles (jusqu'au journal hyper-réaliste de Fabrice Néaud - qui n'est plus du tout un personnage graphique ). Reste le problème de la définition. Personnellement je n'ai pas grand chose a faire des définitions "formelles" hyper généralisées comme celle de Scott McCould (Comics : images dessinées ou autres, juxtaposées en séquence délibérées visant à transmettre de l'information et/ou à produire une réaction esthétique sur le lecteur pg.20, Understanding Comics"). Sans doute, apportent-elles des éclairages nouveaux, des niches auxquelles on ne pensait pas, mais pour moi ce type de définition recouvre plutôt des façons intéressantes de générer des contraintes (genre oulipiennes) pour "tordre" le médium et lui faire enfanter des monstres intéressants. Le médium lui-même n'a jamais évolué comme ça. Il a toujours préféré les ambiguités analogiques (les fantaisies avec le code) aux précisions propositionnelles (à l'obéissance aux définitions). La découverte de Töpffer n'a d'ailleurs rien d'un système 'formel', ce qui s' affirme dans l'oeuvre de Töpffer, c'est d'abord une intuition très globale du potentiel du médium mais directement en terme de ce qu'il peut raconter, il SAIT ce qu'il va pouvoir raconter, alors que la définition de McCloud n'est absolument pas prêgnante narrativement. Et c'est ce qu'il va raconter (des histoires d'action fantaisistes, pleines de catastrophes graphiques) qui va faire boule de neige et engendrer cette riche descendance. Peu avant sa mort, Töpffer publie son "Traité de Physiognomonie") dans lequel il étudie très méthodiquement le coeur de sa découverte - la création de personnages graphiques- mais dans l'ensemble, ses histoires en estampes s'expriment aussi naturellement qu'un rêve. Je pense que Töpffer était un esprit particulièrement libre et désinhibé (notamment par rapport aux jeux de l'enfance) et qu'il a vu un potentiel d'expression inédit dans les outils qu'il maitrisait (écriture, imagination, dessin). A la place d'une définition formelle, je me vois donc forcé de répondre par une "histoire de la machine bande dessinée" qui expliquerait la constitution progressive d'un médium étonnamment versatile et robuste, aujourd'hui capable sans doute, de s'adapter à tous les contenus narratifs même les plus littéraires... T.Smo |
D'abord une intuition très globale du potentiel du médium |
Il y a plein de raisons de faire débuter la BD par le Genevois Rodolphe Töpffer.
Personnellement, je m'appuie sur le fait qu'il a réalisé des ouvrages basés sur des séquences narratives d'images-texte, sur le fait que ses ouvrages furent diffusées (longtemps et dans plusieurs pays d'Europe), et sur le fait qu'il eut une descendance (le Français Cham, à la fois fidèle et déformateur, l'Allemand Busch qui a exploré d'autres voies etc.). Est-il "normal" ou "extraordinaire", qu'en lançant ce type de récit, Töpffer ait inventé plein d'autres choses ? Par exemple inventer le "personnage graphique" est-il une conséquence banale de l'invention de "l'histoire en estampes", ou bien est-ce une autre invention qui a dynamisé les oeuvres de Töpffer ? La réponse est dans l'analyse de ce qui a été fait auparavant, et qui est très peu accessible : les (pourtant nombreux) incunables du Moyen-Age, ou le livre de Jean-Noël. Y trouve-t-on des "personnages graphiques" ? A relire l'article sur la "narration figurée et procédés d'animation dans les images du Moyen-âge" du Cahier de la BD n°22, ça ne me semble pas être le cas, alors qu'on y trouve pourtant plein de caractéristiques structurelles de la BD (on a parlé du phylactère, mais il y a aussi l'expression du mouvement, les gros plans, les angles de vue...). Je ne vois aucune mention de "personnage fictif" et récurrent comme l'est M. Jabot, il n'y a que la représentation de faits réels (la vie des Saints etc.), avec quelques échappées (paradis, enfer...). Cela donne donc raison à Thierry. Tout comme il a raison d'insister sur les analyses très pertinentes que Töpffer faisait de ses "histoires en estampes". Je crois qu'il a fallu attendre presqu'un siècle avant de trouver une analyse plus poussée de ce qu'est la BD. > A la place d'une définition formelle, je me vois donc forcé de répondre par une "histoire de la machine bande dessinée" qui expliquerait la constitution progressive d'un médium étonnamment versatile et robuste, aujourd'hui capable sans doute, de s'adapter à tous les contenus narratifs même les plus littéraires... Oui. Ce n'est pas pour autant qu'une définition "formelle" est introuvable. Il y a une spécificité formelle de la BD, même s'il elle ne permet pas toujours de "trancher" (est-ce que telle page d'Epinal est une BD ou pas ?). Mais pour définir la date de naissance de la BD, la définition formelle ne suffit pas, il faut effectivement se placer dans une "histoire de la machine bande dessinée". C'est ce qu'on fait les Américains quand ils ont mis 1896 et le Yellow Kid en première position. Leur principal argument contre Töpffer était qu'il n'avait pas eu de descendance et qu'avec lui la BD n'était pas un média. Mais il a eu une descendance, et il n'y aucune raison de demander à la BD d'être un média dès sa naissance... L'acte de création de Töpffer a été tellement puissant que la lecture du Yellow Kid apparaît rétrograde par rapport à M. Jabot (sauf pour ceux qui préfèrent la couleur...). Quant à la date de 1833, date officielle de parution de la première BD "Histoire de M. Jabot", elle pourrait être constestée par le fait que Töpffer a dit « Ce livre, bien qu'il porte la date de 1833, n'a été publié qu'en 1835. ». Mais par "publié", il entend sûrement "diffusé", l'impression étant de 1833. Par ailleurs, comme Töpffer a dessiné ses BD à partir de 1827, et qu'elles avaient déjà une petit renom (Goethe notamment) avant d'être imprimées, on peut rester sur la date de 1833. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le musée d'Angoulême qui dans un encart dit que le premier album date de 1833. Salut. Alain Beyrand - Pressibus |
Mister Smo écrivait :
... > Le médium lui-même n'a jamais évolué comme ça. Il a toujours préféré les ambiguités analogiques (les fantaisies avec le code) aux précisions propositionnelles (à l'obéissance aux définitions). Je ne suis pas non plus pour les définitions théoriques et à tendance universelle, vu que je trouve qu'elles apportent beaucoup moins à la bande dessinée qu'un bon album. Ceci dit, je ne suis pas sûr non plus que les contraintes que tu cites soient génératrices de "monstres" en marge du medium. Au contraire, je trouve plutôt réducteur de vouloir limiter la bande dessinée à une narration plus classique. (Euh ... après réflexion, ce n'est sans doute pas ce que tu voulais dire, puisque tu t'opposes à une définition figée ... Mais bon, j'ai écrit ça, je le laisse) Le Nouveau Roman ou l'Oulipo ont été générateurs de nouvelles formes de littérature, sans pour autant se trouver en marge de la littérature elle-même. De la même façon, l'expérience que représentent les bandes dessinées muettes ("Gon" ou "The System" de Peter Kupert) ou les bandes dessinées oubapiennes ("Moins d'un quart de seconde pour vivre", "Monolinguismes" et consorts) sont enrichissantes pour le medium, car elles en explorent plus profondément le langage. -- XaV |
Xavier Guilbert wrote:
... > Ceci dit, je ne suis pas sûr non plus que les contraintes que tu cites soient génératrices de "monstres" en marge du medium. Au contraire, je trouve plutôt réducteur de vouloir limiter la bande dessinée à une narration plus classique. ... Quand on parle "d'expérimentations formelles" (oubapienne ou autre), il est impératif de reconnaître qu'il y a deux manières d'engendrer des nouvelles propositions, dans un médium comme la BD:
Je sais que je ne me ferai pas beaucoup d'amis en disant ça, mais je pense que les "goûts du public" ont toujours été, et seront toujours les moteurs premiers de l'évolution des média. Il y a là un "moteur statistique" qui est toujours prêt à explorer l'espace d'un nouveau problême, et dont le "flair" est insurpassable. Il faut que ce problême le mobilise, évidemment. Vous ne lui vendrez pas facilement des propositions engendrées par des contraintes oubapiennes parce qu'elles ne sont pas assez "efficaces" - elles ne peuvent pas générer des solutions capables de remplir "holistiquement" un cahier de charge très riche. Par contre dès qu'un filon nouveau engendre des propositions inédites (l'invention du dessin animé par exemple), la réaction du public devient un instrument de navigation extrêmement positif : un bon exemple sont les dessins animés de Félix le Chat (pendant les années 1920). Otto Mesmer raconte qu'il allait voir ses propres dessins animés en salle, et que dès que la salle rigolait pour quelque chose, il en remettait deux louches: ça a fini par donner des séquences totalement absurdes et magnifiques devant lesquels les intellectuels et les surréalistes se pâmaient. Je suis sûr que Tex Avery fonctionnait comme ça. Une de raisons pour lesquelles le médium semble stagner depuis quelques années c'est qu'on n'a plus réellement un moyen rapide de mettre en concurrence des petites séquences, des idées isolées etc. Pour cela, rien ne vaut les périodiques. Aujourd'hui, la sélection ne joue que sur l'album, qui est un produit bien moins versatile et rapide (le moteur statistique du public n'a pas beaucoup de dimensions à explorer, à part les genres - c.f.l'autobiographie et l'héroïc-fantasy). Mais je parie que si un marché parallèle ( fanzines, revues d'auteurs etc.) se développait et se diversifiait suffisamment on verrait apparaitre des nouvelles fonctionnalités. En fait, on les a peut-être sous le nez, mais sans avoir le recul suffisant pour les apprécier à leur juste importance. Voilà mes deux centimes belges. T.Smo |
Mister Smo (aka Le Belge Expatrié et Insomniaque), à une heure indue pour lui:
... > Je sais que je ne me ferai pas beaucoup d'amis en disant ça, mais je pense que les "goûts du public" ont toujours été, et seront toujours les moteurs premiers de l'évolution des média. Il y a là un "moteur statistique" qui est toujours prêt à explorer l'espace d'un nouveau problême, et dont le "flair" est insurpassable. Je pense que, surtout, il ne faut pas perdre de vue que la bande dessinée est avant tout un médium à vocation narrative. Et que c'est souvent ce qu'oublient les oeuvres à contrainte, qu'elles soient Oulipiennes ou Oubapiennes. Une oeuvre oubapienne qui "touche juste" et qui apporte quelque chose, c'est à mon sens le "Lapinot et les Carottes de Patagonie" de Lewis Trondheim. Elle reste en effet une oeuvre narrative, tout en restant soumise à des contraintes (500 pages, grille de 3 cases par 4, support bande dessinée pour un auteur qui ne sait pas dessiner ...). Tout ceci me rappelle certains cours de "créativité artistique", où le prof nous expliquait qu'il fallait toujours mener à bout une démarche, mais qu'il fallait également refaire un peu de chemin dans l'autre sens pour permettre à l'oeuvre d'être intelligible et non autiste. A partir du moment où l'expérience oubapienne n'est pas génératrice d'une expérience pour le lecteur (dans le sens : génératrice de nouvelles sensation), elle reste stérile puisqu'elle n'est qu'une exploration formelle et non plus une narration. Pour donner un exemple oulipien, "Labyrinthe" de Robbe-Grillet est intéressant car le livre est lui-même un labyrinthe : on repasse aux mêmes endroits, les chapitres se télescopent, etc ... Et il en ressort une ambiance très particulière, qui valide toute la démarche formelle. > Une de raisons pour lesquelles le médium semble stagner depuis quelques années c'est qu'on n'a plus réellement un moyen rapide de mettre en concurrence des petites séquences, des idées isolées etc. C'est là que le marché japonais est le plus intéressant : y cohabitent les périodiques de prépublication (hebdomadaires et mensuels confondus) et les recueils (équivalent des albums) ... le tout à des prix particulièrement abordables (grosso modo, 10F le périodique de 450p, et 20F le recueil de 160 pages). -- XaV |
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