Gustave Doré (1832-1883), l'un des plus célèbres illustrateurs français, a commencé par réaliser des bandes dessinées. Certes elles ne s'appelaient pas ainsi, certes il a aussi commencé par des illustrations et des dessins d'humour, mais il n'en reste pas moins que ses premières publications à l'âge de 15 ans sont un album de bande dessinée Les travaux d'Hercule (1947) et des caricatures et courtes BD dans Le Journal pour Rire (de 1848 à 1856).
Dessinateur de BD, de 15 à 24 ans
Si "Les travaux d'Hercule" sont indéniablement de la BD, dans la lignée de Töpffer et de Cham, certains de ses autres travaux seront histoires narratives conjuguant texte et dessin, dont seules quelques séquences enchaînent les images comme en BD.
C'est le cas de son gros ouvrage L'histoire de la Sainte Russie, régulièrement réédité, et notamment en 1996 chez Hermann. Libéré du format oblong de ses albums précédents, il laisse libre court à son inventivité et signe des séquences et mises en pages très originales. Dans cette lignée, viendront s'inscrire, bien plus tard, certains ouvrages de Calvo et Druillet.
Autoportrait de Gustave Doré, conseillé par son crayon
(extrait de l'Histoire de la Sainte Russie).
Après 1856, Gustave Doré se consacra uniquement à l'illustration et à la peinture. Il renia même ses premiers travaux, ce qu'il faisait lui paraissait sans doute plus noble...
Pour en savoir davantage sur les BD de Gustave Doré, on consultera le dossier de 31 grandes pages paru dans 9ème Art n°3 (voir notre site Revues d'étude).
Dans 9ème Art n°3, Michel Thiébaut dit à propos de cette page des Travaux d'Hercule : « La volonté de donner du mouvement à ses images amène Doré à jouer très habilement de la convention de lecture, qui nous conduit à "progresser" dans un récit en déplaçant notre regard de la gauche vers la droite. Lorsqu'il poursuit la biche de Cérynie, Hercule nous est montré dans une succession d'images que nous lisons normalement de la gauche vers la droite. Mais dans chacune, on voit Hercule, de profil, se diriger vers la gauche où est censé se trouver l'animal. Dans une sorte de vision à rebours, ce montage donne le sentiment que le héros est irrésistiblement rejeté vers la droite à chaque fois qu'il se rapproche du but. »
Je ne partage pas ce point de vue et trouve la lecture plus facile en orientant la course dans l'autre sens. La chute du héros apparaît plus lourde et la biche y est plus bondissante. Simplement, Gustave Doré ignorait qu'une "convention de lecture" validerait, bien plus tard, ce sens de déplacement. A.B.