En aval, le ruisseau avait été enterré avant l'ouverture du centre commercial des Atlantes, en 1992. |
Alain Beyrand, octobre 2025
| Lors de la grande inondation de 1856, le ruisseau de la Dolve traversait déjà le centre-ville. La rue de la Dolve, en raison de la présence du ruisseau, a été le théâtre de la destruction spectaculaire d'immeubles, comme le montre le dessin ci-contre et comme le raconte Clô Chauvin-Tachot dans son livre "Henri Mondeux, l'enfant mathématique" de Clô Chauvin-Tachot (2016), basé sur des faits réels :
"Jusqu'à la décrue qui s'amorce le 7 juin, Emile Jacoby et Henri Mondeux se rendent disponibles pour aider partout où les organisateurs des secours les envoient. Ils restent ensemble, solidaires dans le désir de se rendre utiles. Ils participent au sauvetage des 20 personnes réfugiées dans une maison menaçant de s'écrouler, rue de la Dolve, près de la place du Palais de justice." |
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"1872-1873, la création du jardin des Prébendes d'Oé entraîne le busage d'un tronçon du ruisseau, mais ses eaux sont partiellement détournées pour alimenter les pièces d'eau du jardin ; ce dispositif ne dure pas en raison des plaintes pour insalubrité de la part des riverains. Après l'assèchement et le comblement du ruau Sainte-Anne au milieu du XIXe siècle, les eaux du ruisseau de l'Archevêque sont dirigées vers le sud et le Cher, en empruntant l'itinéraire du boulevard Tonnellé moderne. Par tronçons successifs, le ruisseau est progressivement busé à partir de 1880". Texte Wikipédia d'après Jean-Mary Couderc, "La Touraine insolite" 2, pages 72-76, C.L.D. 1990, où il est écrit : "Avant la création des Prébendes en 1867, le ruisseau formait un véritable marais de plusieurs centaines de mètres de large. D'ailleurs la rue Lakanal s'appelait auparavant la rue du Vivier. Il continuait au nord de la rue de la Californie et parallèlement à elle et rencontrait le ruisseau de ceinture [de la Dolve] à l'intersection de la rue Plailly et de la rue d'Entraigues. Dans le coude de la rue François Richer, adossée au mur du parc à fourrage de l'armée, on peut voir la vieille vanne que l'on fermait en cas de crue du Cher pour éviter qu'il ne remonte dans le collecteur. Les eaux sont maintenant relevées par la station de Saint-François. Il se jetait ensuite dans le ruau Sainte-Anne mais, après le comblement de 1774 [terminé vers 1830], il a été détourné vers le sud ; de nos jours, il passe sous le boulevard Tonnelé ["ruisseau de l'hospice", voir ci-avant la carte 1870 Ouest]. En août 1990, le dernier trajet aérien, depuis la vanne de Saint François jusqu'au Cher, vient d'être recouvert pour atténuer les odeurs de la fraction non traitée des eaux résiduaires de l'agglomération qu'il emprunte." |
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La rue Parmentier s'est d'abord appelée rue de la Grenouillère, quand les grenouilles pateaugeaient dans le ruissseau... |
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En 2009, les propriétaires de l'immeuble situé au 139 rue de la Fuye, situé sur le bord du ruisseau de l'Archevêché, ont entrepris d'aménager des appartements en sous-sol, sans déposer de demande de permis de construire. Après plusieurs interventions d'un riverain, la mairie a in extremis décidé d'interdire l'habitation de ces lieux, déjà meublés et prêts à être loués.
Un an plus tard, le 12 septembre 2010, ce même riverain a envoyé un courrier à l'adjoint à l'urbanisme de la ville de Tours dans lequel il écrit : "Suite à votre courrier du 8 décembre 2009, en réponse au mien du 29 octobre 2009, je vous signale que mes craintes d'inondation des appartements en sous-sol de la maison sise au 139 rue de la Fuye étaient justifiées. En effet, suite aux fortes pluies de mercredi dernier 8 septembre, ces appartements ont été victimes d'une invasion des eaux d'une hauteur que je ne connais pas, mais qui devait être importante puisqu'elle a amené environ 5 cm de boue, d'après une habitante de l'immeuble". Depuis il y a eu au moins deux autres inondations du même type (une le 11 juin 2018). Ce sous-sol est pourtant rehaussé (comme presque toutes les maisons du quartier), car il faut monter huit marches pour atteindre le rez-de-chaussée (quatre externes et quatre internes) (photo ci-contre). |
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A gauche, extrait d'une carte de Tours du début du XXème siècle, avant que les reconstructions d'après bombardements reconfigurent le bâti : le ruisseau (en bleu) traverse le terrain du promoteur (en orange) en son milieu. A droite, photo aérienne de janvier 1955. Le quartier est alors dévasté par les bombardements de 1944, les décombres sont dégagés, le ruisseau est enterré, les nouveaux bâtiments ne sont pas encore construits. On devine la dépression par où passe le ruisseau. Liens : carte photographique (montrée au chapitre 8) de la rue Edouard Vaillant à gauche en bas à la rue Deslandes à droite, la même avec indication du ruisseau. |
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"Le réseau hydrographique de surface (ruisseaux, talwegs, fossés, etc.) contribue pour beaucoup à la capacité d’écoulement dans le val. Ils ont un rôle fondamental à jouer dans le ressuyage des terres après la crue et l'accélération du retour à la normale par la vidange du val. Ce réseau est aujourd’hui mal connu et probablement en partie délaissé. Les chemins principaux d’écoulement sont à identifier, maintenir en état voire à restaurer. En particulier, la prise en charge partagée et solidaire à l'échelle du val de l'entretien des fossés est à envisager compte-tenu de l'importance de ces ouvrages dans le dispositif global. De même, la connaissance des réseaux anciens, devenus souterrains, comme le ruisseau de l’archevêché, qui participent à la gestion des eaux pluviales, doit être pérennisée, tant pour les collectivités que pour la population.". |
| Les collecteurs d’eaux pluviales sont généralement en béton ou en PVC. Cependant, les collecteurs principaux en centre-ville sont des dalots (ou galeries maçonnées) qui ont été construits, pour les plus anciens, vers 1870. Ainsi, une galerie maçonnée dite « Ruisseau de l’Archevêché » longe la limite nord de la caserne Chauveau (près de la rue F. Richer). Il s’agit d’un demi-cylindre de l’ordre de 2,2 m de hauteur et de 2,8 m de largeur en base. Les eaux s’écoulent d’est en ouest et il est probable que l’ouvrage soit en relation avec le Cher (présence de poissons notamment). L’ouvrage peut être totalement en charge (saturé) lors de fortes pluies. La visite effectuée en mars 2011 par le cabinet GINGER – CEBTP révèle un ouvrage globalement stable avec toutefois quelques pierres déchaussées et des joints dégradés. |
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En combinant d'anciennes cartes et des documents historiques, nous avons pu identifier l'emplacement et l'évolution historique de trois cours d'eau urbains dans la ville de Tours (135 000 habitants) qui ont été comblés ou enterrés au milieu du XIXe siècle. Le centre-ville est une ancienne plaine inondable interfluviale délimitée par la Loire au nord et le Cher au sud (Maillard, 2003). Depuis le Moyen Âge, plusieurs cours d'eau traversant la ville et se jetant dans l'une ou l'autre de ces rivières (Plan Local d'Urbanisme, 2019) étaient utilisés comme système d'égouts superficiel. Sous Louis XI (∼1461-1483), l'un d'entre eux, le ruisseau Sainte-Anne, a été élargi pour former un canal de 35 à 40 m de large qui a longtemps relié la Loire et le Cher (figure 16). Il servait de raccourci pour la navigation afin d'éviter le passage difficile à travers les nombreux confluents peu profonds des deux fleuves en aval de Tours. Lors de la fixation des quais de Tours de 1774 à 1777, l'ouverture du canal vers la Loire a été fermée afin de réduire les risques d'inondation. Après la construction d'une digue le long de la Loire en 1813, le passage pour l'évacuation des eaux usées a été rouvert, mais le canal est devenu insalubre et a finalement été complètement comblé en 1846 (Audin, 2013). Aujourd'hui, son ancien lit forme l'alignement d'une avenue. Deux autres cours d'eau qui existaient auparavant dans la ville [le ruisseau de Dolve et le ruisseau de l'Archevêque] coulent aujourd'hui sous terre, enfouis dans des canalisations, mais leur emplacement et leur cours ont pu être reconstitués à partir d'anciennes cartes et peintures. À l'origine, les deux ruisseaux coulaient en parallèle, traversant la ville d'est en ouest, puis se rejoignaient avant de se jeter dans le canal Sainte-Anne (Audin, 2013). Le ruisseau de Dolve était déjà utilisé comme décharge en 1597. En raison de sa faible vitesse d'écoulement, il s'est progressivement ensablé et a régulièrement inondé ses berges. En 1840, des mesures ont été prises pour paver le lit de la rivière avec des pierres afin d'éviter les inondations, mais cela a échoué. Parallèlement, la municipalité a autorisé les habitants à recouvrir à leurs frais le ruisseau qui coulait à côté de leurs maisons. En 1880, le conseil municipal a décidé de recouvrir les 1 300 m du ruisseau Dolve. Le ruisseau a été canalisé par un tuyau de 1,5 m de large et 1,8 m de haut. Les dépôts de sable épais et les couches de limon (jusqu'à 1 m) rendent nécessaire un dragage régulier. Une partie de la trace historique du ruisseau Dolve est aujourd'hui rappelée par le nom de la rue, Rue de la Dolve (Audin, 2013). Le ruisseau de l'Archevêque servait à l'origine à alimenter les habitants en eau potable. En 1872, il a été partiellement comblé et la zone humide qui en a résulté a été transformée en un parc public, le « Parque des Prébendes d'Oé », avec un petit lagon qui existe encore aujourd'hui. Après 1880, le ruisseau a été partiellement recouvert d'une voûte en briques et, en 1940, il était encore visible dans certaines rues (Audin, 2013). Les sections restantes ont ensuite servi d'égout à ciel ouvert, qui devait être régulièrement nettoyé et entretenu, et dégageait une odeur nauséabonde, ce dont se plaignaient les habitants (Basset, 2011). Cela a conduit à un recouvrement progressif du ruisseau avec du béton, qui s'est achevé dans les années 1960. Seuls les citoyens les plus âgés s'en souviennent aujourd'hui. Après l'assèchement du canal Sainte-Anne, les deux cours d'eau ont été détournés vers le sud, vers la rivière Cher. La sortie du ponceau en béton construite en 1990 est aujourd'hui le seul vestige visible de ces cours d'eau. Ainsi, la recherche des ouvertures des ponceaux ou l'analyse des modèles numériques d'élévation peuvent fournir les premiers indices pour commencer les analyses historiques à la recherche des cours d'eau disparus. Récemment, le tracé des anciens cours d'eau a été réidentifié et intégré dans un concept de « tourisme historique vivant », c'est-à-dire que les personnes intéressées peuvent suivre le tracé des cours d'eau à vélo et s'informer sur les événements passés, la culture et l'architecture grâce à un guide. Cette lutte contre l'oubli pourrait devenir le point de départ d'un projet de restauration à l'avenir. |