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Histoire du ruisseau de l'Archevêché
ou ruisseau de l'Archevêque ou ruau de l'Archevêque
(ruisseau souterrain de Saint-Pierre-des-Corps à Tours)
ainsi que l'histoire de son affluent, le ruisseau de la Dolve
Fichier pdf de 36 pages (13 Mo)


Dossier présent en pressibus.org/ruisseau avec liens et agrandissements d'illustrations


Début du XVIIème siècle, la traversée de Tours d'est (à gauche) en ouest (à droite).

Sommaire
  1. Avant-propos : l'eau court toujours
  2. Le parcours, de Saint-Pierre des-Corps à La Riche
  3. L'empreinte dans les couches géologiques
  4. Jusqu'au XVIème siècle, avec pour affluent la boire Saint-Venant
  5. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, entre les remparts de Tours et le Cher
  6. Au XIXème siècle, la varenne et le ruisseau sont urbanisés
  7. Le ruisseau de la Dolve, affluent, au XIXème et au XXème siècle
  8. L'urbanisation à la fin du XIXème siècle, le ruisseau devient souterrain
  9. Des photos du ruisseau à la fin du XIXème siècle
  10. Au début du XXème siècle, les inondations et le comblement
  11. Les bombardements de 1944, le ruisseau explosé
  12. A la fin du XXème siècle, l'oubli puis l'ignorance
  13. Au XXIème siècle, le déni de l'existence et la tromperie sur le tracé
  14. Au XXIème siècle, un début de reconnaissance
Cliquer sur les illustrations à bord large permet de les agrandir








  1. Avant-propos : l'eau court toujours


    Extrait de "Hier le canal, aujourd'hui l'autoroute", 2020 (assoc. hist. SPDC).
    En aval, le ruisseau avait été enterré avant l'ouverture du centre commercial des Atlantes, en 1992.
    Ce dossier, en sa majeure partie, a été constitué progressivement, de 2017 à 2019, dans le cadre d'une protestation contre une opération immobilière frauduleuse, au 31 rue du docteur Fournier à Tours, dont l'objet principal reposait sur l'ignorance de la présence du ruisseau souterrain de l'Archevêché, oublié en ce début de XXIème siècle. Les explications, résumées au chapitre 13, sont détaillées sur une page voisine, à double sommaire. Le sommaire "Histoire du ruisseau de l'Archevêché" rassemble des chapitres, reconnaissables à leur fond bleu, au nombre d'une vingtaine, accumulés dans un ordre anarchique. Ils sont ici repris dans une organisation différente, avec des ajouts conséquents.

    Dans le cadre de cette opération immobilière, le 7 novembre 2014, la mairie de Tours a reproché à des riverains, dans un mémoire adressé à la cour d'appel de Nantes, de faire "référence à un ruisseau de l'Archevêché sans en démontrer l'existence" ! Les maires Serge Babary (2014-2017) et Christophe Bouchet (2017-2020) ont refusé de prendre en compte l'existence de ce cours d'eau lors des recours contre le permis de construire. Pire, ils ont autorisé des remblaiements interdits par le PPRI. Pourtant, comme le titre un article (lien) de "La Nouvelle République", du 5 mars 2016 : "Le ruisseau de l'Archevêque serpente toujours sous la ville".

    Ce ruisseau existe au point d'avoir sa page Wikipédia, créée le 17 septembre 2021, avec ce commentaire, en introduction, s'appuyant sur un livre de Jean-Mary Couderc, en 1990 : "Au XXIe siècle plus aucune section n'apparaît à l'air libre ; busé et intégré au réseau de collecte des eaux pluviales de la ville et il est, selon les secteurs, soit comblé, soit neutralisé, soit encore en fonctionnement comme collecteur". Toutefois, il reste en son début (ci-contre), une courte portion à l'air libre.

    Mes arrière-grands-parents ont habité rue Deslandes, dans le quartier de la Fuye, à partir de 1890 environ, ayant un accès au ruisseau. J'habite rue de la Fuye, à proximité du ruisseau. Je connais sa dangerosité, laquelle est atténuée depuis 1993 par la présence d'un important bassin de rétention (chapitre 12). Mais ce danger, bien que réduit, ne doit pas être ignoré, il reste avéré, notamment en cas d'orages violents et répétés. Le maire de l'époque, Jean Royer, l'avait souligné à la population, lors de ses voeux de 1994.

    Ce ruisseau, ou ruau, a deux noms, "ruisseau de l'Archevêque", dans les livres et les cartes, et "ruisseau de l'Archevêché", dans le langage des habitants, notamment ceux du quartier de la Fuye et de celui des Prébendes. Après hésitation, j'ai opté pour le nom populaire. Ces deux dénominations viennent du fait que ce cours d'eau traversait, au Moyen-âge, de nombreuses terres dépendant de la cathédrale, notamment au niveau de la ferme de la Fuye.

    Jean-Mary Couderc, dans son livre de 1990, parle ainsi de ce ruisseau, et de son affluent la Dolve : "Il y a donc des habitants à Tours qui vivent, sans le savoir, tout à côté d'un ruisseau qui, jadis, serpentait dans les jardins, miroir pour les libellules, terrain de chasse pour les grenouilles... Lui aussi a été victime de la ville qui l'a cantonné, coupé et comblé... mais quelques part, l'eau court toujours et souvent hors de son lit officiel, quand on le connaît..."

    Alain Beyrand, octobre 2025








  2. Le parcours, de Saint-Pierre des-Corps à La Riche


    Ci-dessus et ci-dessous, cartes extraites de l'étude (pdf de 31 pages) intitulée "La varenne de Tours et ses ruisseaux",
    de Pierre Audin en 2013. "Le ruau de l'archevêque" y est présenté en ses pages 16 à 23, en son parcours de 1619.


    Le ruisseau de l'Archevêché est issu, à Saint-Pierre-des-Corps, d'un autre ruisseau, le Filet (sa page Wikipédia), peu avant que ce dernier se jette dans le Cher, au niveau de la ferme de la Feuillarde. Il cheminait, entre Loire et Cher, parallèlement, d'est, en ouest, en passant sous trois ponts, pour aller se jeter dans le ruau Sainte-Anne (sa page Wikipédia) qui séparait les communes de Tours et La Riche, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Il reliait donc Le Filet au ruisseau Sainte-Anne. Puis, lorsque ce ruau Sainte-Anne fut comblé (notamment par le jardin botanique), il fut dévié vers le Cher, en longeant la limite communale de La Riche. Sa longueur, qui était d'environ 4,8 km, est alors passée à 5,5 km environ.



    Le tracé actuel, présenté sur Wikipédia en 2023, travail personnel de Joël Thibault.
    Le filet, lui est toujours à l'air libre. Depuis la construction du canal, il se jette différemment dans le Cher.



  3. L'empreinte dans les couches géologiques

    En 2013, une étude a été réalisée, intitulée "volution morphologique et sédimentaire de la plaine alluviale d’un espace urbanisé (Tours, Indre-et-Loire, France)" (lien). Les cartes qui suivent, numérotées 1, 4, 6, 11, en sont extraites, ainsi que les textes.


    Figure 1 des altitudes actuelles et Figure 4 d'altitude du substrat rocheux

    Figure 6 d’altitude du toit des alluvions et Figure 11 de l’épaisseur cumulée des alluvions

    "Le tracé connu du Ruisseau de l’Archevêque correspond à un couloir déprimé dans le substrat (Fig. 4, B). Entre le ruisseau de l’Archevêque et le tracé actuel du Cher, un autre couloir déprimé est identifié (Fig. 4, C). [...] D’autres hauts fonds de forme linéaire, bombements apparentés à des levées naturelles ou des barres sédimentaires, sont distinguables sur le modèle : en rive droite du Cher (Fig. 6, E) et sur la bordure sud du tracé connu du ruisseau de l’Archevêque (Fig. 6, F). [...] Ces éléments, et la validation du modèle le long du tracé du ruisseau de l’Archevêque, suggèrent l’existence d’un paléochenal recoupant l’emprise de l’espace urbanisé ancien (noté “ paléochenal UA ” ci-après) du sud-est vers le nord-ouest, avec un profil sinueux (Fig. 11).[...] L’incision du substrat rocheux s’est néanmoins poursuivie dans des chenaux actifs jusqu’à la transition Tardiglaciaire-Holocène, tels le ruisseau de l’Archevêque et le paléochenal UA (Fig. 4, A ; Fig. 17), voire jusqu’à la période actuelle dans le chenal de la Loire."




    On comprend ainsi que le tracé est depuis très longtemps inscrit dans les couches géologiques et qu'en cas de catastrophe, le ruisseau pourrait reprendre sa place millénaire.

    En voici une autre illustration avec la coupe ci-dessous. On comprend que lors de l'inondation de 1856, l'avancée des eaux suivait ce tracé. Lors des réunions publiques sur le PPRI en 2015/2016, une vidéo montrait clairement cette cinétique. Sur ce tracé le risque est optimal. Le ruisseau de l'Archevêché est un talweg, c'est-à-dire une ligne de collecte des eaux et un chenal d'écoulement.









  4. Jusqu'au XVIème siècle, avec pour affluent la boire Saint-Venant


    Vers 950. Le "bras présumé du ruisseau de l'Archevêque" correspond à la boire Saint-Venant, que l'on retrouve ci-dessous.
    ("Hier le canal", assoc. hist. SPDC)


    Vers 1100, la boire Saint-Venant longe les murailles de la Cité et de Châteauneuf
    (cette illustration et la suivante sont extraites du livre "Tours, portraits d'une ville", de M. Cossu et C. Delaunay, 2020)




    Vers 1450, la boire Saint-Venant longe la première muraille, qui réunit la cathédrale et la basilique St Martin.
    Il y a correspondance avec cette carte, en provenance d'un dossier sur la boire d'Hélène Noizet en 2007 (pdf de 12 pages).

    Sur les deux cartes ci-dessus, on ne voit pas le ruisseau de l'Archevêché, qui est plus au sud. Lorsque la muraille va être élargie, au début du XVIIème siècle, la boire St Venant remplira les douves des nouveaux remparts, devenant plus tard le ruisseau de la Dolve. Ce sera alors le ruisseau de l'Archevêché que l'on verra en avant des remparts, dans les cartes ci-dessous.


    Vers 1553. C'est bien le ruisseau de l'Archevêché que l'on voit, cette fois-ci, au premier plan, plus éloigné des remparts
    que la boire Saint-Venant, laquelle n'est pas tracée, pour être moins importante et plus lointaine, effacée...
    Sur cette carte, le ruisseau de l'Archvêché est souvent confondu avec le Cher. Variantes : 1, 2 et ci-dessous.






    1553 ("La varenne de Tours", Pierre Audin)



  5. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, entre les remparts de Tours et le Cher


    Vers 1619, carte dite de Siette. Les nouveaux remparts (avec le "grand mail" arboré, correspondants aux actuels boulevards
    Béranger et Heurteloup) sont entourés de douves remplies par les eaux de la boire Saint-Venant.
    Variante ci-dessous, avec l'indication de l'abbaye de Beaumont lès Tours, en bas à gauche.






    1699. Le ruisseau de l'Archevêché (nommé par erreur "Cher rivière") passe devant l'abbaye de Beaumont-lès-Tours (prestigieux
    établissement pour religieuses) (collection Gaignières). Au fond à gauche, au sud, se trouve probablement le château de Grandmont.





    Vers 1780 (Assoc. hist. SPDC). En orange et en incrustation, la ferme de la Fuye (son étendue).
    En pointillé rouge, les remparts de Tours, longés par les arbres du "grand mail".


    Le cadastre napoléonien, 1800/1824 : la traversée de Saint-Pierre-des-Corps (dont faisait alors partie le quartier de la Fuye)
    (la ferme de la Fuye est marquée "La Füie").



  6. Au XIXème siècle, la varenne et le ruisseau sont urbanisés


    A droite, le canal de jonction du Cher à la Loire, ou canal du Berry, inauguré en 1825.
    1850. Les voies ferrées sont en place, la gare de Tours a été inaugurée en 1848.


    En 1856, la grande inondation de la Loire submerge tout, à l'exception du vieux Tours de la cathédrale.
    Le parcours du ruisseau est ici presque intégral depuis Saint-Pierre-des-Corps, jusqu'à sa jetée dans le Cher,
    le ruau Sainte-Anne ayant été définitivement comblé depuis une vingtaine d'années.

    Pour la navigation fluviale, le ruau Sainte-Anne est alors remplacé par le canal de liaison du Cher à la Loire. En 1956, des brèches dans sa levée ont provoqué l'inondation de Tours. Pour éviter une autre catastrophe, la levée ouest du canal est rehaussée et devient la "digue du canal" vers 1860. Ces travaux ont effectivement permis d'arrêter les eaux en 1866, lors de la dernière grande inondation centennale. Bien qu'elle ait été déclassée en 2016, cette digue peut encore servir (les batardeaux permettant de boucher les trois ouvertures sont encore disponibles). Tandis que les risques d'inondation par l'amont ont diminué, ceux par l'aval ont augmenté (la faible pente de la Loire permet aux eaux de la Vienne, de l'Indre et du Cher de remonter et d'inonder La Ville aux Dames). Dans ce cas, la digue empêcherait l'inondation de Saint-Pierre-des-Corps et de ses usines Seveso.

    En 1855, le quartier de la Fuye, situé entre le canal et les voies de chemin de fer, est passé de la commune de Saint-Pierre-des-Corps à celle de Tours.


    Vers 1868, dans le quartier de la Fuye (encore orthographié "La Füie"), quand les rues sont projetées, sans être nommées.
    La rue des Rotondes est devenue la rue du docteur Fournier (Alfred de son prénom, maire de Tours de 1884 à 1892)




    En 1868 environ, voici la suite de la carte précédente, vers l'est. La future rue Parmentier s'appelait alors rue de la Grenouillère.
    Le jardin des Prébendes n'existait pas encore.


    Vers 1869, le tracé presque complet, de Saint-Pierre-des-Corps au Cher, par le jardin des Prébendes d'Oé et par le ruau
    Sainte-Anne comblé. En fait, ce ruau n'a donc pas été complètement comblé : l'eau circulait encore à l'air libre, sur sa partie sud.


    1870, à l'est de Tours. Les rues sont en cours de construction et de nommage. L'orthographe "La Fuie" n'est pas encore devenue
    "La Fuye". Sous les rues, le ruisseau va commencer à être enterré. Sur ce plan et sur celui de 1868, on voit qu' un peu avant
    l'arrivée sur la rue de la Fuye, un petit affluent se jette dans le ruisseau. "Contrairement à l'autre branche, celle-ci a été comblée
    sans être busée ; on a retrouvé l'ancien fossé entre les rues Couvrat-Desvergnes et Pierre Brossolette
    " (Jean-Mary Couderc 1990)


    1874. Le ruisseau, depuis le Filet jusqu'aux Prébendes (carte penchée).
    (les cartes de ce chapitre proviennent des archives municipales de Tours Saint-Eloi)
    (autre carte vers 1880, Assoc. hist. St Pierre des Corps)



  7. Le ruisseau de la Dolve, affluent, au XIXème et au XXème siècle

    Nous avons vu que la boire Saint-Venant du XVIème siècle avait permis de remplir, au début du XVIIème siècle, les douves (ou dolves) des remparts. Ceux-ci ont été détruits au milieu du XIXème siècle et l'eau s'est alors écoulée dans le ruisseau de la Dolve, rapidement souterrain. Il suit notamment la rue de la Dolve, à proximité de la place du Palais, devenue place Jean Jaurès. Il se jette dans le ruisseau de l'Archevêché au niveau des rues Giraudeau et d'Entraigues. Il est aussi appelé le "ruisseau de ceinture" (notamment par Jean-Mary Couderc).

    Extrait de la page Wikipédia sur "l'enceinte bastionnée de Tours", présentant les deux illustrations qui suivent, s'appuyant sur le livre de Jean-Marry Couderc, 1990 : "De la porte de Bourbon à la porte Saint-Éloi, le ruisseau de la Dolve (« douve »), encore appelé « ruisseau de ceinture » — ces noms ne semblent apparaître qu'après la construction du rempart —, s'intègre très rapidement au fond du fossé ; il draine en outre une partie de l’humidité de ce secteur marécageux occupé par des boires et certains égouts de la ville s'y déversent. À partir du milieu du XIXe siècle ce ruisseau, largement envasé, dont l'eau stagne le plus souvent et qui est source de nuisances pour les riverains, est comblé ou busé sur l'ensemble de son parcours."


    Du XVIIème au XIXème siècle, les douves de l'enceinte bastionnée de Tours, ou "fossé de ceinture"


    Représentation schématique de la porte Saint-Étienne (au nord de l'actuelle église St Etienne).


    Tracé par "La Nouvelle République du Centre-Ouest" en 1999.

       Lors de la grande inondation de 1856, le ruisseau de la Dolve traversait déjà le centre-ville. La rue de la Dolve, en raison de la présence du ruisseau, a été le théâtre de la destruction spectaculaire d'immeubles, comme le montre le dessin ci-contre et comme le raconte Clô Chauvin-Tachot dans son livre "Henri Mondeux, l'enfant mathématique" de Clô Chauvin-Tachot (2016), basé sur des faits réels :
    "Jusqu'à la décrue qui s'amorce le 7 juin, Emile Jacoby et Henri Mondeux se rendent disponibles pour aider partout où les organisateurs des secours les envoient. Ils restent ensemble, solidaires dans le désir de se rendre utiles. Ils participent au sauvetage des 20 personnes réfugiées dans une maison menaçant de s'écrouler, rue de la Dolve, près de la place du Palais de justice."

    Le 5 mars 2016, La Nouvelle République a publié un article (lien) titré "Le ruisseau de l'Archevêque serpente toujours sous la ville" avec deux illustrations maintenant disparues : un plan du début du XXème siècle, sans le ruisseau de la Dolve, qui passe près de la gare) et une photo de la voute où coule le ruisseau enterré, en fait celui de la Dolve. Jean-Mary Couderc en parle dans son livre de 1990 : "On peut voir l'extrados de la voûte de la canalisation dans les caves de l'hôtel de l'Univers ; l'opération d'urbanisme de la Dolve et les travaux pour l'E.D.F., rue Georges Sand, sont tombés dessus. Plus à l'Ouest, le ruisseau se divisait en deux : une branche au nord de la rue Victor Hugo, maintenant coupée au niveau de la la trésorerie générale, pour des raison de sécurité, la seconde, sous l'alignement de la rue Victor Hugo. il rejoint le collecteur général des eaux pluviales de la rue Giraudeau et ne se poursuit plus comme autrefois jusqu'à la rencontre du ruisseau de l'Archevêque".


    On lit dans cet article de la NR 1999 que le ruisseau de l'Archevêque était "un des plus importants cours d'eau non navigables qui couraient dans la plaine entre la Loire et le Cher" et que "en 1960, il y a eu des inondations place de la gare dues à l'écoulement du fameux ruisseau qui serpente toujours et s'est rappelé au bon souvenir des habitants". Il y a là une confusion avec le ruisseau similaire de la Dolve (les deux tracés sont sur cette carte). La voute photographiée est donc celle de la Dolve.






    Un autre article (lien) de la NR, du 16 septembre 2011, indiquait que "Le chantier de recouvrement par une voûte de brique a commencé en 1880. Il a été complètement terminé en 1960, mais il y a eu quelques ruptures de voûtes, jusque dans les années 1980".

    En 1880, le conseil municipal a décidé de recouvrir les 1 300 m du ruisseau Dolve. Le ruisseau a été canalisé par un tuyau de 1,5 m de large et 1,8 m de haut (source en fin de chapitre 14). L'état de la canalisation serait très variable selon les tronçons, que l'on connaît mal. Le silence du PPRI de 2016 sur les ruisseaux enterrés semble surtout lié à leur méconnaissance.


  8. L'urbanisation à la fin du XIXème siècle, le ruisseau devient souterrain


    Créé en 1872-1873, le jardin des Prébendes d'Oé (sa page Wikipedia), ici au début du XXIème siècle

    Des Prébendes vers le Cher

    "1872-1873, la création du jardin des Prébendes d'Oé entraîne le busage d'un tronçon du ruisseau, mais ses eaux sont partiellement détournées pour alimenter les pièces d'eau du jardin ; ce dispositif ne dure pas en raison des plaintes pour insalubrité de la part des riverains. Après l'assèchement et le comblement du ruau Sainte-Anne au milieu du XIXe siècle, les eaux du ruisseau de l'Archevêque sont dirigées vers le sud et le Cher, en empruntant l'itinéraire du boulevard Tonnellé moderne. Par tronçons successifs, le ruisseau est progressivement busé à partir de 1880". Texte Wikipédia d'après Jean-Mary Couderc, "La Touraine insolite" 2, pages 72-76, C.L.D. 1990, où il est écrit :

    "Avant la création des Prébendes en 1867, le ruisseau formait un véritable marais de plusieurs centaines de mètres de large. D'ailleurs la rue Lakanal s'appelait auparavant la rue du Vivier. Il continuait au nord de la rue de la Californie et parallèlement à elle et rencontrait le ruisseau de ceinture [de la Dolve] à l'intersection de la rue Plailly et de la rue d'Entraigues. Dans le coude de la rue François Richer, adossée au mur du parc à fourrage de l'armée, on peut voir la vieille vanne que l'on fermait en cas de crue du Cher pour éviter qu'il ne remonte dans le collecteur.

    Les eaux sont maintenant relevées par la station de Saint-François. Il se jetait ensuite dans le ruau Sainte-Anne mais, après le comblement de 1774
    [terminé vers 1830], il a été détourné vers le sud ; de nos jours, il passe sous le boulevard Tonnelé ["ruisseau de l'hospice", voir ci-avant la carte 1870 Ouest]. En août 1990, le dernier trajet aérien, depuis la vanne de Saint François jusqu'au Cher, vient d'être recouvert pour atténuer les odeurs de la fraction non traitée des eaux résiduaires de l'agglomération qu'il emprunte."










    En 1880, du côté de Saint-Pierre-des-Corps. Ci-dessous, au XXIème siècle, après que l'autoroute A 10 ait remplacé le canal, le
    syphon, aussi appelé tourelle, est toujours en place au bord de la "digue du canal". (au fond la rue Zamenhof passe sous l'autoroute).



    Tracé approximatif du ruisseau dans le quartier de la Fuye sur le cadastre du XXIème siècle..
    Entre les rues Deslandes et de la Fuye, on constate que la découpe des terrains, en fin du XIXème siècle,
    permettait à un maximum de familles d'atteindre le ruisseau, sans sortir de chez elles.


    Sur cet assemblage de photos aériennes de 1955, le tracé se devine, dans les jardins, bien que le ruisseau soit entièrement enterré.


    En 1895, une blanchisserie familiale est installée au 61 rue Deslandes. Autour du bébé, sa mère (au centre, la patronne), ses grands-parents maternels, une arrière grand-mère et trois employées de maison. Dans ce quartier de cheminots, le père travaille pour la compagnie Paris-Orléans. Cette maison sera détruite par les bombardements de 1944.








  9. Des photos du ruisseau à la fin du XIXème siècle

    Le livre "Tours pittoresque", de Prosper Suzanne (1847-1913) (préface de Georges Courteline, photos de Mantelier & Lefèvre), publié en 1899, décrit, en quelques pages, le cours d'eau serpentant dans la "plaine de la Fuye" (avec sa ferme), présentant quelques photos et ce texte :



    Le ruisseau de l'Archevêque cotoie les étangs nombreux de la Bonde, serpente un moment dans la prairie du Cher, passe sous le canal, débouche au-delà des talus dans la plaine de la Fuye, et commence à se troubler à mesure qu'il prend contact avec la grande ville. Ses eaux deviennent alors savonneuses et grasses, et se moirent de plaques sombres qui tournoient à tous les ressauts.

    Des roseaux maladifs, une parodie de végétation aquatique, traversent de feuilles boueuses l'épaisseur sombre du ruisseau.

    Le soir, des familles viennent prendre le frais et respirer son odeur fade, auprès des ponts rustiques que l'économie des riverains a construits avec des débris de charpentes, de planches et de treillages.

    Autrefois les habitants voisins tendaient des filets aux poissons qui, venant du Cher, s'aventuraient jusqu'à ce point où l'eau se change en cloaque. Aujourd'hui la machine élevatoire a privé les propriétaires de leur plaisir favori. Le ruisseau traverse ainsi toute la ville et ne se repose un peu de ses souillures qu'au delà de l'hôpital de Tours.










  10. Au début du XXème siècle, les inondations et le comblement


    Vers 1910 (présence de l'église du Sacré-Coeur) (Archives municipales Saint-Eloi). A l'ouest des voies
    ferrées, jusqu'au jardin des Prébendes d'Oé, le tracé est en pointillé, pour indiquer que le ruisseau est souterrain.
    Dans le quartier de la Fuye, il ne sera complètement enterré que dans les années 1950.






    1910, le quartier de la Fuye est inondé, ici rue Deslandes, près du passage du ruisseau.









    CM = Conseil Municipal, P. O. = Chemins de fer Paris-Orléans (Association sur l'histoire de Saint-Pierre-des-Corps, 2020)


    1936 (Archives mun. Saint-Eloi). Le ruisseau dans le quartier de la Fuye. Il n'est plus tracé quand il arrive sur les voies ferrées.
    La rue de la Fuye est encore orthographiée "Fuie", les rues des Rotondes et de Paris sont devenues du Dr Fournier et Edouard
    Vaillant. La rue Couvrat-Desvergnes ne rejoint pas encore la rue de la Tour d'Auvergne, bloquée par le ruisseau.





    En 1936, autre carte (Archives mun. Saint-Eloi). Le ruisseau est représenté dans ses partie à l'air libre, en bleu foncé continu, et en bleu pointillé pour sa partie enterrée (à peine visible, même en agrandissant). On le voit partir de Saint-Pierre-des-Corps. Il traverse à l'air libre (en grande partie, il est enterré sous les rues) le quartier de la Fuye. Il devient souterrain pour passer sous les voies de chemin de fer, passe au sud du jardin des Prébendes d'Oe, et revient à l'air libre avant d'arriver à La Riche ("octroi St François"), et de tourner vers le Cher, reprenant le tracé du ruau Sainte-Anne. Jusqu'au bout, il est désigné "ruisseau de l'Archevêque".


    Années 1933/1939. Travaux d'assèchement du ruisseau (cliché archives municipales de Tours, lieu non précisé)



  11. Les bombardements de 1944, le ruisseau explosé

    Situé entre les voies de la gare de Tours et les ateliers SNCF de Saint-Pierre-des-Corps (à l'est du canal), le quartier de la Fuye est particulièrement touché par les bombardements alliés de 1944.


    L'impact des bombes entre la rue Deslandes et la rue Edouard Vaillant (Archives mun. Saint-Eloi, ci-dessous aussi).
    En rouge foncé le 11 avril 1944, en rouge clair le 20 mai 1944, sinon à une autre date.


    Les canalisations d'eau potable détruites sont en bleu, les canalisations ou cours d'eau non potables détruits sont en rouge.
    Le ruisseau de l'Archevêché est en rouge sur toute la longueur de son parcours dans le quartier de la Fuye.


    Le ruisseau de l'Archevêché passe sous l'immeuble complètement rasé du 137 rue de la Fuye. La rue de la Tour
    d'Auvergne est en arrière plan. (photo "Tours sous les bombes", Jonathan Largeaud, Geste Editions 2010, page 345)


    La rue Parmentier s'est d'abord appelée rue de la Grenouillère, quand les grenouilles pateaugeaient dans le ruissseau...
    Deux autres illustrations du livre de Jonathan Largeaud, en suivant le tracé du ruisseau de l'Archevêché.
    Celui-ci traversait les voies ferrées en longeant la passerelle Fournier puis continuait en logeant la rue Parmentier.

    "Dans tout ce secteur, le ruisseau coulait largement à l'air libre, d'autant qu'une bombe avait éventré un passage en tunnel à l'Est de la rue de la Fuye. Dans tout le quartier on souffrait des moustiques, et il y avait encore, entre la rue Jolivet et le canal, le séchoir en bois d'une des deux laveries qui en utilisaient l'eau avant guerre. Des ménagères y venaient toujours laver." (Jean-Mary Couderc, "La Touraine insolite" 2ème série, C.L.D. 1990, page 74).

    Les terribles bombardements alliés de 1944 ont effectivement fait de gros dégâts dans le quartier Velpeau. Il y a lieu de craindre l'état actuel de la canalisation, après une reconstruction qui s'est faite à la hâte, dans de mauvaises conditions.



  12. A la fin du XXème siècle, l'oubli puis l'ignorance

    Pierre Audin, dans son dossier sur "La varenne de Tours", en 2013 : "En septembre 1953, à la suite de pluies diluviennes, le ruisseau est sorti de son tunnel, inondant les caves des rues de La Tour-d’Auvergne, de La Fuye et de Jolivet. Sa canalisation n’a été terminée ici qu’en 1960, et les parties les plus anciennes, en mauvais état, ont été refaites à plusieurs reprises". Connaît-on l'état actuel de ces canalisations ? Quand a eu lieu la dernière inspection ? Dans quelle mesure une inspection est-elle possible ? On apprend dans ce document que le ruau était "largement recouvert par une voûte de briques". Il semble que l'on ne connaisse pas partout son tracé.


    Le passage du ruisseau dans la ville de Tours peut se deviner à certains endroits (photo de 2025).
    Ainsi, entre les numéros 137 bis et 139 de la rue de la Fuye, il passe sous ce garage à toit bas, construit vers 1960,






    En 1993 a été construit un très grand bassin de rétention de 16.000 m3 (l'équivalent de 13 étages en profondeur) derrière le 45 rue de la Tour d'Auvergne. Le ruisseau de l'Archevêché n'est pas seul en cause dans les raisons qui ont mené à la construction de ce bassin, car cette zone du quartier Velpeau est en contrebas et reçoit les eaux des environs. Le maire de Tours, Jean Royer, avait alors insisté sur le fait que ce bassin résoudrait la plupart des problèmes d'inondation des caves du quartier (on sait que ce n'est pas cas en quelques points bas, notamment avec l'inondation en juin 2018 au 139 rue de la Fuye, à côté du ruisseau) mais qu'il serait sans effet lors de très forts épisodes orageux répétés. Voici une photo de ce réservoir, vu de dessus (sous le parking), avec son local technique à gauche :




    Le chantier était comparable à celui d'un bassin situé à Deuil-la-Barre dans le Val d'Oise en 2023 (article), d'une contenance
    de 15.000 m3, d'une profondeur plus importante de 50 m (et donc d'une surface au sol moins étendue).







    L'article ci-dessus de la NR du 19 mai 1999 revêt une importance particulière car il indique que, avant cette date et probablement jusqu'au PPRI (Plan de Protection des Risques d'Inondation) de 2001, la présence du ruisseau de l'Archevêché ou de la Dolve devait être signalée sur les permis de construire d'un terrain situé sur leur parcours. Le PPRI de 2021 était particulièrement négligent en ce qui concerne les risques d'inondation. Le risque était "faible" dans le quartier de la Fuye. Il est devenu "très fort" au PPRI de 2013. Cependant l'obligation de signaler les cours d'eau souterrains dans les permis de construire n'a pas été réintroduite.

    On remarque que, dans cette article, le ruisseau est appelé "de l'Archevêché" et non "de l'Archevêque".

    D'après l'article de Wikipédia : "Depuis le XXème siècle, le ruisseau de l'Archevêque est relié au réseau de collecte des eaux pluviales et les propriétaires des parcelles traversées ont interdiction de le couper. Il est intégralement souterrain, et plusieurs de ses tronçons ont été comblés, mais il subsiste encore entre l'avenue de Grammont et la rue George-Sand ainsi qu'à son débouché dans le Cher, là où le dernier secteur à l'air libre, entre Saint-François et le Cher, a été couvert en 1990".





  13. Au XXIème siècle, le déni de l'existence et la tromperie sur le tracé

    Commençons par cette annecdote significative :

    Inondations du XXIème siècle - Quand l'immeuble voisin est inondé
    En 2009, les propriétaires de l'immeuble situé au 139 rue de la Fuye, situé sur le bord du ruisseau de l'Archevêché, ont entrepris d'aménager des appartements en sous-sol, sans déposer de demande de permis de construire. Après plusieurs interventions d'un riverain, la mairie a in extremis décidé d'interdire l'habitation de ces lieux, déjà meublés et prêts à être loués.
    Un an plus tard, le 12 septembre 2010, ce même riverain a envoyé un courrier à l'adjoint à l'urbanisme de la ville de Tours dans lequel il écrit : "Suite à votre courrier du 8 décembre 2009, en réponse au mien du 29 octobre 2009, je vous signale que mes craintes d'inondation des appartements en sous-sol de la maison sise au 139 rue de la Fuye étaient justifiées. En effet, suite aux fortes pluies de mercredi dernier 8 septembre, ces appartements ont été victimes d'une invasion des eaux d'une hauteur que je ne connais pas, mais qui devait être importante puisqu'elle a amené environ 5 cm de boue, d'après une habitante de l'immeuble".
    Depuis il y a eu au moins deux autres inondations du même type (une le 11 juin 2018). Ce sous-sol est pourtant rehaussé (comme presque toutes les maisons du quartier), car il faut monter huit marches pour atteindre le rez-de-chaussée (quatre externes et quatre internes) (photo ci-contre).

    Lorsque de telles inondations se produisent, les employés de la mairie de Tours qui interviennent estiment que c'est la canalisation des eaux pluviales qui n'a pas pu fournir, sans se rendre compte que c'est le ruisseau qui passe dans ces canalisations. C'est donc bien le ruisseau de l'Archevêché qui déborde, comme cela s'était fait, par exemple, en 1910 (chapitre 10).

    Un peu après avoir longé cet immeuble du 139 rue de la Fuye, le ruisseau de l'Archevêché traverse un terrain positionné au 31-33 rue du docteur Fournier (en jaune sur le schéma ci-dessous), qui fait l'objet d'une opération immobilière initiée par le dépôt d'un permis de construire en décembre 2012 (page voisine).


    A gauche, extrait d'une carte de Tours du début du XXème siècle, avant que les reconstructions d'après bombardements reconfigurent le bâti : le ruisseau (en bleu) traverse le terrain du promoteur (en orange) en son milieu. A droite, photo aérienne de janvier 1955. Le quartier est alors dévasté par les bombardements de 1944, les décombres sont dégagés, le ruisseau est enterré, les nouveaux bâtiments ne sont pas encore construits. On devine la dépression par où passe le ruisseau. Liens : carte photographique (montrée au chapitre 8) de la rue Edouard Vaillant à gauche en bas à la rue Deslandes à droite, la même avec indication du ruisseau.


    Comme indiqué en fin de chapitre précédent, le PPRI de 2001 avait jugé faibles les risques d'inondation. A partir de 2010, ces risques ont été progressivement élevés jusqu'au devenir très forts. Effectivement, en cet endroit, l'un des plus bas de Tours par rapport au niveau de la Loire, la submersion des eaux en 1856 avait dépassé les 4 mètres. Au printemps 2012, la cote des plus hautes connues a été rehaussée de 30 cm, passant à 50,80 mètres. Les instructions préfectorales étaient catégoriques : les nouvelles règles de sécurité devaient être appliquées immédiatement, sans attendre le futur PPRI de 2013. Malgré cela, avec l'appui de la mairie, le projet s'est appuyé sur le PPRI de 2001, en ignorant les nouvelles dispositions (prises en compte pourtant par la mairie en 2011 dans le quartier des casernes Beaumont-Chauveau présenté au chapitre suivant).


    En fond de terrain (à gauche), le projet prévoyait la construction de trois maisons, alors que la hauteur des plus hautes eaux connues, même à 50,50 m ne le permettait pas, car il y eut tricherie dans les cotes. De plus le PPRI de 2001 limitait les remblais à 400 m3 et celui de 2013 les a interdit. Or plus de 1.000 m3 de remblais ont été utilisés.


    Le site Géoportail permet d'obtenir ce profil altimétrique qui montre l'importance du dénivelé du ruisseau. On voit à quel point la rue (ici à gauche) est plus haute que le fond de terrain (à droite du centre). On comprend alors pourquoi le promoteur a voulu déplacer ses maisons, en les construisant en partie chez le voisin, afin de les rehausser. On devine également le très important volume de remblais nécessaire pour combler ce creux.

    En 2017, protestation des habitants du voisinage contre les dangers du projet.

    Malgré les recours d'habitants et de l'association AQUAVIT, malgré les dénonciations de fraude par trois associations environnementales, la construction a été réalisée en 2018, avec l'appui de la mairie et de la préfecture, alors que le projet était soumis au PPRI de 2013 (par la "Loi sur l'eau"). Une plainte a été déposée en 2019, par l'auteur de ce dossier, afin d'obtenir la démolition des trois maisons situées en fond de terrain et la suppression des remblais, afin que ce terrain redevienne un jardin permettant à nouveau l'absorption des eaux de pluie, en réduisant les risques d'inondation pour le voisinage. Son instruction est très longue, avec, en l'état actuel de fin 2025, une expertise faussée, un non lieu rejeté en appel et la succession de quatre juges d'instruction (lien).

    Construire des maisons de plain-pied au bord du ruisseau enterré de l'Archevêché. Cela ne s'était jamais fait dans le quartier Velpeau-La Fuye, très vulnérable, l'histoire en fait foi. C'est très tardivement, dans la seconde moitié du XIXème siècle, que l'on a commencé à construire dans cette "varenne de Tours", en y surélevant les rues par d'importants remblais, afin de protéger les maisons, lesquelles avaient leur rez-de-chaussée surélevé de plusieurs marches. Personne n'aurait alors eu l'idée de construire dans le creux des coeurs d'îlots sans une très forte élévation.

    Le creusement en 1993 d'un énorme bassin de rétention de 16.000 m3 a diminué la fréquence des inondations et a effacé de la mémoire des promoteurs et des responsables territoriaux ce danger potentiel que le dérèglement climatique rappelle pourtant ailleurs : un ruisseau qui en des conditions météorologiques exceptionnelles se réveille et déborde. Le ridicule bassin de rétention de 20 m3 ne serait bien sûr d'aucune utilité en un tel cas et les 1000 m3 de remblais en très grande partie artificialisés par du béton et du bitume provoqueraient des dégâts autour pour tout ce qui est bas : les caves, garages et rez-de-chaussée trop bas.

    Il apparaît que, dans le voisinage de ce projet, la canalisation du ruisseau présente des fuites qui rend la terre meuble (ce n'est pas étonnnant, avec les bombardements de 1944). C'est ainsi qu'au niveau de l'impasse Didier (juste en aval du lieu), il avait été nécessaire de placer une maison sur des pilotis enfoncés de 7,50 m. Ici la zone est en sur-aléa d'inondation, "Zone de Dissipation d'Energie" dans le PPRI de 2016 : il y a mise en danger. C'est confirmé dans un article de 2018 d'un "bonimenteur de Loire", connaissant bien le fleuve et traitant de la dangerosité des cours d'eau enterrés dans le lit de la Loire. C'est également confirmé dans le document officiel qui suit :

    2016, le retour des ruisseaux enterrés à Tours
    Après avoir été ignorés du PPRI de 2001 au PPRI de juin 2016, les ruisseaux enterrés de Tours réapparaissent en force dans un document de septembre 2016, préparatoire à la SLGRI (Stratégie Locale de Gestion du Risque d'Inondation). Sous le titre "Mieux gérer les points bas" (on est en plein dans le sujet !), on y lit (les soulignements sont ajoutés) :
    "Le réseau hydrographique de surface (ruisseaux, talwegs, fossés, etc.) contribue pour beaucoup à la capacité d’écoulement dans le val. Ils ont un rôle fondamental à jouer dans le ressuyage des terres après la crue et l'accélération du retour à la normale par la vidange du val. Ce réseau est aujourd’hui mal connu et probablement en partie délaissé. Les chemins principaux d’écoulement sont à identifier, maintenir en état voire à restaurer. En particulier, la prise en charge partagée et solidaire à l'échelle du val de l'entretien des fossés est à envisager compte-tenu de l'importance de ces ouvrages dans le dispositif global. De même, la connaissance des réseaux anciens, devenus souterrains, comme le ruisseau de l’archevêché, qui participent à la gestion des eaux pluviales, doit être pérennisée, tant pour les collectivités que pour la population.".

    Enfin, on a la très grande surprise de découvrir une carte du réseau hydrographique, selon la base de données "Carthage", qui présente les tracés de ce qui est légendé "Cours d'eau intermittents", à savoir les ruisseaux de l'Archevêché et de la Dolve, non nommés. C'est la première fois que ces cours d'eau souterrains sont qualifiés d'"intermittents", en contradiction avec tous les documents existants, y compris compris un article de la NR de janvier 2016 et le document cadre de la SLGRI de septembre 2016 présenté ci-dessus. En plus ce tracé du russedau de l'Archevêché est faux : ils passe en dehors du terrain du promoteur, indiqué ci-dessous en rouge.


    Selon "Carthage", le tracé du ruisseau de l'Archevêché serait rectiligne de l'autoroute, ex canal, aux lignes de chemin de fer !
    Il suit la rue de la Tour d'Auvergne pour rencontrer l'autoroute en un point X (orange).
    Ci-dessous, en bleu clair le tracé "Carthage", en bleu foncé le tracé réel. Les points A, B, C (syphon) sont des passages avérés.

    Ce plan est donc complètement faux en ce qui concerne la traversée du quartier de la Fuye par le ruisseau de l'Archevêché. Après avoir nié l'existence du ruisseau, le promoteur du 31 rue du Dr Fournier a ainsi faire croire à la préfecture (dans son dossier "Loi sur l'eau") que le cours d'eau ne traversait pas son terrain. La société Thema, basée à Chambray-lès-Tours, habituée à travailler avec la mairie de Tours, qui a présenté cette carte du "réseau hydrographique" dans le dossier "Loi sur l'Eau" de 2018 pour le projet du 31 rue du Dr Fournier. Elle s'est appuyée sur une carte informatisée de la base de données "Carthage". Avec de telles erreurs, cette étude n'a aucune valeur. C'est ce qui a été signalé à la préfète, en lui demandant de retirer l'autorisation qu'elle avait accordée à ce projet en juin 2018. Elle a rejeté la requête.

    Cette carte, révélée en 2018 par un concours de circonstances, a joué un rôle très important en 2016 dans la déclassification de la digue du canal et dans le PPRI. En effet, comme le détaille une étude de l'association Aquavit, c'est sur la foi de cette même base de données Carthage que la digue du Canal a été déclarée fragile, à cause de son point de plus grande faiblesse appelé "brèche de la Tour d'Auvergne", correspondant au point X orange de la carte ci-dessus :


    C'est donc en se basant sur la cartographie "Carthage" erronée que la digue du canal a été déclassée et que le PPRI de 2016 a été établi. Heureusement, l'association Aquavit est parvenue, devant le tribunal administratif d'Orléans, à empêcher la destruction de la digue, au moins provisoirement. Cela montre à quel point les autorités de cette ville refusent de dialoguer avec les associations et les citoyens... lesquels connaissent mieux la géographie des lieux qu'un cabinet d'étude, parce que, eux ou leurs parents, ont connu ce ruisseau à l'air libre.



  14. Au XXIème siècle, un début de reconnaissance

    En mai 2011, dans le cadre de la rénovation du quartier des casernes Beaumont-Chauveau (à l'ouest des Prébendes, au niveau de l'ancienne abbaye de Beaumont), une étude d'impact présentait trois projets, numérotés A, B, C. Le projet A, qui n'a pas été retenu, prévoyait de remettre à l'air libre le ruisseau de l'Archevêché. Voici comment cela était présenté :


    Il est aussi indiqué que :
    Les collecteurs d’eaux pluviales sont généralement en béton ou en PVC. Cependant, les collecteurs principaux en centre-ville sont des dalots (ou galeries maçonnées) qui ont été construits, pour les plus anciens, vers 1870. Ainsi, une galerie maçonnée dite « Ruisseau de l’Archevêché » longe la limite nord de la caserne Chauveau (près de la rue F. Richer). Il s’agit d’un demi-cylindre de l’ordre de 2,2 m de hauteur et de 2,8 m de largeur en base. Les eaux s’écoulent d’est en ouest et il est probable que l’ouvrage soit en relation avec le Cher (présence de poissons notamment). L’ouvrage peut être totalement en charge (saturé) lors de fortes pluies. La visite effectuée en mars 2011 par le cabinet GINGER – CEBTP révèle un ouvrage globalement stable avec toutefois quelques pierres déchaussées et des joints dégradés.

    Dans cette étude d'impact, le ruisseau est nommé "de l'Archevêché" et non "de l'Archevêque". Cette dénomination était aussi employé au-delà des Prébendes. De la Fuye aux casernes, la dénomination populaire du ruisseau était donc bien "de l'Archevêché" et non "de l'Archevêque", d'où le titre du présent dossier.

    En 2011, sur Saint-Pierre-des-Corps, un projet des architectes urbanistes Roland Castro et Sophie Denissof prévoyait un traitement paysager "valorisé par des cours d'eau, avec la mise à jour du ruisseau de l'Archevêque encore aujourd'hui souterrain et avec la valorisation du Filet longeant l'avenue Jacques Duclos", selon le plan ci-dessous. (Saint-Pierre-des-Corps, cité des temps industriels, 2024)


    En bas à droite, le filet. En diagonale le ruisseau de l'Archevêché. A gauche l'autoroute A10.
    En haut à gauche, les voies de chemin de fer.



    Ces deux projets sont restés sans suite, mais l'idée de remettre le ruisseau souterrain à l'air libre persiste,comme le montre le document qui suit, en anglais (traduction DeepL).

    Il s'agit d'un article publié en 2022 et intitulé "Back to the surface – Daylighting urban streams in a Global North–South comparison", "Retour à la surface – Exposition à la lumière du jour des cours d'eau urbains : comparaison entre le Nord et le Sud". il aborde la potentielle remise à l'air libre du ruisseau de l'Archevêché, voire du ruisseau de la Dolve. Parmi les 9 chercheurs ayant réalisé cette étude, 5 sont rattachés à la "School of Environmental Management, PolyTech Tours and Interdisciplinary Research Center for Cities, Territories, Environment and Society (CNRS UMR 7324 CITERES), University of Tours, Tours, France". Une traduction du texte d'accompagnement, sert de conclusion à la présente étude.


    Sur la commune de Tours, en bleu les cours d'eau à l'air libre, en rouge, les cours d'eau enterrés.

    Etude de cas : redécouverte de cours d'eau disparus à Tours, en France

    En combinant d'anciennes cartes et des documents historiques, nous avons pu identifier l'emplacement et l'évolution historique de trois cours d'eau urbains dans la ville de Tours (135 000 habitants) qui ont été comblés ou enterrés au milieu du XIXe siècle. Le centre-ville est une ancienne plaine inondable interfluviale délimitée par la Loire au nord et le Cher au sud (Maillard, 2003). Depuis le Moyen Âge, plusieurs cours d'eau traversant la ville et se jetant dans l'une ou l'autre de ces rivières (Plan Local d'Urbanisme, 2019) étaient utilisés comme système d'égouts superficiel. Sous Louis XI (∼1461-1483), l'un d'entre eux, le ruisseau Sainte-Anne, a été élargi pour former un canal de 35 à 40 m de large qui a longtemps relié la Loire et le Cher (figure 16). Il servait de raccourci pour la navigation afin d'éviter le passage difficile à travers les nombreux confluents peu profonds des deux fleuves en aval de Tours. Lors de la fixation des quais de Tours de 1774 à 1777, l'ouverture du canal vers la Loire a été fermée afin de réduire les risques d'inondation. Après la construction d'une digue le long de la Loire en 1813, le passage pour l'évacuation des eaux usées a été rouvert, mais le canal est devenu insalubre et a finalement été complètement comblé en 1846 (Audin, 2013). Aujourd'hui, son ancien lit forme l'alignement d'une avenue.



    Deux autres cours d'eau qui existaient auparavant dans la ville [le ruisseau de Dolve et le ruisseau de l'Archevêque] coulent aujourd'hui sous terre, enfouis dans des canalisations, mais leur emplacement et leur cours ont pu être reconstitués à partir d'anciennes cartes et peintures. À l'origine, les deux ruisseaux coulaient en parallèle, traversant la ville d'est en ouest, puis se rejoignaient avant de se jeter dans le canal Sainte-Anne (Audin, 2013).

    Le ruisseau de Dolve était déjà utilisé comme décharge en 1597. En raison de sa faible vitesse d'écoulement, il s'est progressivement ensablé et a régulièrement inondé ses berges. En 1840, des mesures ont été prises pour paver le lit de la rivière avec des pierres afin d'éviter les inondations, mais cela a échoué. Parallèlement, la municipalité a autorisé les habitants à recouvrir à leurs frais le ruisseau qui coulait à côté de leurs maisons. En 1880, le conseil municipal a décidé de recouvrir les 1 300 m du ruisseau Dolve. Le ruisseau a été canalisé par un tuyau de 1,5 m de large et 1,8 m de haut. Les dépôts de sable épais et les couches de limon (jusqu'à 1 m) rendent nécessaire un dragage régulier. Une partie de la trace historique du ruisseau Dolve est aujourd'hui rappelée par le nom de la rue, Rue de la Dolve (Audin, 2013).

    Le ruisseau de l'Archevêque servait à l'origine à alimenter les habitants en eau potable. En 1872, il a été partiellement comblé et la zone humide qui en a résulté a été transformée en un parc public, le « Parque des Prébendes d'Oé », avec un petit lagon qui existe encore aujourd'hui. Après 1880, le ruisseau a été partiellement recouvert d'une voûte en briques et, en 1940, il était encore visible dans certaines rues (Audin, 2013). Les sections restantes ont ensuite servi d'égout à ciel ouvert, qui devait être régulièrement nettoyé et entretenu, et dégageait une odeur nauséabonde, ce dont se plaignaient les habitants (Basset, 2011). Cela a conduit à un recouvrement progressif du ruisseau avec du béton, qui s'est achevé dans les années 1960. Seuls les citoyens les plus âgés s'en souviennent aujourd'hui. Après l'assèchement du canal Sainte-Anne, les deux cours d'eau ont été détournés vers le sud, vers la rivière Cher. La sortie du ponceau en béton construite en 1990 est aujourd'hui le seul vestige visible de ces cours d'eau. Ainsi, la recherche des ouvertures des ponceaux ou l'analyse des modèles numériques d'élévation peuvent fournir les premiers indices pour commencer les analyses historiques à la recherche des cours d'eau disparus. Récemment, le tracé des anciens cours d'eau a été réidentifié et intégré dans un concept de « tourisme historique vivant », c'est-à-dire que les personnes intéressées peuvent suivre le tracé des cours d'eau à vélo et s'informer sur les événements passés, la culture et l'architecture grâce à un guide. Cette lutte contre l'oubli pourrait devenir le point de départ d'un projet de restauration à l'avenir.

    Ainsi, paradoxalement, l'ignorance des habitants et le déni des promoteurs, de la mairie et de l'Etat (la préfecture a refusé d'appliquer la "Loi sur l'eau" en 2018) côtoient ce début de reconnaissance par quelques urbanistes, universitaires, associations et lanceurs d'alerte. Cette lutte contre l'oubli pourrait effectivement devenir le point de départ d'un projet de restauration à l'avenir et permettre une meilleure prise en compte de la sécurité des habitants contre les risques d'inondation.





















1699, le ruissseau de l'Archevêché passe devant l'abbaye de Beaumont-lès-Tours, avant de rejoindre le ruau Sainte-Anne
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