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Le présent site sur le tramway et les arbres a été bâti sur un constat environnemental précis. Puis le sujet du tram a été élargi avec la présentation de dépositions à la commission d'enquête, toutes très argumentées, dressant un tableau sévère et cohérent. Cette cohérence et cette force, qui d'un point de vue politique, ici accessoire, balaye un éventail allant de la droite plutôt centriste à des écologistes de très longue date, sont à la fois très négatives pour le présent projet et très positives pour celui qui pourrait venir derrière.
Je vais employer un ton léger, sarcastique, parfois provocateur et toujours caricatural pour mieux révéler combien cette première ligne de tramway de l'agglomération de Tours se met en place dans un fatras d'opacité, d'incohérence, de bling-bling, de mépris et de méthode Coué, sur des bases mal définies.
Au delà du tramway, puisse la sévérité de ces constats inciter à des méthodes plus positives, permettant de rétablir une éthique trop malmenée.
A Tours un projet de tramway tiré à hue et à dia
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La charrue avant les boeufs
A quoi sert un tramway ? A suivre la mode... C'est la seule réponse plausible quand on pense à ses bases absentes, qui devraient être établies dans des études préparatoires, le Schéma de cohérence territoriale (SCOT), le Plan local d’urbanisme (PLU), le Plan de déplacement Urbain (PDU), qui n'existent pas ou sont trop ancien (2003 le PDU). Ces études n'ont pas permis de définir les objectifs. Est-ce pour mieux se déplacer dans la ville de Tours ou dans le département ? Selon quelles priorités ? Heu... Peu importe, on fait le tram, puis après on adaptera ces documents... Drôle de façon de réfléchir en mettant la charrue devant les boeufs... Mais ces absences administratives et juridiques ne visent-elles pas à favoriser des intérêts privés, comme ceux de quelques groupes immobiliers ?
Pas de soucis, c'est gratuit
Chacun se doute qu'un tramway coûte cher. Avant que le projet ne soit engagé, des habitants se sont inquiétés auprès du maire du poids sur leurs impôts. Meuh non, leur a répondu l'auguste élu, vous ne paierez pas, ce sont les entreprises qui paieront avec leurs taxes pour les transports. Le citoyen, ébaudi, comprenait que c'était gratuit pour lui... Et voilà que maintenant, il se rend compte que sa ville paye pour les importants travaux de dévoiement des réseaux, qu'elle paye une importante part pour la communauté de communes Tours Plus et que ce n'est pas fini.... Le prochain rapport de la chambre régionale des comptes risque d’être pire que le précédent, déjà très accusateur (cf. ici page 4 de la Tribune de Tours du 15/7/2010).
Concertation pour du beurre
Le référendum pour définir quel sera l'esthétique du nez du tramway peut être considéré comme la seule concertation avec la population. Et encore, c'est a minima, plutôt une consultation, puisqu’elle consistait en un choix entre trois propositions. C'est révélateur du peu de cas qui est fait de l'avis des habitants. Certes, il y eut des réunions publiques, très orientées : au mieux de la consultation. Les organes de démocratie participatives, Conseils de la Vie Locale, n'ont pas été mis à contribution par des "groupes de travail" seuls susceptibles d'établir un véritable dialogue constructif. La mairie a décidé toute seule dans son coin des orientations. Comment se fait-il que ce maire autocrate, Jean Germain de son nom, ait soutenu en 2007 Ségolène Royal, chantre de la démocratie participative ?
Consultations à oeillères
Exemples de l'orientation des réunions publiques. Il y est dit que le tram est formidable, qu'il va permettre de planter 1400 arbres. Il n'est pas dit qu'ils seront surtout plantés à l'extérieur de la ville, il n'est pas dit qu'à 30 mètres de cette réunion en centre-ville 160 arbres seront abattus. Il n'y ait pas développé que 2 semaines plus tard va se dérouler une enquête publique et qu'elle sert à améliorer le projet. Rien non plus sur les ronds-points qui vont disparaître à côté, pour une obscure raison. Tout va très bien, chers concitoyens, on a tout pensé pour vous, voici quelques infos choisies en pâture, passez votre chemin...
Ecoblanchiment à tout va
Notre maire est un as du développement durable. C'est joli dans les discours, écoquartier par ci, normes HQE par là. Et d'accueillir un salon du développement durable et de caresser les Verts (qui se sont délavés dans la majorité municipale), les cyclistes et les amoureux de la nature, lui qui abat un bel arbre parce que ses fruits sont trop puants pour les touristes. Car au delà des déclarations ronflantes, la trame verte qu'il a promis de développer ne fait que se rétrécir en centre-ville. Le tram devait mener une conquête ou reconquête du végétal, en un "quatrième paysage" se déroulant à travers la ville, rien que ça ! Or, dans la moitié centrale du parcours, 510 arbres doivent être abattus, 370 replantés. C'est une grande occasion de développer la trame verte qui s'éloigne pour très longtemps, alors qu'elle est inscrite dans le PADD Plan d'Aménagement et de Développement Durable. Une fois plus, c'était pour faire joli...
Un maître d'oeuvre sacrément réac
Le maire n'est pas seul responsable, ceux qui l'entourent aussi, notamment le maître d'oeuvre Cité Tram mandataire du SITCAT (Syndicat Intercommunal des Transports en Commun de l'Agglomération de Tours, dirigé par le maire de Tours, qui préside aussi l'agglo Tours Plus). Il s'est montré complètement incapable de suivre les bonnes résolutions environnementales de l'étude préliminaire. La culture technicienne anti-environnementale en place depuis des dizaines d'années a repris le dessus. Sa méthode : le tram passe là, bon alors on y va, on refait tout ; ah il y a des arbres abattus, tant pis. Alors que l'étude préliminaire disait qu'il fallait s'intégrer dans la continuité de la trame végétale actuelle, ce qui aurait permis une tout autre méthode : étudions les lieux ; là, il y a des arbres ; définissons le tracé en conséquence. C'est ainsi que 374 arbres (sur les 510) sont abattus pour rien dans la moitié centrale du parcours.
Des conseillers municipaux lavettes
Donc le maire fanfaronne, le maître d'oeuvre dégrade le projet, mais il y a des recours. Sans aller jusqu'à l'enquête publique, les conseillers municipaux sont là pour réceptionner, contrôler, discuter. Pas à Tours. Ici, ils ne sont que des béni-oui-oui, parce que le maître d'oeuvre est formidable, parce que le maître tout court l'est aussi. Ils ne sont là que pour se serrer les coudes et convaincre la population à grands coups de méthode Coué. Ils ne se sont donc pas plongés dans les dossiers et ils en ont pris connaissance au fur et à mesure des critiques qui, c'est bizarre, sont arrivées bien plus nombreuses que prévues. Ah oui, tiens, on abat 160 arbres, comme c'est étrange. Et puis là 20 platanes devant l'hôtel de ville, tiens... Ah, mais ne vous en faites pas, cher ami, les services techniques ont étudié ça de très près et s'ils en arrivent là, c'est qu'ils ne peuvent pas faire autrement, soyez en sûr, puisque je vous le dis... Comment alors, face à autant de dévouement, ne pas attribuer collectivement à nos conseillers une "Laisse d’or" ? A moins justement que ceux-ci ne soient en concurrence pour la première place avec notre fameux quotidien régional ?
Un quotidien valet de la mairie
Un bon valet est un domestique à qui l'on ne donne pas d'ordres mais qui les devance. Il sait qu'il faut accepter quelques concessions, laisser parler les critiques, mais en les triant, en les positionnant dans le temps (attendre plusieurs semaines pour informer de la suppression de 160 arbres en centre-ville, de l'arrêt de travaux par le préfet...), en sachant les présenter et surtout en les écrasant par les idées lumineuses du Maître. Sans mener d'investigation, sans réfléchir par eux-mêmes, les journalistes relayent les infos de la mairie en les prenant pour argent comptant ("concertation exemplaire", "volet environnemental exemplaire"...). Avec de temps en temps un bon gros dossier, de 2 pages, voire 20 pages (mais qui donc paye ?), louant le formidable projet mené de main du Maître. La Nouvelle République du Centre-Ouest (NR), quotidien en situation de monopole sur l'Indre et Loire, est un très bon valet.
Les subtiles brouillages municipaux
Question propagande, la mairie est très forte. Outre la complicité dela NR, et dans une moindre mesure celle de TV Tours, outre ses journaux d'information municipale et d'agglomération, elle affectionne les opérations de diversion. Par exemple inaugurer une "maison du tram" juste avant le début de l'enquête publique. Ou laisser croire par peintures au sol sur la chaussée que le tram passera là, alors qu'il passera à côté en abattant les arbres. Ou, sur le site officiel, laisser négligemment traîner un plan obsolète avec des portions de tracé qui heurtent moins. Ou laisser sous-entendre que les 62 % qui ont voté pour le maire ont voté pour son tram, qui a l'époque était moins dispendieux et techniquement autre. Ou laisser croire qu'un arbre nouvellement planté remplace un arbre cinquantenaire. Ou pérorer en affirmant que 65 % des gens s'exprimant sur l'enquête sont favorables au projet (comme si c'était un référendum !). Intox, intox, intox...
Quelle classe ! Mondiale ! Sonnez trompette...
Fier comme Artaban, notre maire, dans le beau supplément de 20 pages de la NR, estime que son tramway deviendra une "attraction touristique" avec des gens qui viendront à Tours "uniquement pour le voir". Voilà qui va sûrement éponger notre grosse dette, voilà qui va éloigner les effets de la Crise. Alleluia, notre Louis XIV fera rayonner la ville, accourez Chinois de tous pays !
Y'a des sous, on en profite...
N'est-il pas bling-bling, notre tram dessiné par le grand artiste Daniel Buren ? S'il n'y avait que ça... Outre ce design spécifique, les surcoûts abondent. Sans que ce soit nécessaire au tracé, ici deux ronds-points sont supprimés, là tout une grande place est "minéralisée", ici tel beau bâtiment (une ancienne mairie) est supprimé. Et, à côté, la municipalité se lamente qu'elle n'a pas de sous pour reconstruire une passerelle piétonne et cycliste... dont l'énorme somme de 7 millions d'euros ne saurait être comparée au budget du tram, 363 M. déclarés + au moins autant (dévoiement de réseaux, remboursement de dette, coûts complémentaires de matériel, indemnisations, entretien...). La manne financière est pour le projet pharaonique de notre maire, peu importe le reste...
Dossiers d'enquête : 5 sur 20
Très belle présentation, agréable à l'oeil, convaincante quand on feuillette rapidement. Très belles formulations, soucis marketing prononcé, ensemble convaincant quand on lit rapidement. Pour qui essaye de comprendre, manque effarant d'argumentations, choix retenus presque toujours ou inexpliqués ou expliqués d'une façon peu claire. Cerises sur le gâteau, outre d'étranges oublis (deux variantes, l'une avec deux stations, l'autre avec une seule, sans que le texte ne le mentionne quelque part...), des erreurs grossières sont commises. Par exemple, en géologie, le crétacé se retrouve au dessus du tertiaire, ou, en matière de pollution atmosphérique, l'autoroute A10 est sans incidence. En résumé l'esbroufe est parfaitement menée, mais l'argumentaire est parfaitement défaillant. Redoublement requis.
Un tram pour qu'on circule mieux en voiture
On nous dit que le tramway remplacera la voiture. Hum... Alors pourquoi en centre-ville n'éloigne-t-on pas la circulation automobile du tracé ? Pourquoi des portions sont-elles partagées avec les voitures ? La densification prévue de l'habitat ne va-t-elle pas densifier la circulation autour du tram ? Pourquoi sur une artère comportant 6 à 8 voies pour les voitures (circulations, stationnements, dégagements) et une voie piétonne arborée, le tram ne peut-il passer que sur la promenade arborée ? Il n'est pas là pour remplacer la voiture, il est là pour rendre plus fluide la circulation automobile et la conforter à travers la ville.
Une ville historique sans histoire
Que notre bon maire est fier de vanter les atours de sa ville chargée d'histoire ! Il se plie même en quatre pour enlever des fils aériens inesthétiques rue Nationale dans le "centre historique"... reconstruit après-guerre. Le calendrier municipal de mise en place du tramway consacre une ligne rapide sur quelques sondages archéologiques qui ne révéleront rien. Il n'y aura donc pas de retard de plusieurs mois comme à Nice, Orléans, Strasbourg, Bordeaux, Montpellier, Angers, Reims. Notre ville, cette fois-ci, ne semble plus avoir d'intérêt historique. Ben voyons... Des vestiges gallo-romains ont été découverts des deux côtés de la rue Nationale, on sait que s'y trouvait un forum. Les citoyens tourangeaux voudraient en savoir plus sur l'histoire de leur cité, sauf leur maire et sa cour (faire table rase d'un pan d’histoire, c’est assez courant chez les dictateurs et autocrates).
Une emprise tentaculaire en eau très trouble
Notre bon maire, élu pour la troisième fois, président de l'agglo, des bus/tram, trésorier du conseil régional, rêvant du Sénat ou d’un portefeuille à sa mesure, connaît toutes les ficelles. Il jongle entre municipalité, agglomération, région, il sait aussi faire pression sur le département, de couleur socialiste comme lui. Il a su débaucher des Verts, des Centristes, il est même soutenu par une bonne partie de la droite dans l'agglo. Jusqu'au ministre de l'environnement, dit-on. Que l'entreprise dirigée par une de ses conseillers municipaux ait un rôle clé dans le projet de tram n'est absolument pas un conflit d'intérêt. Que le quotidien local soit économiquement en grosses difficultés n'a aucune incidence. Que des sommes beaucoup trop importantes soient brassées, que l'opacité soit de mise, ne doit pas laisser poindre des doutes trop naturels... Un audit poussé de la cours des comptes ne serait pas de trop.
Un détail ? Non, un talon d'Achille...
Malgré la maîtrise médiatique, il y a parfois un couac. Dans le numéro NR spécial Tram de 20 pages, la parole est donnée à un des premiers promoteurs d'un tramway à Tours, présenté comme un "allié critique". Cette critique soi-disant alliée porte sur la connexion tram-train mal assurée à cause d'un empattement trop restreint. "Cela prouve que le projet a été pensé dans une optique d'agglomération restreinte et non dans une vision d'une desserte territoriale élargie". Le problème est que pour bien "penser", il aurait d'abord fallu réaliser SCOT, PLU, PDU, on y revient. Un empattement plus large remet en cause des éléments essentiels, notamment les courbures des virages, et donc le tracé, et donc le projet, c'est rédhibitoire. Il est révélateur que ce choix ne soit pas justifié dans les dossiers d'enquête. Comment accepter un projet qui repose sur des bases aussi légères ? Le leurre doit-il se poursuivre ? Nous sommes quelques uns à ne pas être dupes de tout ça et nous savons que confusément, en très grande majorité, la population tourangelle, finalement peu accrochée par la propagande municipale, sait que ce projet est trop coûteux et mal pensé. Une remise à plat permettrait, par des politiques de gauche ou de droite, de repartir sur un projet mieux réfléchi et dimensionné, bien davantage à destination de l’intérêt public.
Alain Beyrand avec quelques complices
Le 26 septembre 2010
Je ne demande pas mieux que de constater des améliorations par rapport au constat très noir que j'ai fait fin septembre. En voici un premier. La NR du 19 octobre présente un article d'investigation du document des conclusions de la commission d'enquête (ici) (et c'est l'occasion d'annoncer là, avec 14 jours de retard sur le présent blog que le tracé au Sanitas a été modifié). Ce n'est certes pas aussi approfondi que le document présenté ici, mais au moins le journaliste s'exprime lui-même sans reprendre des propos de la mairie ou du maître d'ouvrage.
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