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Voici la déposition de Dominique Boutin, ancien conseiller municipal de Tours.
A propos de l’enquête publique TRAMWAY de TOURS.
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Introduction
Membre de la FNAUT Centre et de l’ADTT (Association pour le Développement du Tramway en Touraine, membre fondateur) cela fait une bonne vingtaine d’années que nous militons pour que se réalise un vrai TRAMWAY sur TOURS.
Ancien conseiller municipal de la ville entre 1989 et 1995, j’avais conduit une liste écologique qui prônait le Tramway et par la suite, j’ai soutenu toutes les actions proposées par la municipalité allant dans le sens du transport en commun. Y compris le projet de 1993, sur le dit TCSP proposé par Monsieur DEVINEAU alors adjoint à la circulation.
Enfin, biogéographe universitaire, professeur à l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et des Paysages de BLOIS, je pense avoir quelques compétences pour mener une critique constructive sur ce dossier.
Car s’il faut un tramway VITE il faut aussi qu’il soit BIEN !
Or de nombreux points sont très maltraités ou pas du tout, qui posent, au-delà du simple ressentiment, de vrais problèmes de fond sociaux, techniques et économiques.
Réaliser un tramway est un investissement unique dans une agglomération. Investissement lourd, il ne peut être corrigé par la suite, il ne peut donc être bricolé. Or certains points laissent à désirer.
Dans l’ordre des dossiers
Tome 1
p7 La Carte montrant les espaces générateurs de flux montre, très lisiblement, qu’il est fort dommage que l’on n'ait pas conservé le projet de Y renversé. Au-delà du regret, cet investissement aurait été une garantie d’équilibre financier pour l’ensemble. Un premier exemple de ce manque d’ambition qui se déclinera tout au long des pages.
p11 Idem sur les fréquentations envisagées. A vouloir ménager la chèvre et le chou, la voiture en ville en l’occurrence, on se limite de facto dans l’offre de service.
p18 Nous en avons la preuve écrite «partage entre TC et automobile » et cela devrait être «emblème de la ville » ? ? ?
p19 Encore pire : « le projet s’inscrit dans la logique des flux de déplacements observés aujourd’hui » Sic !
En conclusion, il n’est aucunement exprimé un projet ambitieux qui proposerait une toute autre façon de considérer l’espace urbain, les déplacements et les modes de vie.
On ne propose qu’un aménagement parmi d’autres s’insérant dans l’existant sans en modifier le fonctionnement.
P21 Où il est dit que le «fer » est un élément de «compatibilité tram-train ». Une bonne volonté qui hélas ne se confirmera pas par la suite puisqu’en choisissant une largeur de 240 (et non 265 cm) on tranche par avance pour cette non-compatibilité. Fait irrattrapable par la suite et plombant définitivement cette intermodalité fort dommageable pour l’avenir des transports dans un large périmètre autour de l’agglo. Erreur technique et économique majeure.
Or nous savons que le Conseil Régional travaille sur cette interconnexion et soumet sa subvention pour le Pont sur le Cher à la dimension retenue de 265 : où est la cohérence ?
P27 Sur le Pont Wilson, seule la variante 2 est digne d’avenir. Vouloir associer les modes doux de déplacement et proposer des pistes cyclables «dangereuses » (le simple regard de la coupe le démontre : le dessinateur n’arrive même pas à placer les protagonistes !) n’est pas acceptable socialement. La variante 4 retenue n’est donc pas satisfaisante : expression de la volonté de toujours conserver la voiture en ville.
P30 Avenue de l’Europe : très bonne insertion de l’ensemble.
P31 Alors, pourquoi mélanger les flux avenue Maginot ? Pour conserver quelques places de parking, qui seront par ailleurs inaccessibles de la voie de circulation opposée ? Mauvais choix qui va plomber la vitesse commerciale et donc la satisfaction générale et l’économie du projet.
P35 Pas bien compris ces expressions «jargonnante » de 4ème paysage.
Par contre on comprend bien qu’urbanistes, paysagistes et architectes sont «en cours d’études » des chantiers collatéraux. Ces projets ne sont donc pas soumis à enquête ? Et pourtant les dommages sont parfois aussi importants que le projet lui-même. Insuffisance coupable ce, d’autant plus, que certains aménagements n’ont aucun rapport avec le tramway, lui-même : destruction de la place Choiseul, par exemple.
P36 4 éléments d’identité : quel charabia ! Pour dire quoi ? Quelle référence à Buren tant décrié par ailleurs ! La sobriété ne serait-elle pas la plus belle image de l’objet ? Qui se suffirait à lui-même ? Toujours fâcheux de détourner, par un vocabulaire abscons, l’objet (le tram) du sujet (l’enquête) : faire croire, par les mots, que l’objet est performant et recevable.
P40 A propos des grands alignements. Curieux !
On cite bien quelques-uns à «conserver » dans le respect de l’existant. Et on trouve dans cette énumération que «certains alignements existants seront étendus » : le mail du SANITAS !
Alors que la variante 2 «retenue » sur cette séquence 7, voue l’ensemble à l’abattage !
Nous y reviendrons car c’est un des points les plus polémiques du point de vue de l’environnement.
P43 Où l’on parle de «végétalisation alternative » : on aimerait en savoir plus ! Si c’est pour proposer une végétalisation coûteuse en entretien, il vaut mieux minéraliser.
P47 On confirmera que l’éclairage le plus «naturel » qui soit est le soleil. La nuit il peut aussi faire «noir ». L’impact lumineux des villes devient catastrophique en effet sur la biodiversité comme en coût et consommations énergétiques.
Analyse de la séquence 7. Nous confirmons donc notre volonté que soit retenue la VARIANTE 1 : il ne sert de rien si, proposer 2 variantes doit se solder par un choix incontournable. A quoi sert l’enquête ? Relire la loi concernant la question des variantes.
TOME 2, p42, Les arguments exposés justifiant ce choix ne sont pas crédibles. La variante 1 limiterait les contacts avec les habitants ? C’est bien le contraire qui se passera en installant les voies prés des immeubles.
Il y aurait des courbes serrées ? Curieux quand on constate les tracés proposés qui d’ailleurs pourraient encore être adoucis et surtout en les comparant à la séquence «maginot ». (Séquence 3), par exemple.
Nous avons peur que l’argument soit de nouveau plus trivial : conserver une ligne de parking de proximité du Centre Ville, allant à l’encontre de l’objectif du tramway.
La variante 1 est au contraire un bon projet.
- Il éloigne les lignes du pied des immeubles en conservant le parking des résidents : aspect social essentiel.
- Il conserve le mail existant. Son état arboré, soi-disant défectueux, n’est pas signalé comme tel p39, dans l’état des lieux. Il est fréquent, en ville, quand on veut se débarrasser d’un arbre de lui trouver quelques maladies ou de le déclarer dangereux.
Ici ce sont 160 arbres de 50 ans et plus qui sont concernés.
Au sujet de ce mail, nous soutenons l’ensemble des remarques déposées par Alain BEYRAND qui a réalisé un énorme travail d’inventaire.
- Elle impacte beaucoup moins les relations, «la couture » Est-Ouest, remplaçant des espaces de voirie par le tramway : ce qui est bien l’objectif d’un transport en commun !
- Elle conserve un lieu irremplaçable aux usagers du mail : lieux de rencontre, ombrage et biodiversité. D’ailleurs, on ne comprend pas que sur ce dernier point aucune étude n’ait été entreprise : la vie animale existe en ville et, qui plus est, beaucoup plus sensible que le long des rives du Cher où une excellente étude a été menée (annexe 2, tome 3). Sur ce mail, c’est plus de 12 espèces ornithologiques qui ont été «approchées ».
- L’ombre n’est pas faite pour le tram, mais bien pour les humains. Le projet 2 écarte tous rapports de fait du mail, même reconstitué, avec les habitants : la chose serait trop dangereuse d’ailleurs (cf. les dimensions dans les coupes : comment s’asseoir à l’ombre des tramways ?) !
- Sur la question des courbes «trop serrées » au Nord du mail, il est fort possible d’adoucir la chose. Mais on rappellera qu’il y en a d’autres bien plus délicates, ce qui est d’ailleurs un atout du tramway sur rail par rapport à tous les autres TC.
Nous ne reviendrons pas sur la mobilisation qui s’est manifestée localement. D’ailleurs on peut s’interroger sur la désinformation «in situ » où le tracé proposé se situe sur la voirie et non sur le mail.
Quand on dit «on les remplacera ! » en parlant des arbres du mail, c’est ignorer qu’on ne peut remplacer un tel patrimoine. Mon métier de pédologue (35 ans d’études de sols dans les milieux agricoles et forestiers, travaux actuels dans des chantiers publics parisiens, etc.) m’a appris qu’on ne remplace pas des arbres de 50 ans : la biosphère y compris la rhyzosphère met des décennies à s’organiser. Si les arbres en ville sont mal portant c’est souvent parce que le planteur a négligé les conditions de la réussite : un sol porteur, vivant. Certes le mail actuel n’est pas d’excellente qualité mais il est fonctionnel. Vouloir tout refaire c’est une perte de plus 30 ans de vie biologique locale et, pour les riverains, attendre 30 ans le retour (peut-être) à un état connu aujourd’hui.
Refaire ce mail avec des arbres de 7 à 9 mètres comme il a été dit, au-delà de la faible probabilité de réussite (remblai de faible qualité) représente un coût d’environ 500 000€, alors que beaucoup s’insurge sur le coût total de la dépense.
Tome 2
P7 Coupe géologique complètement fausse. Quel géologue a pu pondre cela ? Où l’on retrouve le Crétacé au-dessus du Tertiaire ! Comme quoi bien des approches sont menées n’importe comment, histoire de remplir une étude d’impact ! Quelle crédibilité pour le reste ?
Or la ville repose sur ces substrats, les arbres sont plantés dedans, l’eau y transite, etc… C’est vraiment NUL !
P55 du E3, où l’on retrouve le même manque d’ambition : « partage des usages » et non-création d’un véritable autre mode de fonctionnement !
P66 Il apparaît bien que les vélos n’auront pas accès au Tram, alors que dans de multiples autres réalisations ce fait est pris en compte qui incite bien des usagers à se séparer de leur voiture en ville : l'objectif. Il est certain que le choix de la dimension est grandement responsable.
E4 La Loire n’est pas CLASSEE mais INSCRITE au patrimoine de l’UNESCO, ce qui permet de faire d’ailleurs n’importe quoi, y compris baratiner : « le projet s’inscrit dans une interrelation étroite entre l’homme et la nature… » Baratin scolaire non mis en pratique. P 48, la photo réalisée à Fribourg montre la distance entre le projet tourangeau et ce que pourrait attendre d’une vraie relation homme-nature : ce que Tours ignore fondamentalement. Bien d’autres projets pourraient illustrer cette assertion.
P46 On comprend aisément que l’auteur de ce croquis d’ambiance n’ait pas signé son œuvre !
P 49 Des fleurs au milieu des voies ? ? ? ?
P53 Sur le graphe de gauche, a-t-on idée de la taille de l’enracinement de tels monuments ? Donc voué à l’échec ! Idem p54 et suivantes.
P89 Quercus robur (chêne pédonculé) de 15 m ? Connais pas ! Donc voué à l’abattage à moyen terme !
Enracinement du peuplier noir à proximité de voirie ? Impensable pour des raisons d’enracinement radian !
P90 Pourquoi ces végétaux ? Est-on n milieu calcaire ? Bien certain ? Quel rapport avec l’objet ? Ne serait-on pas, comme d’habitude, en train de placer quelques végétaux alibis, pour faire joli, sans aucun projet paysager digne de ce nom !
Toute cette série de pages (45 à 90) sur la végétalisation du projet est un leurre, un habillage mal ficelé à défaut d’une véritable étude paysagère et d’un projet digne de ce nom. Je suis à Blois, président de Jury de diplôme d’ingénieur (5 années). Je peux vous assurer que jamais un de nos étudiants n’oserait présenter une telle absence de projet. Au-delà de cette vision réduite, c’est aussi la faisabilité des choses qui est totalement absente. On plantera, comme d’habitude, n’importe quoi n’importe où. Evidemment, les arbres crèveront ou seront mal portant. Et cela justifiera leur abattage précoce. Heureusement que nos anciens ingénieurs avaient une autre jugeote, sinon nous n’aurions aucun patrimoine arboré dans nos villes. Raison de plus de préserver l’existant.
P127, Où l’on constate toujours le manque d’ambition à travers les résultats escomptés. Alors que l’impact devrait se réduire partout en Centre ville, on prévoit un accroissement de la pollution… ?
P149 Aucune ambition de circulations douces n’accompagne le projet. Le bricolage est flagrant qui prévoit, par exemple, de rendre cyclable des voies aujourd’hui interdites aux vélos.
P175 Curieuse référence à une rose des vents établie entre «1981 et 1990 ». Comme si depuis aucune étude n’avait été menée et que le climat n’avait pas évolué ! Sans conclusions d’importance, cela montre surtout avec quelle légèreté on aura mené ce travail !
En conclusion, comme souvent l’enquête publique, comme les dossiers qui lui sont attachés, ne sont considérés par le pétitionnaire que comme une formalité contraignante et non comme un moment démocratique majeur : celui où le citoyen peut enfin participer aux grands choix de son cadre de vie. A tel point que quand nous critiquons ouvertement tel ou tel point, nous voilà catalogués de "pleureuses". Ce déni d’expression publique est à l’image de l’ensemble de ce projet : un outil d’aménagement qui ne doit rien changer à la donne actuelle, continuer à l’identique faisant fi des nouvelles (et futures) donnes énergétiques et environnementales et donc sociales, mais qui de fait impacte de nombreux habitants. Et ils n’auraient rien à dire ?
Dominique Boutin
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