Ma déposition à l'enquête publique sur la modification n°1 du PLU de Tours
suivie de mes commentaires sur les conclusions du commissaire-enquêteur |
Préambule"L’enquête publique ne saurait prétendre à remanier profondément le document tel qu’il est présenté et encore moins à le rejeter". Cet axiome a été énoncé dans le préambule des conclusions de l'enquête publique sur le PLU de Tours en 2011. Il ne repose sur aucun texte réglementaire. Est-il la conséquence d'une directive du Tribunal Administratif d'Orléans ou d'une initiative du commissaire-enquêteur ? Je n'en sais rien, toujours est-il que le même Tribunal Administratif a désigné le même commissaire-enquêteur pour la présente enquête.Cette enquête risque donc de n'être qu'une formalité, comme la précédente qui avait tout de même rendu compte des réticences des habitants, mais en les reléguant à d'accessoires recommandations, ensuite balayées par la municipalité. Le cas le plus révélateur était la tour de la gare dont la taille est passée de 58 à 54 mètres tandis que deux tours de 31 et 29 mètres lui étaient accolées. Et nous avons appris la semaine dernière qu'en plus la place limitrophe des Aumônes perd son caractère public et qu'un parking souterrain va être créé montrant ainsi que le tramway accroît le trafic automobile au cœur de la ville plutôt que de le diminuer. Ainsi, tout semble joué d'avance. Ca ne serait qu'une formalité, et, là encore, la mairie prendrait ensuite des dispositions importantes non présentées dans l'enquête… J'en ai déjà parlé à Mme la Présidente du Tribunal Administratif d'Orléans dans une lettre ouverte envoyée le 21 mai dernier 1. A quoi sert donc de témoigner ? Mon statut de blogueur me permet au moins de montrer les irrégularités qui seront validées et les visiteurs seront témoins de ce que sont devenues les enquêtes publiques à Tours en ce début de XXIème siècle. Un peu de transparence pour lutter contre tant d'opacité… C'est ce qui m'amène à témoigner, mais je comprends que de nombreux Tourangeaux ne croient plus en l'utilité de participer à de telles enquêtes. Surtout que l'on est en pleine période électorale et qu'ils savent à peine que cette enquête existe… RappelA propos d'irrégularités validées, M. le commissaire-enquêteur, je me dois de vous rappeler un sujet que je vous avais exposé très précisément lors de l'enquête sur le PLU en 2011, celui des jardins ouvriers St Lazare 2. J'avais dénoncé les mensonges et manipulations de la mairie. Vous n'avez pas voulu les voir et vous avez validé ce projet pour "réorganiser et restructurer cet espace qui aujourd'hui n'a aucun caractère urbain", donc supprimer tout l'intérêt de cette zone. Vous aviez tout de même noté une certaine mobilisation, que vous estimiez visiblement sans objet. Peu avant le conseil municipal validant le PLU, les habitants du quartier se sont révoltés et la mairie a été contrainte à renoncer à son projet si peu défendable. C'est le seul des 20 grands aménagements du PLU qui ne sera pas réalisé. Pour moi, ce dossier était emblématique, je n'aurais pas cru qu'une mairie puisse aller si loin dans la déformation des faits, j'imaginais très difficilement que vous puissiez valider de tels agissements. Puissiez-vous ne pas valider les manipulations de la présente enquête.1) Constructions près de la rue Gustave EiffelJe m'étonne de cette demande d'habilitation à construire des logements sur deux îlots. Pourquoi cela n'a-t-il pas été demandé l'an dernier ? Ce n'est pas expliqué et, connaissant l'actuelle municipalité, je considère que c'est louche. Je me demande en particulier si ces anciens terrains industriels ne sont pas pollués. Il m'apparaît étonnant que rien ne soit signalé. Une étude préliminaire menée par un organisme indépendant permettrait de se protéger de ce risque.Par ailleurs, ce déclassement de deux îlots d'une zone industrielle pose un problème de fond : la ville de Tours renonce-t-elle à accueillir des industries ? Préfère-t-elle qu'elles s'installent sur des communes environnantes ? Par une telle opération, n'éloigne-t-elle pas les lieux de travail et d'habitation, augmentant ainsi les déplacements, ce qui est contraire au Plan Climat de l'agglomération ? Pour toutes ces interrogations essentielles sur lesquelles nous n'avons pas d'éléments de réponse, je pense que cette modification doit être refusée. Cette zone industrielle ne pourrait-elle pas devenir précieuse à un futur adjoint au "redressement productif" ? 2) Statue de la femme-LoireLa présentation de cette modification est particulièrement biaisée. Il est question d'élever une "œuvre d'art" de 18 mètres sur le terrain de l'institut Rougemont. Et rien n'indique ce qu'elle est. Pourquoi pas un sphinx, pour symboliser la majesté d'un fleuve digne du Nil ? Mais supposez que ce soit une statue à l'anatomie approximative, en position dérangeante, par exemple une femme allongée, lascive et maigrichonne, les jambes écartées, symbole de soumission, se targuant de symboliser le fleuve insoumis qu'est la Loire ? Notre maire a un tel mauvais goût qu'il est capable de nous fourguer un tel navet, surtout si le sculpteur est un de ses amis… Et ça serait pompeusement nommé "la femme-Loire". Même vous, M. le commissaire, vous pourriez dire "S’agissant de la Femme Loire, si j’habitais Tours, je ne souhaiterais pas que l’on identifie ma ville avec elle".Derrière la présentation neutre et très évasive de cette enquête se cache une telle femme-Loire et je viens de citer votre propos de 2011. Allez-vous avaler votre chapeau, pour, comme la majorité des Tourangeaux, subir cet outrage à notre patrimoine ligérien ? A mon avis, vous n'avez même pas à vous prononcer sur le mauvais goût de cette femme-Loire, vous devriez estimer qu'il y a vice de forme dans ce dossier d'enquête où les projets devraient être présentés bien plus précisément afin que les citoyens puissent vraiment s'exprimer en connaissance de cause. Il ne convient pas d'accepter un projet aussi flou. Un dossier d'enquête est censé présenter ce qui est projeté. Ce n'est pas le cas. J'ajoute que placer une statue aussi incongrue et haute au bord de l'autoroute détournerait à l'évidence l'attention des automobilistes, avec les risques d'accident que cela génère. C'est complètement ignoré du dossier et c'est aussi suffisant pour rejeter cette modification du PLU. 3) Circulation près de la rue GroisonLà encore, le dossier soumis à enquête ne dit pas pourquoi le trajet de circulation douce qui était pertinent l'an dernier ne l'est plus cette année. Tout juste est-il avancé que "Le plan des itinéraires doux établi dans le secteur prévoit cette liaison directement par la rue de la Pierre elle-même, aménagée à cet effet dans sa partie nord." D'abord ce plan avec les deux itinéraires n'est pas présenté clairement, c'est là aussi un "vice de forme", le citoyen ne peut pas comparer les deux itinéraires (on ne voit que celui supprimé) et le plan présenté est tellement petit qu'on ne peut pas lire le nom des rues. Ensuite, il n'y a pas du tout équivalence entre les deux itinéraires, puisque le trajet supprimé permettait de descendre directement en bas du coteau par une voie supplémentaire nord-sud. C'était d'ailleurs là tout son intérêt puisque ça permettait de délester la rue Groison du trafic des circulations douces, ce qui est impossible avec la rue de la Pierre orientée est-ouest. Cette voie supplémentaire nord-sud est d'ailleurs désignée avec un pointillé violet non légendé de la même couleur que la voie supprimée, marquant un passage au moins piétons, probablement vélos. Tout l'intérêt de cette voie supprimée était bien sûr de rencontrer cette descente. Il y a donc une tromperie manifeste : une voie réservée aux circulations douces permettant d'éviter le trafic automobile pour aller vers le bas du coteau est censée être remplacée par une voie non réservée, la rue de la Pierre, qui ne mène nulle part dans le sens nord-sud ; elle permet seulement d'aller vers la rue Groison par le sens est-ouest et retrouver le trafic automobile pour reprendre le sens nord-sud. C'est bien sûr totalement contraire à l'orientation 2 du PADD qui veut qu'on privilégie les circulations douces.Ensuite, ce sujet est à traiter à la lumière d'une page 3 du site de l'Aquavit (association environnementaliste agréée). J'y trouve les propos suivants : "Bien des choses apparaissent obscures dans cette affaire. L'étroitesse de la rue Groison avait incité les décideurs municipaux à intégrer au permis de construire de Bouyghes (premier élément de densification sur l'ex clinique St Grégoire), une sorte de servitude de passage à travers leur terrain, et réservée aux piétons et cyclistes transitant par cette rue. C'est du moins ce qui avait été expliqué aux habitants du quartier au moment de la présentation du projet, lors des réunions locales. Il semble aussi que le permis de construire initial mentionnait 125 appartements et qu'il en a été construit 175. Le syndic de copropriété des constructions Bouyghes a refusé la servitude de passage, qui n'était donc pas vraiment contractuelle. La Mairie indique aussi que l'accès aux immeubles Icade pourrait se faire par le Sud (rue Losserand), donc avec croisement des voitures montantes et descendantes, tout en maintenant un stationnement sur la partie Est de la rue Groison. Cela semble impossible à cause de la largeur disponible insuffisante, sauf à rogner le coteau côté Est, ce qui semble interdit. Tout cela relève de l'art de l'équilibriste." Dans le même sens, l'association Pitrichacha 4 a écrit : "On voit très clairement, dans ce projet, où vont les priorités de la mairie : les promoteurs immobiliers à qui on déroule un "tapis rouge". Ainsi, dans l'affaire qui nous préoccupe, les deux promoteurs concernés bénéficierons d'un accès Nord, vers le Plateau, mais aussi de leurs accès exclusifs, au Sud, vers le quai Paul Bert par le bas de la rue Groison... en faisant d'une voie publique une voix privée. C'est inadmissible !". Elle a lancé une pétition en ce sens qui a recueilli plus de 3000 signatures. J'estime que la mairie a très mal géré ce dossier et n'a pas su dimensionner les circulations correctement en fonction de l'afflux de nouveaux logements. Elle en arrive maintenant à des solutions (non encore validées) qui ne peuvent être que très contraignantes, comme couper la circulation automobile descendante sur la rue Groison, qui est le seul axe de descente sur une grande largeur, provoquant un afflux d'automobiles dans le dédale des rues avoisinantes. Utilisant cette rue Groison de façon épisodique aussi bien en voiture qu'en vélo, j'estime que la diminution de danger de bas de la rue Groison sera largement compensée par l'augmentation de ce danger sur toutes les rues avoisinantes. Il convient d'avoir du recul. Je trouve inadmissible que le syndic de copropriété des constructions Bouyghes oblige la commune à réviser son PLU et provoque des désagréments importants et permanents sur tout le quartier. L'intérêt privé prime sur l'intérêt public. Je vous demande, Monsieur le commissaire, de rétablir la primauté de l'intérêt public et donc de refuser cette modification. S'il y a des problèmes avec un syndic, la mairie dispose de plusieurs façons d'agir, comme provoquer une expropriation dans l'intérêt public, s'il y a lieu…. 4) Constructions près de la rue du ColombierLe titre exact est "Réduction d'emplacement réservé lié au tramway rue du Colombier" et, là encore, il n'y a pratiquement pas d'explication. On y apprend que le Sitcat, dirigé par le maire de Tours, a décidé de libérer cette zone pour que le maire de Tours y autorise des constructions, dans des conditions dont on ne peut pas juger et qui peuvent peut-être mener à des situations telles que celle de la rue Groison. Qu'est-ce qui a changé en un an pour que cet emplacement qui était indispensable au Sitcat ne le soit plus ? On ne le sait pas…Par ailleurs, étant donné le climat d'affairisme produit par le tramway en notre ville (dénoncée par la pétition "A Tours, les arbres tombent, l'affairisme pousse"), je ne peux que me demander si cette opération n'a pas été prévue depuis longtemps, pour acheter ce terrain à bas prix et le revendre au prix fort… 5) Démolition d'une closerie du XVIIème siècleL'année dernière, le bâtiment du XVIIème siècle situé à Tours Nord près de l'église du Christ Roi, habituellement désigné comme "la Closerie" (petite métairie), était un monument soumis à une protection très forte, avec "démolition interdite du fait de son grand intérêt architectural et historique" (article L123-1-7 du code de l'urbanisme). Et voici que cette année il serait tout a fait inintéressant et bon pour la démolition ! Que s'est-il donc passé l'an dernier ? Un incendie ? Une tornade ? Non, notre mairie a décidé de dégrader un peu plus le patrimoine architectural de la ville, comme elle vient de vendre à un promoteur le bel hôtel particulier qui abritait le musée du gémail.La Closerie a, elle, le statut de monument protégé, elle est un des rares monuments anciens de Tours St Symphorien, comme la mairie qui est déjà sacrifiée sur l'autel de la densification urbaine. Mais peu importe, à Tours les enquêtes publiques ne sont que des formalités où il n'est pas question de "remanier profondément" les projets municipaux. Alors cette closerie peut disparaître pour… On ne sait même pas pour quoi ! Une très vague "recomposition" d'une place pourtant éloignée des bâtiments, peu importe, la municipalité veut garder les mains libres… Cette façon de gérer la ville est indigne. Je rappelle que le grand jardin de cette closerie a été entièrement démoli, avec la disparition de beaux arbres, et ces abattages n'étaient même pas signalés dans le dossier d'enquête de 2010. Alors que l'on avait là de quoi renforcer un bout de "trame verte", comme le veut l'orientation 4 du PADD. Un monument historique protégé peut-il perdre son statut de protection sans qu'on explique en quoi il a intrinsèquement perdu de la valeur ? Ce n'est pas parce que le tramway passe à côté et que l'environnement change que cette valeur disparaît, c'est pourtant évident… Vice de forme généraliséMonsieur le commissaire, sur le renoncement à l'industrialisation près de la rue Eiffel, sur la femme-Loire, sur la rue Groison, sur la Closerie, j'ai développé des arguments qui justifient des réserves de votre part, mais je vous demande en premier lieu de refuser l'ensemble de ces cinq modifications pour vice de forme. Aucun des explicatifs ne fournit aux citoyens les éléments lui permettant de s'exprimer en connaissance de cause. La mairie de Tours ne sait pas, ou plutôt ne veut pas, rédiger des dossiers d'enquête dignes de ce nom. Elle a pris l'habitude de biaiser en cachant les véritables motifs, en considérant que ces enquêtes ne sont que des formalités que les remarques citoyennes ne peuvent pas contrecarrer. Cela est allé trop loin. Il devient nécessaire de stopper cette façon antidémocratique de gérer la ville.Monsieur le commissaire je vous mets en garde aussi contre cette mauvaise habitude que j'ai remarquée de la part de la mairie quand, après l'enquête, elle fournit au commissaire de nouveaux arguments. Celui-ci les prend alors "pour argent comptant", alors que les citoyens ne peuvent plus dénoncer les tromperies qu'ils recèlent. Année après année, les citoyens de Tours se voient appelés à participer a des enquêtes publiques. Année après année, les dispositions juridiques qui les régissent sont toujours plus bafouées. Cette enquête franchit un nouveau pas avec cette statue choquante, même pas montrée, et avec ce bâtiment classé voué à la démolition, pour on ne sait quel aménagement, à cause du passage du tramway à 50 mètres. Lui donner un avis favorable reviendrait à expurger cet instrument juridique de sa dernière once de substance, pour parachever sa transformation en farce. Il ne tient qu'à vous, Monsieur le commissaire, de refuser de vous mettre au service des quelques édiles qui confondent intérêt public et intérêt privé et font du citoyen tourangeau le dindon de la farce.
Alain Beyrand, le 4 juin 2012
1 : http://pressibus.org/blogcvl/orleans.html 2 : Détails sur mon blog : Détails sur mon blog : http://pressibus.org/blogcvl/lazare 3 : http://aquavit37.free.fr/2012groison 4 : La Nouvelle République du Centre-Ouest des 16 février et 4 avril 2012 |
Ci-contre, grandeur nature, l'extrait de plan du dossier d'enquête, correspondant à la suppression de circulation près de la rue Groison (le nord est haut, le sud en bas).
La voie supprimée est celle quatrillée en violet, la rue de la Pierre est en haut, la rue Groison à droite. La "voie supplémentaire nord-sud" est en pointillé violet au centre (rattachée à la voie supprimée, mais pas à la rue de la Pierre...) |
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