A la Une : Richard Stallman plaide pour la liberté, l'égalité et la fraternité
Mardi soir, l'amphithéâtre III de l'université de Paris 8 est plein. Des
gens sont assis par terre pour écouter (religieusement) Richard M.
Stallman, le père du concept de logiciel libre. Avec des cheveux longs
jusqu'au bas du dos et une barbe de prophète, il s'installe en tailleur sur
la table de l'amphithéâtre (il est en chaussettes) pour définir le concept
de logiciel libre, entre deux gorgées de thé. Trois mots lui suffisent :
liberté, égalité, fraternité, dans un français impeccable.
Liberté... " de donner des copies aux copains (et aux autres), de changer
le logiciel pour l'adapter à ses besoin et de publier des version améliorée
". Fraternité, car " nous encourageons à coopérer ". Egalité, car " chacun
possède les même libertés, il n'y a pas de patron tout puissant ".
Dans les années 70, Richard Stallman est programmeur système au laboratoire
d'intelligence artificielle du MIT. Il travaille sur Digital PDP 10, dont
le système d'exploitation était livré avec le code source. Lorsque Digital
fait évoluer le système et ne donne plus le code source, Stallman, qui
appréciait la liberté d'action que procurait le PDP 10, refuse ce
changement et décide de fabriquer un système d'exploitation libre, et de
bâtir une communauté autour : " Si ça ne marche pas, au moins j'aurai fait
l'effort d'essayer ".
En 1983, il se lance. Pour garantir la portabilité, il choisit de
développer un Unix-like et nomme son projet " GNU ", pour " GNU's Not Unix
" (GNU n'est pas Unix) ! Après avoir cherché des fonds pour son projet,
sans succès, il se lance dans le vide et démissionne pour que le MIT
n'essaye pas, éventuellement, de prendre le produit développé sous son toit
et de le vendre.
Le premier programme GNU sort en 1985, c'est l'éditeur emacs. Stallman crée
une fondation pour recevoir des dons et vendre les bandes contenant les
programmes... copiables. Paradoxalement, il reçoit des commandes régulières
et commence à en vivre. Vers 1990, l'ensemble des composants systèmes de
GNU existent, sauf le noyau. " La conception technique que j'avais choisie
était complexe et, entre temps, Linus Torwalds a écrit Linux, un noyau
classique ". En combinant les deux, le projet GNU est complet et Stallman
insiste pour que l'on nomme Linux de son nom complet GNU/Linux.
Le projet GNU s'appuie sur une vision généreuse du monde. Stallman définit,
pour l'informatique, trois libertés.
La première liberté est de pouvoir changer un logiciel pour ses besoins
propres. Sans cette liberté, c'est comme si on devait travailler sans avoir
la clé de la boîte à outil. On perd la motivation, on en devient assisté.
La deuxième liberté est de pouvoir aider les autres si on le souhaite, en
leur donnant un programme. C'est un acte d'amitié. " Nous sommes dans un
monde où on vous appelle pirate quand vous traitez vos amis comme des amis
" plaisante-t-il.
Une informatique d'amitié pour remplacer celle de piratage
Enfin, la troisième liberté est celle d'aider à bâtir la communauté, en
ajoutant des fonctions aux logiciels. " C'est exactement comme la
coopération scientifique où l'on oeuvre davantage pour l'humanité que pour
son pays ".
Stallman a cherché comment inscrire durablement ces libertés dans le projet
GNU. Il en a conçu la GPL, General Public Licence. Chaque logiciel sous
cette licence offre les trois libertés. Et celui qui modifie le logiciel et
le redistribue s'engage à maintenir ces trois libertés. Personne ne peut
abuser de ces libertés pour s'approprier le produit. C'est tout simplement
ça un logiciel libre, ce que Stallman résume ainsi : " Avec chaque copie
vient la liberté ".