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Haut de la rue Nationale : intox et enquête confidentielle 2016
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Que font nos décideurs quand ils veulent imposer en secteur historique des tours-hôtels Hilton hors-sol qu'on pourrait trouver à Shangaï ou Miami ? Ils appliquent la méthode Coué et assomment la population de soi-disant évidences : c'est conforme à l'histoire architecturale des lieux, c'est l'avenir de la cité, avec de grands élans. Et voici des locaux d'exposition, des propos experts transformant les points faibles en points forts. La Nouvelle République (ci-contre encart spécial du 6 février 2016) et la Tribune de Tours sont au premier rang.
Oh certes, en cherchant sur Internet, on peut tomber sur une page comme celle-ci ou sur la page de l'AQUAVIT ou sur la Rotative les pages titrées "objectif fric", "Une leçon de langue de bois urbanistique", Comment le Pouvoir choisit la ville (dossier complet). Mais ce n'est rien par rapport par rapport à la déferlante des grands médias locaux.
De son côté, l'AQUAVIT, association pour la qualité de la vie dans l'agglomération tourangelle, indépendante et dégagée de toute pression, a réalisé un solide dossier qui montre ce qu'il y a derrière le rideau médiatique : un troisième sinistre, après ceux de 1940 et 1952, dégradant ce qu'était cette majestueuse entrée de Tours avant la dernière guerre. Cela va à l'encontre du label "Patrimoine mondial Val de Loire", qui ne permet pas de faire n'importe quoi. Ce dossier, présenté en cette page, a donc été transmis à l'UNESCO pour que l'organisation des Nations Unies donne son avis.
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Les éblouissantes tours-hôtels Hilton
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Sur ses aspects secondaires, cette modification du PSMV va dans le bon sens. Mais elle ne change pas l'essentiel d'un projet très contestable permettant à des touristes riches de bénéficier, du haut et de l'intérieur de leur tour, d'une vue princière sur la Loire, au détriment des Tourangeaux et des touristes plus modestes qui, du bas et de l'extérieur, seront contraints de subir l'aspect massif de cubes Hilton dégradant l'arrangement classique et équilibré des lieux.
Les dossiers d'enquête m'amènent à exprimer les remarques suivantes :
- Comment se fait-il que la version précédente de ce projet ait présenté de telles atteintes à la vie privée des habitants voisins ? Il est heureux que leurs plaintes aient été entendues, mais il est regrettable qu'aucune des remarques, pourtant très conséquentes et nombreuses exprimées hors de ce cadre d'atteinte au voisinage, n'aient pas été prises en compte. Par exemple pour couvrir d'ardoises les toits des nouveaux immeubles, afin de respecter un aspect essentiel de l'architecture environnante (et du projet Patout de 1951).
- Cet aménagement du projet n'inclut aucune végétalisation de la rue Nationale, pourtant très large sur cette portion. Un commissaire-enquêteur d'une enquête précédente l'avait pourtant demandé. C'était l'occasion de rendre moins minérale une rue Nationale qui ne l'est pas du tout et qui est étouffante lors des chaleurs d'été. Des arbrisseaux en bac ne suffiront pas, cette rue a besoin d'être humanisée, les commerces environnants ne pouvant qu'en profiter.
- Comment se fait-il qu'on puisse librement planter des arbres autour du CCOD alors qu'on a justifié l'abattage de ceux qui y étaient en place par une incompatibilité avec les puits de géothermie (réunion du 20/9/2014 entre SET / Tours Plus et les associations environnementales) ? Cela signifie-t-il que l'on a abattu des arbres sous un prétexte fallacieux ou cela signifie-t-il que ce qui sera planté ne le sera pas librement mais avec des contraintes confidentielles non écrites comme celles de refuser certains emplacements ou d'interdire des arbres à système racinaire dérangeant ? Bref, ce n'est pas clair alors que cela devrait l'être.
- - Par ailleurs, comment se fait-il qu'on mette en place de la géothermie alors que rien ne l'indique dans les pourtant nombreuses enquêtes publiques qui ont précédé ? Il est même fait mention d'un chauffage au gaz dans une des premières enquêtes… Là aussi, le projet n'est pas transparent. Et il n'y a pas eu d'étude d'impact sur les forages prévus, qui approcheraient la couche du cénomanien et risqueraient d'atteindre la nappe. Il est à craindre que toutes les précautions n'aient pas été prises : creuser 22 forages à 80 mètres de profondeur dans des strates de sédiments chargées de vestiges n'est pas sans incidence environnementale. Une solide étude préalable aurait été nécessaire. Les travaux sont imminents, M. le commissaire enquêteur, c'est à vous d'exiger que toutes les précautions soient prises.
- Il y a lieu de s'interroger également sur la destination de ce lourd équipement géothermique. Est-ce seulement pour climatiser le CCOD ou y-a-t-il des projets de commercialisation ? N'y-a-t-il pas une volonté cachée d'atteindre la nappe phréatique et d'en tirer profit ? La défiance est de mise tant l'opacité qui entoure ce mode de chauffage est incompréhensible, alors que plusieurs demandes d'éclaircissements n'ont pas eu de suites.
- Cette modification du PSMV ne change rien au fait que le projet du Haut de la rue Nationale n'ait pas été modifié pour répondre aux exigences de l'Architecte des Bâtiments de France. Je rappelle les réserves qu'il avait émises, qui restent donc valables pour ne pas avoir été prises en compte :
- les deux bâtiments proue façade Nord ne devront pas entrer en concurrence visuelle avec le clocher de l’église St Julien
- la percée urbaine sur le cœur d’îlot Ouest sera assurée par un alignement ouvert sur la rue Nationale
- l’implantation du pignon du bâtiment sud (îlot Est) devrait respecter l’alignement obligatoire du secteur sauvegardé pour assurer ainsi un dégagement suffisant du chevet de l’église St Julien.
- l’écriture architecturale de l’ensemble sera actuelle et contextuelle, conformément aux dispositions du PSMV.
- Le dossier remis par l'AQUAVIT à l'UNESCO montre de nombreux dysfonctionnements et un irrespect des contraintes imposées par le label " Patrimoine Mondial Val de Loire".
- En quoi cette enquête est-elle publique. Je suppose que les annonces légales minimales ont été publiées, mais les médias n'en ont pas parlé, notamment le quotidien "La nouvelle République" (malgré un gros supplément dédié le 6 février 2016), l'hebdomadaire "La Tribune de Tours", les journaux municipaux et de l'agglo. Pire, le site de la mairie ne présente pratiquement pas cette enquête et ses dossiers, que l'on utilise le moteur de recherche (avec "enquête publique", "Haut rue Nationale"…) ou que l'on cherche dans les rubriques "Urbanisme", "Grands projets"… Il m'a fallu avoir l'idée d'ouvrir la rubrique "Plan de sauvegarde" du menu "Urbanisme" pour trouver la page https://www.tours.fr/338-plan-de-sauvegarde.htm avec les dossiers d'enquête et l'adresse mail pour envoyer son avis. Cette page est pratiquement introuvable pour quelqu'un qui cherche une enquête publique sur le Haut de la Rue Nationale. En fait, c'est une "enquête confidentielle" pour que le projet demeure inchangé. De façon encore plus appuyée que pour les six enquêtes précédentes.
En conclusion, la présente modification du PSMV aurait été l'occasion de corriger les défauts structurels importants du projet du Haut de la rue Nationale. Seules les gênes les plus criantes pour le voisinage sont atténuées. Parce que c'est largement insuffisant, les dossiers soumis à la présente enquête publique sont gravement défaillants. Cela justifie, M. le commissaire-enquêteur, que vous rejetiez la présente modification du PSMV pour exiger des modifications beaucoup plus conséquentes, à la mesure d'un projet inadapté à ce lieu prestigieux. Pour le patrimoine et par respect des Tourangeaux et de la plupart des touristes.
Alain Beyrand, le 12 février 2016 (déposé le 23 février)
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En complément à mon avis déposé le 23 février, j'ajoute les remarques suivantes :
- le directeur général des services techniques de l'agglo Tours Plus a fait une déposition pertinente demandant à ce que ne soit pas supprimé le passage pour piétons reliant la rue du commerce au jardin François 1er. Supprimer un tel passage piéton est évidemment contraire au PLU de Tours et au SCOT de l'agglo, dans leur priorité donnée aux circulations douces !
- Je souligne aussi l'extrême densification le long de la rue du Commerce, avec notamment, en coin de la rue Nationale, un bâtiment de 4 étages (R+3 + attique), qui n'améliorera pas la visiblité sur l'église St Julien.
- L'hôtel Gouin était déjà mal entouré, mais sa situation va empirer puisqu'il sera coincé entre deux nouveaux bâtis à 2 étages. C'est pourtant un bijou de la renaissance...
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- Le dégagement de l'église St Julien est un leurre. Outre, de loin, les deux tours-hôtels Hilton, le bâtiment commercial d'un étage très proche de l'église St Julien (au nord-ouest) et devant le cloître obturera la vue de près (et il est sans correspondance en symétrie de la rue Nationale). Il est certes appréciable d'avoir enlevé de tels batiments au sud-ouest, mais ça reste largement insuffisant puisque la vue est davantage cachée sous d'autres angles. Pour cela, prétendre que cet aménagement dégage l'église est trompeur.
Sur cette photo, on comprend que même avec des éléments partiellement transparents, la vue sur l'église St Julien restera obstruée pour les piétons arrivant de la Loire.
- Quel dommage que la vue reste bouchée sur le cloître ! On perd là une occasion historique de le mettre en valeur.
Décidément, la ville de Tours ne sait pas mettre en valeur son patrimoine. Comme si les touristes préféraient les empilements de cubes. On a mis des toits en terrasse après guerre parce qu'on manquait de moyens. Aujourd'hui on a l'occasion de faire mieux et on fait pire !
Que ce soit pour l'hôtel Gouin, l'église St Julien ou l'architecture d'ensemble, vouloir densifier au maximum n'est pas compatible avec le respect du patrimoine.
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