De 286 à 293
L'empire de la Manche de Carausius
Cette page reprend le chapitre "286-293 Carausius relance l'empire des Gaules et devient empereur de la Manche" de la page "Victorina, souveraine des Gaules".
Maurice Bouvier-Ajam le désigne comme "le dernier empereur gaulois" [01, page 244]. S'il a effectivement été élu sous ce titre par ses troupes et s'il a fait frappé des monnaies le désignant comme tel, Carausius régna sur un empire géographiquement restreint, quoique tout de même important et en des frontières nouvelles...
La proclamation d'un nouvel empereur des Gaules. Originaire de la province des Ménapes, en Belgique, Carausius (Marcus Aurelius Valerius), commandant de la Classis Britannica / flotte britannique est chargé par l'empereur Maximienb Hercule de défendre les côtes de l'Atlantique contre les Saxons et les Francs. En désaccord avec celui qui l'a nommé, ses légions le proclament empereur en 286. Bouvier-Ajam [01 page 247] décrit son arrivée dans l'île britannique
: "Et c'est le débarquement : l'accueil est triomphal. on accourt de toute part pour ovationner "le libérateur" ; la plupart des règlements de compte ont eu lieu avant son arrivée ; les points d'opposition - qu'on appelle maintenant points de dissidence ! - sont rares et sans grand danger. Devant sa marine, ses corsaires, ses légions, les légions britanniques, les cohortes franques, Carausius est proclamé "Empereur ; il précise aussitôt qu'il est "Empereur des Gaules" et que la Britannia fait partie de son empire et y jouira des plus hauts privilèges."
Remarquons que les pages Wikipédia d'août 2019 précédemment citées, sur Carausius et Classis Britannica, donnent deux versions différentes, l'une d'un officier "gonflé d'orgueil" qui "sème le désordre", l'autre d'un commandant suspecté de "garder pour lui les trésors capturés et même de permettre aux pirates de faire des incursions et de s'enrichir avant d'engager des actions contre eux". Maurice Bouvier-Ajam, en une note [01 page 397] le conteste, rappelant que l'histoire est écrite par des écrivains romains qui dénigrent ceux qu'ils considèrent comme des "ursupateurs". Il estime que ces "vilainies" ne sont pas en cohérence avec la suite de son action de Carausius et avec son meurtre. C'est une raison importante de la méconnaissance de ces sept années.
L'objectif est la conquête de la Gaule et Carausius s'y prépare. "Il reprend l'idée postumienne d'un empire gallo-britannique cohérent et capable de se faire respecter, mais qui ne manquera pas de coopérer avec Rome sur des bases nouvelles et même de redevenir un Etat de l'Empire, un Empire dans l'Empire, quand son statut sera reconnu. Lui aussi, ce dissident malgré lui, frappera ses pièces à la légende "Romae aeternae". Pour assurer la force et la paix de son empire, il reconnaît les bagaudes, mais des bagaudes qui se disciplinent et qui ne perturberont pas l'économie générale, et il accorde le droit d'installation à des mercenaires et à d'anciens envahisseurs, mais qui se lient par traités et contribueront plus ou moins à la défense de l'ensemble, au moins dans la mesure où ils n'ont pas intérêt à ce que d'autres les délogent. On a reproché à Carausius cette politique d'accueil, d'octroi de l'hospitalité ou de l'alliance : allons donc ! N'est-ce pas là une pratique courante de la politique romaine ?"
| Les forces armées de Carausius traversent la Manche et débarquent en Gaule. Le but : libérer le pays du joug romain, puisque Carausius est considéré comme "empereur des Gaules" par ses troupes.
"Carausius, le César flamand", bande dessinée d'Edgar Ley, parue en 1951 dans la revue belge flamande KZV (lien)] + trois planches : 1 2 3 + la couverture de l'album paru ensuite.
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Carausius compte s'ancrer en Gaule continentale en prenant le contrôle de la Manche, à commencer par son port militaire principal, la capitale du peuple des Morins, Gesoriacum qui commence à s'appeler Bononia et deviendra Boulogne sur Mer. Bouvier-Ajam suite : "Carausius envoie des émissaires à Boulogne, afin de savoir si la ville est décidée à le bien recevoir et à le saluer en Empereur. Les Morins délibèrent ; ils lui font savoir qu'ils sont d'accord, à condition que la ville soit déclarée capitale de son empire jusqu'à ce qu'il ait poussé plus loin au sud les limites dudit empire." Carausius accepte, il y a quelques résistances rapidement neutralisées et l'empereur fait une entrée triomphale en sa nouvelle capitale.
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Carausius [Wikipédia]
Gesoriacum / Boulogne sur Mer, première capitale de l'empire de Carausius
[Jean-Claude Golvin, lien]
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L'attractivité et la réussite de ce nouvel empire. L'empire d'une Gaule au début très réduite s'agrandit rapidement de "la Bretagne continentale, la Normandie, la Picardie, l'essentiel de l'Artois, toute une partie du Maine et de l'île de France. [...] La reconnaissance de l'autorité de l'Empereur gaulois progresse partout, à l'ouest, au centre et même à l'est. Et presque toujours, ce sont les populations locales qui se chargent de leur "libération", qui se déclarent membres de l'Empire des Gaules, qui neutralisent, "convertissent" ou chassent les derniers fidèles de Rome ou les entêtés de l'irrédentisme. Rouen, joyeux, ouvre ses portes. Carausius en fait aussitôt sa capitale, Boulogne devenant une sorte de Rome du nord-ouest européen, en même temps que l'indispensable tête de pont continentale des forces carausiennes."
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Rotomagus / Rouen seconde capitale de l'empire des Gaules de Carausius est ensuite devenue capitale de son empire des Mers, autrement dit l'empire de la Manche.
[extrait de la BD "Rouen - De Rotomagus à Rollon", oeuvre collective parue aux éditions Petit à Petit en 2015]
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Bouvier-Ajam poursuit [01 page 250] : "Et l'économie britannique se relève, et la Gaule carausienne, sans cesse élargie, reprend son effort productif à l'intérieur de son territoire protégé, et les échanges entre l'île et le continent se normalisent, et la popularité de Carausius est de plus en plus évidente et rayonnante. Pour Maximien Hercule, ce n'est plus supportable. Dégarnissant dangereusement rives et frontières rhénanes, il tente en 289 - Carausius est déjà empereur depuis trois ans - une opération à la fois maritime et continentale. C'est l'échec total et l'orgueilleux Maximien en est réduit à solliciter un traité. Par ce traité - que, bien entendu, nul n'a l'intention de respecter - Maximien reconnaît la qualité impériale, la qualité d'Auguste de Carausius." Lequel ne devrait donc plus être considéré, même par les Romains, comme un ursupateur...
Un empire de la Manche. Cet accord est très vague et ne définit aucune frontière. Il se révélera néfaste à Carausius, arrêtant sa progression territoriale. Maximien a en effet une satisfaction : Carausius n'est plus l'empereur des Gaules mais officiellement l'empereur de la Mer. D'un côté l'empereur de la Manche, de l'autre l'empereur de la Méditerranée ! C'est la fin de la résurrection de l'empire des Gaules. Fini l'espoir de le faire renaître, finie cette force d'attraction, finis les ralliements.
Cet empire de la Mer va encore vivre quelques années, jusqu'en fin 293 quand son empereur est assassiné par Allectus, son préfet du Prétoire, soutenu par les marchands de Londres / Londinium. Allectus renonce alors progressivement à ses provinces continentales pour mieux conserver son domaine insulaire. Jusqu'à ce que Constance Chlore mette fin à l'indépendance de la Bretagne insulaire en 296, Allectus étant tué au combat en 297.
Allectus [Wikipédia]
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289, l'empire de la Manche
de Carausius, nommé "empire de la Mer"
Carte réalisée à parti d'une description de Bouvier-Ajam alignant la limite sud sur l'axe
Nantes - Alençon - Noyon - Lens.
289, empires de la Manche et de la Méditerranée
(d'après carte Wikipédia de l'empire romain en 150)
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Carausius est un ascendant de Charlemagne.
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Carausius initiateur du premier Brexit ? Le mur d'Hadrien, fondé en 122, marquait la limite nord de l'empire romain et de sa province de Bretagne. Il fut doublé en 140 par le mur d'Antonin, reconquis par les Pictes à la fin du IIème siècle. L'illustration de gauche provient d'une page en anglais titrée "How a third-century Roman soldier named Carausius was behind the first ‘Brexit’" expliquant en quoi Carausius avait provoqué un premier "brexit"... L'illustration de droite est une case de "Prince Valiant" d'Harold Foster (planche du 13/12/1942).
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