Projet Goya : un pied de nez aux PPRI, SCOT, PDU, Plan Climat |
PréliminaireLes dossiers d'enquête sont étrangement muets sur l'historique des lieux, lié au quartier des Fontaines, aux grands travaux de remblaiement des années 1970 et 1980, et à l'inauguration en grande pompe en 1986 du bâtiment de France-Télécom par le maire de Tours Jean Royer. Cette construction soignée avait été préparée par un concours d'architectes et était alors une des fiertés du quartier. En 2001, l'entreprise France-Télécom, ayant changé d'orientation, a vendu ce bâtiment au prix de marché. Il n'était alors pas question de le démolir, l'implantation de la Chambre des commerces était notamment envisagée.Que s'est-il donc passé pour qu'on détruise ce bâtiment ? Il y a lieu de s'indigner d'une si courte durée de vie. Se rend-on compte du gaspillage que cela signifie ? D'autres constructions au quartier des Deux Lions ont eu une durée de vie encore plus courte. Cela va en l'encontre de toute notion de développement durable et de Plan Climat. On n'ose même pas le dire dans le dossier d'enquête, tant c'est honteux… Il y a lieu de croire que la démolition a été dissociée de la reconstruction pour exercer une politique du fait accompli. Nous allons voir que sur bien d'autres sujets, la transparence n'est pas de mise, on cache la vérité, on élude, on biaise, on s'auto-glorifie : "Le projet s'inscrit dans le cadre réglementaire (SCOT, PLU, PPRI) qu'il respecte. Il n'est pas de nature à engendrer de nouvelles nuisances. Les impacts sont largement positifs". 1) Risques d'inondationLes documents de ce dossier d'enquête confirment à quel point, depuis 5 ans, la mairie de Tours essaye de passer outre les nouvelles consignes de sécurité en matière de risques d'inondation. Alors que le PPRI de 2001 minimisait ces risques, considérés comme faibles sur la ville de Tours, ceux-ci ont été reconsidérés comme modérés à très forts dans une étude de fin 2008. Alors que l'Etat prenait en compte ces nouvelles données, notamment dans le SDAGE de 2010(1) et dans des consignes préfectorales (Autorité Environnementale) de mai 2011(2), la mairie de Tours ignorait toutes ces consignes, elle refusait aussi une recommandation du commissaire-enquêteur du PLU de 2011, elle continuait à délivrer des permis de construire en des endroits très vulnérables, comme si le danger restait faible.Il en est de même dans le présent dossier, pour l'examen cas par cas ("zone d'aléa faible au risque d'inondation", page 7) et l'étude d'impact ("Le site est en zone B1b du PPRI (Plan de Prévention du Risque Inondation), présentant un aléa faible" page 16). Ce second document est daté de novembre 2013, le premier n'est carrément pas daté. Comment peut-on en fin 2013 se référer à un document (PPRI de 2001) obsolète depuis 5 ans, en passant outre à toutes les consignes préfectorales pourtant impératives ? Heureusement, l'Autorité Environnementale a demandé à ce que le sujet soit traité plus sérieusement. C'est ainsi que, dans le mémoire en réponse à l'Autorité Environnementale, daté d'octobre 2014, il est reconnu que l'aléa n'est plus faible mais "modéré à fort" (page 21). Mais c'est tout, rien n'est modifié en conséquence. Pire, sur cette même page 21, il est écrit : "A l’heure d’aujourd’hui, le PPRi de 2001 et son règlement sont toujours en vigueur" : le SDAGE de 2010 et les consignes préfectorales de mai 2011 ont corrigé le PPRI de 2001 pour prendre en compte l'accroissement du risque avant le PPRI soit révisé. Pareillement, il apparaît faux de dire que "Les prescriptions imposées au secteur de l’opération, à savoir celles du règlement de la zone B1b, sont toujours applicables jusqu’à l’approbation du nouveau document. Ces prescriptions seront prises en compte dans le projet d’opération" : apparemment la mairie de Tours persiste à s'appuyer seulement sur le PPRI de 2001. Pire encore, toujours en page 21, il est écrit : "Rappelons par ailleurs que le nouveau bâtiment, objet de l’étude d’impact, s’inscrit en lieu et place des bâtiments France-Telecom qui ont été démoli mais existants lors de l’élaboration du PPRI de 2001. Dès lors, on peut conclure que la réalisation du nouveau bâtiment en lieu et place des anciennes constructions n’aggrave pas l’écoulement des eaux en cas de crue". Non seulement, après avoir construit en 2001 avec un aléa faible, on veut construire de la même façon en 2015 alors que l'aléa est modéré à fort, mais en plus la construction date en réalité de 1986 quand il n'y avait pas de PPRI : c'est irresponsable, on se croirait à La Faute sur Mer ! Je constate, de plus, que contrairement par exemple à un permis de construire de 2013 dans le quartier de Beaujardin(3), la DDT n'est pas intervenue pour imposer des contraintes de protections contre les inondations. En conséquence, il m'apparaît essentiel de souligner combien, en s'appuyant sur un PPRI obsolète, le risque a été largement sous-estimé. Pour le moins, il est indispensable que la DDT effectue une étude poussée pour définir les contraintes à respecter en fonction des derniers règlements en cours. La révision du PPRI devant être finalisée en 2015, n'aurait-il pas été plus sage d'attendre sa finalisation pour valider ce projet ? Ceci, hélas, induit une autre interrogation : n'a-t-on pas accéléré ce projet pour qu'il soit validé avant le PPRI ? Certes, les logements d'habitation, situés en étage R+2, sont à l'abri, mais les risques pris sur les étages inférieurs seront-ils conformes à la "Stratégie Locale de Gestion du Risque d'Inondation" et au "plan d'évacuation massive de la population" ? Qu'en est-il d'une éventuelle interdiction des commerces en rez-de-chaussée ? Et pour les parkings souterrains ? Ne faut-il pas surélever le premier étage pour atteindre le niveau requis ? La proximité du Petit Cher est un facteur aggravant qui n'apparaît pas pris en compte. La négligence irresponsable dont on fait preuve les responsables du projet un retard d'une année, après la validation du PPRI. 2) Priorité à la voitureSi le périmètre entier du projet Goya est bien montré, celui de cette première phase n'est pas mis en exergue et n'est indiqué que sur le plan de masse. Il correspond au grand quart Ouest du terrain, les trois autres quarts étant découpés en des périmètres A, B, C qui seront traités ensemble dans une phase 2.Par ailleurs, tout le périmètre du projet Goya est situé en un endroit peu accessible, encastré entre le Petit Cher et la très passante route de St Avertin à quatre voies, à proximité d'une autoroute à six voies. Comme si on était à côté du périphérique à Paris. Qui voudrait habiter là, à part ceux qui ne peuvent pas se loger ailleurs ? [réponse un peu plus loin] Sans voiture, comment y vivre ? Déjà pour aller du centre de Tours au quartier des Fontaines à vélo, c'est compliqué, soit en affrontant une dense circulation automobile, soit en passant par l'île Balzac et trois escaliers à franchir, pour qui connaît un trajet pas du tout indiqué. Sur le vélo, le dossier est particulièrement creux, avec une phrase passe-partout, et d'ailleurs contestable : "La ville de Tours est plutôt bien maillée pour ce qui est des itinéraires cyclables". Puis cette phrase "Le site est longé au Nord par le tracé de l’itinéraire « la Loire à vélo », qui longe le Petit Cher". Primo, la Loire à Vélo ne passe pas du tout ici. Secundo, il y a bien un itinéraire cyclable le long du Petit Cher, mais il s'arrête brusquement en cul-de-sac avant d'avoir débouché quelque part, sinon l'école de commerce. Et il n'est pas du tout imaginé de le prolonger, par exemple jusqu'au quartier des Deux Lions. Pourtant, l'indication sur le plan de masse d'une future passerelle sur le petit Cher est un élément intéressant qui aurait mérité d'être exploité pleinement. Ce passage bien situé pourrait être mis dans le prolongement de la passerelle Balzac puis ensuite de la descente entre le Bd Richard Wagner et la rue Marcel Sembat (aménagée en 2012), permettant d'aller vers le centre-ville. Il faudrait bien sûr ajouter quelques passages en pente pour supprimer les trois escaliers. Et il conviendrait, là où c'est possible, de séparer les circulations piétonnes et cyclistes. Donc construire un axe cycliste Beaujardin - Rives du Cher - Fontaines - Goya. Mais de telles préoccupations sont absentes, même pas envisagées, il n'y a pas d'indication des circulations cyclistes et piétonnes. Où sont les pistes cyclables ? Comment aller au centre commercial des Fontaines ? On ne sait pas… L'étude sur les lieux commerciaux, scolaires, sportifs, porte sur toute la ville, comme si on ne se déplaçait qu'en voiture. On n'est pas dans l'objectif du PDU de "construire la ville des courtes distances". Le dossier d'impact ne montre que des généralités à l'échelle de la ville et de l'agglo (des copier-coller...), il se montre incapable de parler de proximité et d'en présenter le contexte. Pourtant, il y aurait lieu d'aller au delà, définir des aires de stationnement de vélos, sur de solides supports… Pour les voitures, le lieu est beaucoup mieux situé, près de l'autoroute nord-sud et d'un grand axe est-ouest. Les logements pourraient être réservés aux transporteurs routiers et aux représentants de commerce… Ce lieu encadré de voitures innombrables est en plus destiné à devenir un temple pour automobilistes à l'américaine délaissant les commerces de proximité pour ne fréquenter que des "drive". Même pour prendre des médicaments ! Car cette première phase du projet comporte une "pharmacie drive". "Un drive va forcément attirer des clients qui, du coup, n'iront plus dans le centre-ville. Mécaniquement les pharmacies vont voir leur chiffre d'affaires baisser. Or, les pharmacies constituent des locomotives pour le commerce local" souligne un pharmacien dans une autre ville menacée par un projet identique. De plus, il est noté que c'est le pharmacien des Fontaines qui va s'installer là. Cela signifie que la pharmacie des Fontaines, qui, elle, est bien placée, près des habitants, va disparaître, soit rapidement (sans remplaçant), soit à moyen terme (le remplaçant ayant perdu une grosse partie de la clientèle). On démolit un commerce essentiel de proximité, c'est bien sûr contraire à l'objectif de proximité du SCoT. En mars 2014, il n'existait guère qu'une dizaine de "pharmacies drive" en France. Est-ce nécessaire à Tours alors que c'est contraire aux objectifs du SCoT, du PDU et du Plan Climat ? Pour cela, la pharmacie Drive doit être exclue du projet. Alors que les nouveaux aménagements devraient placer le vélo en priorité, la voiture est toujours aveuglément privilégiée. 3) Pollution athmosphérique et sonoreLa pollution est également traitée à la légère dans une phrase passe-partout : "Sur la commune de Tours, la qualité de l’air est d’un bon niveau". C'est se moquer du monde !! On est à proximité d'une autoroute ultra-polluante où des seuils européens sont dépassés depuis belle lurette et ça continue à s'aggraver… Plutôt que de se placer dans une moyenne de l'agglomération, il fallait faire une étude spécifique à ce lieu.La végétation et les arbres permettent d'atténuer un peu la pollution, et aussi le bruit. Un tel lieu devrait dont être soumis à une forte végétalisation, en hauteur. Tout semble reposer sur la phase 2, en phase 1 c'est très chiche. En ce qui concerne le bruit, des mesures locales ont quand même - enfin ! - été prises en compte en s'appuyant sur une carte globale, alors que des mesures spécifiques aux heures journalières de pointe auraient été bienvenues. 55 à 60 dB, c'est certes moins bruyant que du côté Est, près de l'autoroute (75 dB). Mais cette fourchette est ancienne et n'anticipe pas ce qui peut l'être. Il est répété (page 133 de l'étude d'impact + page 27 de la réponse à l'AE) que l'autoroute compte 2x2 voies. Or, c'est à ce niveau qu'elle passe de 2x3 à 2x2 et il est prévu à court terme un passage complet à 2x3. Donc tout aurait dû être signalé à 3x3. Je suis dubitatif sur les moyens mis en œuvre pour atténuer l'importance de la pollution sonore. L'orientation Ouest des fenêtres est certes adaptée, mais pas l'orientation Est du côté de l'autoroute, et l'orientation Nord, qui serait la plus appréciable (avec un décor plus agréable du côté du Petit Cher), n'est pas exploitée pour la phase 1. Page 29 de l'étude d'impact, la pose de doubles vitrages est évoquée comme un surcoût, alors que c'est l'habitude, pour toute construction neuve, au moins pour l'isolation thermique. Pour l'isolation des murs aussi. Je ne vois donc pas en quoi il y aurait là une lutte contre le bruit plus importante qu'ailleurs. C'est pire encore pour l'environnement où, pour cette phase 1, on est largement en dessous de la moyenne d'espaces verts dans la commune. Il apparaît donc complètement exagéré d'estimer (toujours en page 29) que seraient dépensés 1 276 500 euros pour des mesures compensatoires en faveur de l'environnement. Contrairement à ce qui est écrit avec angélisme dans le dossier (notamment page 9 du "cas par cas"), ce projet est de nature à engendrer de nouvelles nuisances, ne serait-ce qu'avec un bétonnage multiplié, un surplus d'utilisation de l'automobile ou un surplus d'utilisation d'énergie électrique, ce qui produit des nuisances ailleurs. Finalement, le seul point positif de ce projet Goya est la mise en place d'un pôle de santé et d'activités tertiaires qui ne soit pas trop éloigné du centre de Tours. C'est maigre, d'importantes corrections sont nécessaires. Alain Beyrand (1) Document SDAGE sur aquavit37.fr/2014crues "Dans l'attente des nouveaux PPRI, il est nécessaire de gérer la période transitoire en prenant en compte les orientations du SDAGE Loire Bretagne" (2) Document PRC* sur aquavit37.fr/2014crues (3) Document DDT sur aquavit37.fr/2014crues |
En 1986, dans un nouvel aménagement, on construisait une passerelle, même pour un usage restreint. En 2015, alors que la ville est censée privilégier les modes de déplacement doux, on ignore la présence d'une telle passerelle et on rechigne pour en construire ailleurs. Cette photo (de Google Street) montre combien l'orientation Petit Cher est plus plaisante que celle de la route de Saint Avertin (le projet Goya se situe au fond de la photo, de l'autre côté de la passerelle). |