17.1 1184, 1389-1462, la démocratie dans la "bonne ville"
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Bernard Chevalier, professeur d'histoire médiévale à l'université de Tours, un
temps président de cette université, a écrit ou dirigé plusieurs ouvrages érudits sur
l'histoire de la ville de Tours.
En 1985, dans "Histoire de Tours", il décrit une révolte des "bourgeois de Saint-
Martin" : "Afin d'obtenir l'autonomie complète, les bourgeois proclament la
commune en 1184 ; condamnés par le pape, excommuniés par le chapitre,
sommés par le roi, abandonnés par la foule, les meneurs sont contraints de se
soumettre". La première insurrection communale date de 1122, il y en eut d'autres,
notamment en 1231 et 1305, toutes réprimées.
En 1983, dans son livre "Tours ville royale", Bernard Chevalier présente en ses
pages 39 à 58, "La mise en place des institutions municipales" et le fonction-
nement d'une période démocratique. Alors qu'il est généralement admis que les
villes moyennes, appelées alors "bonnes villes" entrent dans une période de 1356 à
1462 "marquée par la formation d'un régime « démocratique » ou prétendu tel,
fondé sur les lettres octroyées par Jean le Bon", correspondant à une "maturité
triomphante", après une phase de "jeunesse obscure ou héroïque" et avant une
autre de "sénilité et ruine", l'auteur montre la continuité entre ces trois périodes :
l'apparition du premier maire de Tours en 1462, Jean Briçonnet, dit l'Aîné, est
"l'achèvement d'une longue évolution".
La mise en place des nouvelles institutions est longue et ne devient stable que fin
1389. Elles reposent sur la constitution d'assemblées générales, sans autre
organisme directeur. "C'est bien là ce qui fit croire si longtemps à un régime de
démocratie directe. Singulière illusion. Certes tous les chefs de famille, en droit,
peuvent venir à ces grandes réunions convoquées par cri public". [...] "Mais, il
faut immédiatement faire la différence, entre ceux qui peuvent y prendre part et
ceux qui le doivent" [...] "L'originalité de ces réunions c'est qu'elles groupent
trois groupes sociaux qui s'équilibrent : les gens du roi, les ecclésiastiques et les
habitants, tout du moins « les plus suffisants » d'entre eux. Union des états qui est
bien caractéristique des bonnes villes".
"De temps en temps, il est vrai, se tiennent des assemblées beaucoup mieux
garnies. Le greffier énumère alors couramment une ou plusieurs centaines de
noms ; on y voit figurer des gens assez modestes, des maîtres artisans :
maréchaux, rôtisseurs, fourniers, serruriers, maçons ou charpentiers, qui ne
paraissent jamais autrement dans les actes de la ville. Ces grandes réunions n'ont
pas à délibérer, mais à consentir aux décisions arrêtées à l'avance, celles du
moins qui entraînent des charges nouvelles". [...] "Elles ne témoignent pas d'une
victoire populaire ; elles ne sont rien qu'un moyen exceptionnel adapté à des
circonstances exceptionnelles".
"La conséquence de ces usages à Tours, c'est que les élus mandataires de la
communauté toute entière sont, en réalité, les représentants actifs du petit groupe
social qui mène la ville. Depuis 1390, ils sont au nombre de deux, l'un venant, en
principe, de l'amont [l'ancienne ville romaine], l'autre de l'aval [la ville nouvelle
autour de la basilique St Martin], sauf quand la charge devient trop lourde".
Désignés par l'assemblée générale, "ils se recrutent, en fait, par cooptation".
"L'autorité réelle réside indistinctement dans cette poignée d'hommes qui se
substitue ordinairement à l'assemblée. Reste maintenant à en définir l'étendue et
ce n'est pas chose aisée. Disons au moins que la compétence de l'administration
municipale, très limitée en théorie, est très large dans la pratique". [...] "Au total,
les Tourangeaux, bien que n'exerçant ni police ni justice, réglaient toutes leurs
affaires eux-mêmes en coopération étroite avec les représentants locaux de la
puissance publique et s'en trouvaient fort bien. Allons plus loin ; il nous semble
que ce régime, caractérisé par l'union des officiers royaux, des chanoines et des
bourgeois les plus considérables, a bien été d'une manière générale le propre des
bonnes villes".
17.53 1462-1877, soubresauts démocratiques à Tours
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Tours 1562, massacre perpétré sur les Huguenots
Détail d'une estampe de Tortorel et Perrissin numérisée par la bibliothèque de Troyes
Afficher l'estampe en entier
Extraits arrangés de l'ouvrage "Les maires de Tours du XVème au XIXème siècle",
édité par le Centre Généalogique de Touraine en 1987 (il y est toujours
disponible), avec des compléments du livre "Histoire de Tours" de Bernard
Chevalier.
- 1462, Louis XI décide que "Les habitants éliront tous les ans un maire et 24
échevins". La bourgeoisie de robe conduit les affaires municipales.
- Jusqu'au début du XVIIème siècle, ce principe électif se maintient avec des
modifications. Le choix des maires se fera par le roi et de plus en plus parmi les
grands officiers de finance.
- En 1562, les "bonnes gens" catholiques découvrent l'importance de la
progression huguenote depuis 1556. "Ce qui provoquait en effet l'effroi et
l'angoisse des fidèles, c'est de voir parmi les suspects, outre nombre de petites
gens, et notamment d'ouvriers de la soierie, une grande partie de l'élite sociale
à laquelle incombait le gouvernement de la ville et l'exercice du pouvoir royal.
Tous les officiers municipaux, le maire en tête et le tiers du corps de ville".
"C'était assez pour qu'à la violence non-sanglante des purificateurs de temple
répondit celle des purificateurs du peuple par le massacre". Les notables
protestants survivants durent partir ou s'effacer en dissimulant leur foi.
- En 1619, les dissensions entre les habitants et le conseil de la ville s'aggravent.
Le roi Louis XIII intervient pour écouter les deux parties au château du Plessis.
Au corps de ville est adjoint un corps de notables, élus en assemblée générale
par les habitants. Ils sont choisis par 2 dans les 16 paroisses de la ville.
Mécontent, le maire Jean Le Blanc démissionne.
- En 1692, Louis XIV supprime le principe électif dans toutes les villes, il érige
en titre d'offices perpétuels les charges de maire, échevins, et crée un certains
nombre de charges d'assesseurs. Et chacun doit payer.
- En 1722/1724, le système se complique pour renflouer les caisses de l'état. Les
nouveaux titulaires entrent en conflit avec les anciens et l'on voit le spectacle de
deux conseils tenant chacun leur assemblée pour l'administration de la
municipalité. Le parti aristocratique remporte la victoire, les élus représentant le
peuple sont définitivement supprimés.
- En 1789/1790, devant une émeute provoquée par la disette, le corps de ville
abandonne le pouvoir. Une commission décide des nouveaux statuts. Le maire,
le procureur de la commune et son substitut, 11 officiers municipaux, 24
notables (dont 50% de boutiquiers et artisans) sont élus dans l'enthousiasme par
une assemblée de tous les citoyens actifs majeurs de 25 ans.
- De 1790 à 1798, le statut municipal subit de nombreuses modifications. En
1795, le Comité de Sûreté Générale adresse de vifs reproches au maire Henry
Gouin pour l'abattage de l'arbre de la Liberté. En 1797, le nouveau maire Pierre-
Augustin Estevou prête serment "de haine à la royauté et à la monarchie,
attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an II". Il
réprime l'anarchie, renforce la Garde Nationale et interdit les réunions de toutes
sociétés. En 1793, Tours compte 21.000 habitants.
- En 1799, le principe électif est supprimé, Des bourgeois, des négociants, des
propriétaires sont nommés au conseil municipal.
- De 1802 à 1814, le conseil municipal de Paul Deslandes prête des serments
successifs de fidélité à la République, à l'Empereur, au roi, encore à l'empereur
puis encore au roi.
- En 1830, le conseil municipal redevient électif. Au recensement officiel de
1836, Tours compte 26.669 habitants.
- En 1848, le suffrage universel est instauré, sauf pour les femmes (il faudra
attendre 1945).
- En 1852, le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte est approuvé à 79 % à
Tours, contre 82% en Indre et Loire. Les notables cumulent les mandats,
notamment les Gouin et les Mame. De 1790 à 1890, sur 33 maires, 18 furent
francs-maçons. En 1861 est créée une "région administrative de Touraine" qui
s'étend sur le Loir et Cher, le Cher, L'Indre, la Vienne et les Deux-Sèvres.
- En 1866, sept républicains sont élus. Gambetta arrive en ballon le 9 octobre 1870
accueilli par les acclamations populaires, Tours durant deux mois devient
capitale provisoire. A partir de 1871, la ville devient progressivement
républicaine. Elle l'est en le 8 janvier 1875 avec l'élection d'Antoine Belle à la
mairie puis en 1876 à la députation; Révoqué en 1877 par le président de la
République Mac-Mahon pour avoir voté l'ordre du jour des 363, il est réélu
député contre Alfred Mame cette même année. En 1876, la ville compte 48.325
habitants.
Quelques maires de Tours
Illustrations et liens Wikipédia :
Thomas Bohier (1497-1498), Jacques de Beaune (1498-1499),
François Briçonnet (1499-1500), François Nicolas Preuilly (1754-1762)
Louis Benoist de la Grandière (1768-1771), Michel Banchereau (1771-1780),
Etienne Benoist de la Grandière (1780-1790), Henri Gouin (1795)
Noël Champoiseau (1831-1832), Ernest Mame (1849-1865),
Eugène Gouin (1866-1875), Antoine Belle (1875-1879)
Liens :
Alain Beyrand,
Janvier 2014
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