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    Tours mégaloville (janvier 2014), chapitres 17.1, 17.3

    La démocratie tourangelle à travers les siècles

    17.1 1184, 1389-1462, la démocratie dans la "bonne ville"
    17.3 1462-1877, soubresauts démocratiques à Tours

    17.1 1184, 1389-1462, la démocratie dans la "bonne ville"

    Bernard Chevalier, professeur d'histoire médiévale à l'université de Tours, un temps président de cette université, a écrit ou dirigé plusieurs ouvrages érudits sur l'histoire de la ville de Tours.

    En 1985, dans "Histoire de Tours", il décrit une révolte des "bourgeois de Saint- Martin" : "Afin d'obtenir l'autonomie complète, les bourgeois proclament la commune en 1184 ; condamnés par le pape, excommuniés par le chapitre, sommés par le roi, abandonnés par la foule, les meneurs sont contraints de se soumettre". La première insurrection communale date de 1122, il y en eut d'autres, notamment en 1231 et 1305, toutes réprimées.

    En 1983, dans son livre "Tours ville royale", Bernard Chevalier présente en ses pages 39 à 58, "La mise en place des institutions municipales" et le fonction- nement d'une période démocratique. Alors qu'il est généralement admis que les villes moyennes, appelées alors "bonnes villes" entrent dans une période de 1356 à 1462 "marquée par la formation d'un régime « démocratique » ou prétendu tel, fondé sur les lettres octroyées par Jean le Bon", correspondant à une "maturité triomphante", après une phase de "jeunesse obscure ou héroïque" et avant une autre de "sénilité et ruine", l'auteur montre la continuité entre ces trois périodes : l'apparition du premier maire de Tours en 1462, Jean Briçonnet, dit l'Aîné, est "l'achèvement d'une longue évolution".

    La mise en place des nouvelles institutions est longue et ne devient stable que fin 1389. Elles reposent sur la constitution d'assemblées générales, sans autre organisme directeur. "C'est bien là ce qui fit croire si longtemps à un régime de démocratie directe. Singulière illusion. Certes tous les chefs de famille, en droit, peuvent venir à ces grandes réunions convoquées par cri public". [...] "Mais, il faut immédiatement faire la différence, entre ceux qui peuvent y prendre part et ceux qui le doivent" [...] "L'originalité de ces réunions c'est qu'elles groupent trois groupes sociaux qui s'équilibrent : les gens du roi, les ecclésiastiques et les habitants, tout du moins « les plus suffisants » d'entre eux. Union des états qui est bien caractéristique des bonnes villes".

    "De temps en temps, il est vrai, se tiennent des assemblées beaucoup mieux garnies. Le greffier énumère alors couramment une ou plusieurs centaines de noms ; on y voit figurer des gens assez modestes, des maîtres artisans : maréchaux, rôtisseurs, fourniers, serruriers, maçons ou charpentiers, qui ne paraissent jamais autrement dans les actes de la ville. Ces grandes réunions n'ont pas à délibérer, mais à consentir aux décisions arrêtées à l'avance, celles du moins qui entraînent des charges nouvelles". [...] "Elles ne témoignent pas d'une victoire populaire ; elles ne sont rien qu'un moyen exceptionnel adapté à des circonstances exceptionnelles".

    "La conséquence de ces usages à Tours, c'est que les élus mandataires de la communauté toute entière sont, en réalité, les représentants actifs du petit groupe social qui mène la ville. Depuis 1390, ils sont au nombre de deux, l'un venant, en principe, de l'amont [l'ancienne ville romaine], l'autre de l'aval [la ville nouvelle autour de la basilique St Martin], sauf quand la charge devient trop lourde". Désignés par l'assemblée générale, "ils se recrutent, en fait, par cooptation".

    "L'autorité réelle réside indistinctement dans cette poignée d'hommes qui se substitue ordinairement à l'assemblée. Reste maintenant à en définir l'étendue et ce n'est pas chose aisée. Disons au moins que la compétence de l'administration municipale, très limitée en théorie, est très large dans la pratique". [...] "Au total, les Tourangeaux, bien que n'exerçant ni police ni justice, réglaient toutes leurs affaires eux-mêmes en coopération étroite avec les représentants locaux de la puissance publique et s'en trouvaient fort bien. Allons plus loin ; il nous semble que ce régime, caractérisé par l'union des officiers royaux, des chanoines et des bourgeois les plus considérables, a bien été d'une manière générale le propre des bonnes villes".

    17.53 1462-1877, soubresauts démocratiques à Tours


    Tours 1562, massacre perpétré sur les Huguenots
    Détail d'une estampe de Tortorel et Perrissin numérisée par la bibliothèque de Troyes
    Afficher l'estampe en entier

    Extraits arrangés de l'ouvrage "Les maires de Tours du XVème au XIXème siècle", édité par le Centre Généalogique de Touraine en 1987 (il y est toujours disponible), avec des compléments du livre "Histoire de Tours" de Bernard Chevalier.
    • 1462, Louis XI décide que "Les habitants éliront tous les ans un maire et 24 échevins". La bourgeoisie de robe conduit les affaires municipales.
    • Jusqu'au début du XVIIème siècle, ce principe électif se maintient avec des modifications. Le choix des maires se fera par le roi et de plus en plus parmi les grands officiers de finance.
    • En 1562, les "bonnes gens" catholiques découvrent l'importance de la progression huguenote depuis 1556. "Ce qui provoquait en effet l'effroi et l'angoisse des fidèles, c'est de voir parmi les suspects, outre nombre de petites gens, et notamment d'ouvriers de la soierie, une grande partie de l'élite sociale à laquelle incombait le gouvernement de la ville et l'exercice du pouvoir royal. Tous les officiers municipaux, le maire en tête et le tiers du corps de ville". "C'était assez pour qu'à la violence non-sanglante des purificateurs de temple répondit celle des purificateurs du peuple par le massacre". Les notables protestants survivants durent partir ou s'effacer en dissimulant leur foi.
    • En 1619, les dissensions entre les habitants et le conseil de la ville s'aggravent. Le roi Louis XIII intervient pour écouter les deux parties au château du Plessis. Au corps de ville est adjoint un corps de notables, élus en assemblée générale par les habitants. Ils sont choisis par 2 dans les 16 paroisses de la ville. Mécontent, le maire Jean Le Blanc démissionne.
    • En 1692, Louis XIV supprime le principe électif dans toutes les villes, il érige en titre d'offices perpétuels les charges de maire, échevins, et crée un certains nombre de charges d'assesseurs. Et chacun doit payer.
    • En 1722/1724, le système se complique pour renflouer les caisses de l'état. Les nouveaux titulaires entrent en conflit avec les anciens et l'on voit le spectacle de deux conseils tenant chacun leur assemblée pour l'administration de la municipalité. Le parti aristocratique remporte la victoire, les élus représentant le peuple sont définitivement supprimés.
    • En 1789/1790, devant une émeute provoquée par la disette, le corps de ville abandonne le pouvoir. Une commission décide des nouveaux statuts. Le maire, le procureur de la commune et son substitut, 11 officiers municipaux, 24 notables (dont 50% de boutiquiers et artisans) sont élus dans l'enthousiasme par une assemblée de tous les citoyens actifs majeurs de 25 ans.
    • De 1790 à 1798, le statut municipal subit de nombreuses modifications. En 1795, le Comité de Sûreté Générale adresse de vifs reproches au maire Henry Gouin pour l'abattage de l'arbre de la Liberté. En 1797, le nouveau maire Pierre- Augustin Estevou prête serment "de haine à la royauté et à la monarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an II". Il réprime l'anarchie, renforce la Garde Nationale et interdit les réunions de toutes sociétés. En 1793, Tours compte 21.000 habitants.
    • En 1799, le principe électif est supprimé, Des bourgeois, des négociants, des propriétaires sont nommés au conseil municipal.
    • De 1802 à 1814, le conseil municipal de Paul Deslandes prête des serments successifs de fidélité à la République, à l'Empereur, au roi, encore à l'empereur puis encore au roi.
    • En 1830, le conseil municipal redevient électif. Au recensement officiel de 1836, Tours compte 26.669 habitants.
    • En 1848, le suffrage universel est instauré, sauf pour les femmes (il faudra attendre 1945).
    • En 1852, le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte est approuvé à 79 % à Tours, contre 82% en Indre et Loire. Les notables cumulent les mandats, notamment les Gouin et les Mame. De 1790 à 1890, sur 33 maires, 18 furent francs-maçons. En 1861 est créée une "région administrative de Touraine" qui s'étend sur le Loir et Cher, le Cher, L'Indre, la Vienne et les Deux-Sèvres.
    • En 1866, sept républicains sont élus. Gambetta arrive en ballon le 9 octobre 1870 accueilli par les acclamations populaires, Tours durant deux mois devient capitale provisoire. A partir de 1871, la ville devient progressivement républicaine. Elle l'est en le 8 janvier 1875 avec l'élection d'Antoine Belle à la mairie puis en 1876 à la députation; Révoqué en 1877 par le président de la République Mac-Mahon pour avoir voté l'ordre du jour des 363, il est réélu député contre Alfred Mame cette même année. En 1876, la ville compte 48.325 habitants.

    Quelques maires de Tours
    Illustrations et liens Wikipédia :

    Thomas Bohier (1497-1498), Jacques de Beaune (1498-1499),
    François Briçonnet (1499-1500), François Nicolas Preuilly (1754-1762)

    Louis Benoist de la Grandière (1768-1771), Michel Banchereau (1771-1780),
    Etienne Benoist de la Grandière (1780-1790), Henri Gouin (1795)

    Noël Champoiseau (1831-1832), Ernest Mame (1849-1865),
    Eugène Gouin (1866-1875), Antoine Belle (1875-1879)

    Liens :
    • Liste des maires de Tours sur Wikipédia
    • Le château de Louis XI à Plessis lès Tours

    Alain Beyrand, Janvier 2014


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