Monsieur le Préfet,
Je vous adresse le présent recours gracieux tendant au retrait de l'arrêté 37-2016-07-18-004 du 18 juillet 2016 portant approbation de la révision du Plan de Prévention des Risques d'Inondation (PPRI) du val de Tours - val de Luynes.
Mon intérêt à agir est évident, par mon lieu d'habitation qui passe d'un risque faible à un sur-aléa de "zone de dissipation d'énergie", avec tous les inconvénients que représente cette aggravation supposée du risque, notamment pour le marché immobilier, les compagnies d'assurance, les éventuelles obligations de respect de futures normes. Cette révision et le contexte de l'enquête publique qui l’a validée présentent de graves anomalies qui juridiquement remettent en cause sa validation.
Je demande donc le retrait de l'arrêté finalisant ce PPRI et, en conséquence, une remise à plat de la prévention des risques d'inondation sur le val de Tours.
Pour solliciter ce retrait, mes arguments sont les suivants.
Sur la forme :
- L'enchaînement des décisions est incorrect. La digue du canal a été déclassée avant l'adoption du PPRI, le PPRI a été validé avant l'adoption de la Stratégie Locale de Gestion des Risques d'Inondation (SLGRI). Il convient de définir une stratégie avant de l'appliquer et non l'inverse.
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L’enquête publique a été contrainte :
- Avant même qu'elle soit lancée, il était inscrit dans l'avant-projet que la révision devait être validée avant fin juillet 2016. Cela est rappelé dans le rapport et les conclusions de la commission d'enquête en réponse à plusieurs dépositions citoyennes. Cela revient à constater que la validation de ce PPRI était d'avance incontournable, pour des motifs de calendrier procédural, quoiqu’aient pu dire les participants à l'enquête.
- La commission d'enquête, tout en reconnaissant la solidité des arguments exposés dans les dépositions des citoyens, les a finalement rejetés pour se plier à "la décision qui a été prise par l’Etat", validant ainsi les réponses de la DDT et de la Préfecture. A plusieurs reprises, on comprend que la commission n’est pas du tout convaincue sur le fond :
- Par deux fois, elle souligne que la suppression de la digue du Canal rend certaine une inondation qui, si l'ouvrage était là, serait conditionnelle. En cela elle s’oppose à l'argument officiel estimant que l'aggravation du risque est sans rapport avec la suppression de la digue. Cela montre que l’arrêté de déclassement de la digue du Canal, survenu après les études de dangers, remet en cause la validité du PPRI.
- Elle estime que la digue du Canal est fragile dans un cas extrême, qui n’est susceptible de se reproduire qu’en fréquence millénale. En cela, elle invalide l'argument disant que la digue est fragile "dans tous les scénarii". Or c’est la cause principale du déclassement.
- Elle déplore le caractère incomplet des Etudes de Dangers : on attend toujours le résultat de celle sur les digues de classe B, notamment portant sur le Cher, censées être achevées.
- Au-delà des assertions contestables de la DDT et de la préfecture, la commission d'enquête n'a pas répondu à des questions qui sont pourtant essentielles.
- Le dossier d’enquête a négligé, dans la concertation sur l’avant-projet, une des quatre réunions publiques, le 19 décembre 2015 à Tours, alors que la salle était comble et qu'il y eut une forte opposition du public.
- La commission d'enquête n’a pas enquêté par elle-même. Elle s'est contentée de poser des questions à la DDT et à la préfecture. Elle n'a notamment pas répondu à toutes les questions posées dans les dépositions du public. Elle ne s'est pas rendue sur les lieux de la digue du Canal pour y écouter les riverains. Elle n'a donné aucune raison à ces refus.
- La concertation d'avant-projet n'a aucunement pris en compte l'avis du public et des associations. Les seules retouches portent sur les concessions faites à quelques municipalités.
- Sur la commune de Tours, la première phase de concertation portant sur le zonage du PPRI n’a été l’objet d’aucune réunion publique.
- Les documents fondamentaux pour l’établissement de ce PPRI, à savoir l’Etude de Dangers de début 2013 et la Feuille de Route de l’Atelier National "Territoires en Mutation" 2015 n’ont été révélés que très tardivement, le premier fin décembre 2015, le second début juin 2016, après l’enquête publique PPRI. Rappelons que c’est la Feuille de Route, et non l’Etude de Dangers, qui a déclaré la digue du Canal "dangereuse et inutile".
- La commission d’enquête était-elle informée de cette Feuille de Route ? Elle ne s’y réfère aucunement.
- Des études majeures non lancées ou non finalisées n'ont pas été prises en compte dans le PPRI, notamment celles complémentaires sur la digue du Canal demandées par l'étude de dangers 2013 et l'étude sur le Cher qui avait justifié le recul d'un an de la procédure PPRI.
Sur le fond :
- La cartographie présentée est inexacte, notamment sur les deux points suivants :
o Des zones de Dissipation d'Energie (ZDE) sont dessinées de part et d’autre de la digue du canal alors que celle-ci, par décret du 19 janvier 2016, a été déclassée avec une mise en transparence à court terme. Elle a perdu toute existence juridique et ce déclassement est notifié dans le dossier d’enquête.
o La largeur des ZDE ne tient pas compte du degré de fiabilité des digues. Le fait qu'un ouvrage ait été récemment renforcé n'est pas pris en compte, par exemple à Saint Avertin, la digue du Cher reconstruite en 2009. Les "niveaux de sûreté" des ouvrages ne sont pas signalés et pris en compte. Or l'incidence est importante pour le bâti.
o Pour les digues de classe B de rive gauche du Cher, dans l’attente des Etudes de Dangers complémentaires en cours, la cartographie du risque retient les mêmes paramètres que ceux relevés sur la rive droite, pourtant de cote plus élevée.
- La détermination de l'aléa est infondée. Le faire passer de faible en 2001 à très fort en 2016, en estimant que la cause n'est pas la suppression de la digue du Canal, est contraire aux probabilités de risque émises par l'étude de dangers de 2013. Un arrêté préfectoral réactualisé en novembre 2012, à l’attention des propriétaires et riverains, rappelait que cet ouvrage fiabilise tout le système de val protégeant le val stricto sensu. Depuis, aucun document n’a montré en quoi ça serait devenu faux.
- Après des années de travaux de renforcement considérable du système d’endiguement du val de Tours, il est incompréhensible que l’on aboutisse à une aggravation du risque. 13 millions d’euros y ont été consacrés dans le troisième Plan Loire Grandeur Nature, le quatrième, en cours, dispose de 40 millions d’euros… Pour encore augmenter l’aléa ?
- La sécurité des biens et des personnes est dégradée par ce PPRI et par son acceptation de la suppression de la digue du canal.
- Outre l'augmentation du risque, tout cela est lourd de conséquences, en particulier la reconnaissance d'une aggravation du risque dévalorise tout le patrimoine immobilier concerné et provoque une augmentation des assurances habitation. Des respects de normes peuvent être imposés jusqu'à 10% de la valeur du bâti. Cela n'est pas dit aux citoyens.
- La présence des ruisseaux enterrés de la ville de Tours n'est pas prise en compte dans la délivrance des permis de construire, alors que c'est un élément déterminant dans la localisation des Zones d'Ecoulement Préférentiel (ZDE) et que ce n’est pas signalé dans les permis de construire. Ce point a été soulevé à plusieurs reprises, en réunion publique et en dépositions écrites, lors de l'avant-projet et lors de l'enquête publique, aucune réponse n'a été apportée.
- Cet exemple montre une fuite en avant technologique basée sur des simulations numériques sans prise en compte des données géographiques du terrain.
- La digue du Canal est marquée être fragile "dans tous les scenarii" avec "risque de rupture certaine sur 43 % du linéaire". D'après l'étude de dangers de 2013, cela ne correspond qu'à un seul scénario extrême, au-delà de la crue de référence de 1856. Or c’est là-dessus que repose le déclassement de la digue du Canal, et donc le PPRI. La dernière visite technique, de 2011, avait constaté que l'ouvrage est en bon état.
- Une fragilité de digue, constatée sur une base millénale, comme pour la digue du canal, devrait avoir une incidence relativement minime sur le risque encouru, ce que reconnaît d’ailleurs l’arrêté préfectoral de novembre 2012. L'incidence se révèle ici démesurée puisque le risque d'inondation du val de Tours par l'amont est décuplé (selon l'étude de 2013) et celui par l'aval le sera aussi (scénario n°2, non quantifié, de l'étude de 2013).
- Le PPRI ne mentionne pas explicitement la volonté de créer un déversoir à Conneuil (La Ville aux dames), alors que c'est notifié dans le document directeur que constitue la "Feuille de Route" de l'Atelier National "Territoires en Mutation", cité comme référence et alors que, dans le cadre du processus PPRI, le conseil municipal de La Ville aux Dames a déjà été amené à traiter ce sujet.
- De même la volonté exprimée dans ce document directeur d'accepter l'aléa, de laisser l'eau s'écouler, de "sortir de l'approche défensive de lutte contre les risques l'inondation" ont été cachés aux élus et au public. Or c'est ce qui explique la lourde augmentation du risque
Au vu de l'ensemble de ces éléments, que je peux bien sûr développer précisément, je sollicite de votre part le retrait de l'arrêté portant approbation de la révision du PPRI Val de Tours - Val de Luynes. Un réexamen complet de ce dossier permettra de revoir à la baisse un risque artificiellement aggravé, d'abandonner l'actuelle "expérimentation" (dixit la "Feuille de Route") et de repartir sur des bases qui ont fait leurs preuves dans le siècle passé.
Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à l'assurance de mes respectueuses salutations.
Alain Beyrand, le 16 septembre 2016
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