Demande de préservation de l'îlot Saint Lazare
En juin 2009, sur un site officiel de la ville, la page http://www.urbanisme.tours.fr/3_site_jardin.php était titrée "Site des jardins ouvriers Saint-Lazare" (copie écran en http://pressibus.org/lazare). La même page est aujourd'hui titrée "Ilot Saint Lazare". Partout dans la documentation PLU, la notion de "jardins ouvriers" ou "jardins familiaux" (nouvelle dénomination) a été soigneusement effacée pour ces jardins St Lazare. Le langage n'est pas neutre, on va voir combien il est orienté pour manipuler le lecteur, et pas seulement par ce terme. Commençons par la lecture des pages 37 et 38 du rapport "orientations d'aménagement" réservées à ce sujet :
- Le site est "aujourd'hui occupé par les jardins potagers spontanés". Le terme "potagers", à la place de "ouvriers" ou "familiaux", est renforcé par l'adjectif "spontanés", comme s'il y avait là une façon de squatter des espaces de façon anarchique voire illégale. Ca n'est pas le cas, tout cela est parfaitement divisé en parcelles, chacune avec un jardinier responsable, tous les jardiniers ayant un représentant, notamment pour discuter avec la mairie. J'ai rencontré ce représentant au mois de juin de l'année dernière. C'est moi qui lui ai appris les projets de la mairie de détruire les jardins. Il était tombé des nues, en estimant qu'il avait eu des assurances de la mairie en un sens inverse. J'avais dû lui rendre visite une seconde fois et lui montrer une page web imprimée du site PADD pour qu'il me croit. Ces terrains appartiennent à la mairie qui les a divisés et loués, gratuitement d'après ce que j'ai compris, pour des particuliers afin qu'ils les entretiennent en tant que jardin. D'ailleurs les parcelles sont clairement séparées et dessinées sur le plan n°25. C'est donc parfaitement organisé, ce n'est pas "spontané". Cet adjectif est destiné à tromper le lecteur.
- "avec de nombreuses parcelles laissées à l'abandon". On peut voir les photos de la page 37, celles de mon blog, les plans de la page 37 et les photos sur Google Map et Google Street, on peut aller voir sur place, tout montre que ces jardins sont parfaitement entretenus, à part de rares exceptions sur le bord de la voie de chemin de fer. Cette affirmation d'abandon a choqué les jardiniers que j'ai rencontrés et elle est effectivement insultante, eu égard à leurs très nombreuses heures de travail. Une fois de plus,il y a la volonté de tromper le lecteur, selon l'adage "Quand on veut tuer son chien, on prétend qu'il a la rage".
- "L'ensemble constitue un potentiel d'espace vert de proximité". Comment ça un potentiel ? Bien plus qu'un potentiel, puis que l'ensemble EST un espace vert de proximité. Cette phrase n'est-elle pas rédigée de façon à faire croire que ce n'est pas un espace vert ?
- "On note un emplacement réservé inscrit dans le POS et destiné à assurer le prolongement de l'avenue Saint-Lazare." C'est vrai, et il n'est maintenant plus question de prolonger. Il y a lieu de s'interroger. Certes le prolongement de la voie automobile n'amènerait pas grand chose, mais le tracé d'un tram-train en continuité des voies de chemin de fer voisines ne pourrait-il pas être pertinent dans quelques années, surtout si le prix du carburant réduit sensiblement la circulation automobile ? En quoi ce qui était pertinent au moment du POS et de cette réservation d'espace ne le serait plus maintenant ? Les dossiers d'enquête sont muets à ce sujet et c'est assurément une grave non-dit, une grave faiblesse.
- Certes, l'extrémité sud du sud "recevra une station du futur tramway", mais cette proximité est très relative puisque l'importante ligne de chemins de fer Paris-Bordeaux l'en sépare. Or les dossiers éludent cette séparation. Tout juste, dans le plan de la page 38, voit-on surgir au dessus des pointillés verts (de légende "organiser des perméabilités de circulations douces") comme s'il y avait une passerelle. Il n'y en a pas, il n'en est pas prévu et il n'y en aura probablement jamais, à voir la difficulté qu'il y a à construire la passerelle Fournier, dont le rôle est bien plus important. Donc, certes, ces jardins sont dans le corridor des 500 mètres autour de la ligne de tramway, mais la typologie des lieux amène un éloignement évident (du côté nord c'est plus loin et il y a des escaliers très peu pratiques).
En page 111 du rapport "Explication des choix", on lit sur "L'îlot Saint-Lazare" : "La réaffectation des jardins spontanés au profit d'une offre nouvelle de logement s'appuiera et valorisera la trame végétale existante en termes de composition. L'opération permettra également de traiter la tête Nord/Est du quartier à partir de l'expression d'une densité plus importante et du réaménagement de l'espace public." Comment peut-on ainsi déformer les choses ? En sus de répéter que ces jardins si bien organisés sont spontanés, comment peut-on prétendre que l'on va valoriser la trame végétale alors qu'on la détruit ?
Quelle est donc la nécessité urgente à détruire ces jardins, que veut-on y faire ? Reprenons notre lecture de la page 37 avec les objectifs :
- "se réapproprier cet espace dans le cadre d'une politique de renouvellement urbain dans le corridor du futur tramway", "développer un habitat résidentiel sur la base de typologies variées (maisons de ville, habitat intermédiaire et/ou petit collectif)". Certes, ce ne seront pas de grands ensembles qui auraient rompu l'architecture de ce quartier tranquille, mais cela signifie aussi que, l'espace n'étant pas très grand, le gain en habitants sera faible. Cela mérite-t-il de détruire un tel espace de biodiversité ? Le jeu en veut-il la chandelle ? Sûrement pas.
- "conserver un espace vert de quartier". une fois de plus, on détruit des espaces verts et on se vante d'en créer un bien plus petit...
- "renforcer les circulations douces". C'est un sujet que je connais très bien car habitant à Tours Est (Velpeau) et travaillant à Tours Ouest (Giraudeau), je suis passé durant des années devant ces jardins (d'où ma connaissance du sujet). Je faisais même un détour, car le passage par l'avenue du Général de Gaulle et la rue Febvotte était bien plus court. Mais je trouvais un réel enchantement à passer devant ces jardins, ses pompes à levier, les décors colorés changeants au fil des saisons... Et cela me permettait aussi de passer par le pont sous l'avenue de Grammont. Il y a bien là un itinéraire de circulations douces pour les vélos, pour les piétons aussi d'ailleurs. Comme la rue du Chemin de fer est très étroite (et à mon sens guère dangereuse car tout le monde y est prudent), je considère que renforcer les circulation douces est un objectif pertinent, mais très insuffisant pour détruire les jardins. Seulement les rétrécir légèrement...
- "prendre en compte les risques d'inondation", aucune explication n'étant apportée. Les risques d'inondation sont pourtant habituellement moindre dans des lieux jardinés que dans des lieux construits. D'autant plus qu'il n'est pas question de surélévation... Cette remarque non étayée est donc incompréhensible.
Par ailleurs, il convient de constater que les jardins ouvriers St Lazare sont bizarrement absents sur certaines pages du "Rapport de présentation d'état initial d'environnement", alors qu'ils y ont pourtant leur place :
- p 48 : le plan "Les principales composantes de la trame végétale"
- p 51 : la liste des jardins familiaux. Les jardins St Lazare sont pourtant les seuls jardins ouvriers (ou familiaux) entre Loire et Cher dans la ville de Tours. Ne pas les signaler est tout a fait anormal et irrégulier.
Je montre maintenant que ces objectifs de destruction sont contraires à d'autres principes énoncés dans les dossiers :
- PADD :
- p 28 : "conforter la trame verte", "une politique en faveur d'une qualité de vie", "échange au travers des espaces verts de proximité"
- p 29 : "promouvoir la biodiversité"
- Rapport de présentation d'état initial d'environnement :
- p 51 sous le titre "Une tradition de jardins familiaux" : "Ils se révèlent très appréciés et recherchés par les habitants." "La création de nouveaux jardins est une préoccupation permanente".
- Rapport Explication des choix :
- p 26 : "L'espace cultivé a également sa place au sein de cette armature verte" "jouant un rôle social dans le cas des jardins familiaux"
- p 91 : le règlement interdit toute construction dans « les terrains cultivés en zone urbaine à protéger » selon l’article L 123-1-9°, sauf celle nécessaire à leur fonctionnement (abris de jardin, installation à usage collectif). Il s’agit des jardins familiaux qui jouent à la fois, un rôle paysager et un rôle sociétal". On se rend compte là que le fait d'écarter les jardins St Lazare de la liste des jardins familiaux n'est pas neutre du tout !
- Evaluation environnementale ;
- p 8 : "Le PLU affiche comme priorité stratégique de promouvoir la biodiversité et de pérenniser la trame verte à toutes les échelles"
- p 59 : Les "jardins familiaux " "s'inscrivent pleinement dans la trame verte et bleue", "contribuer à la préservation de l'environnement", mettre l'accent sur la "structure végétale"...
On comprend à la lecture de ces recommandations très appuyées, combien il était délicat pour la mairie de supprimer les seuls jardins familiaux entre Loire et Cher. Et pour y arriver, la première nécessité était bien de les dénommer et de les dépouiller, discrètement, de ce titre de "jardins familiaux", pour que la suppression dans le langage débouche sur leur suppression réelle. J'espère que ce subterfuge, ici dénoncé, ne fonctionnera pas.
Il convient aussi de signaler que ce PLU est très pauvre en matière de création d'espaces verts entre Loire et Cher. C'est une raison de plus pour ne pas détruire celui-ci.
Pour toutes ces raisons, je demande à ce que ce projet sur l'îlot St Lazare soit rejeté et je demande à ce que cet îlot soit "protégé par une servitude de terrains cultivés en zone urbaine" (donc inconstructible), au même titre que la vigne de Marmoutier.
Je pense que quelques aménagements mineurs peuvent toutefois y être apportés : une amélioration des circulations piétonnes et cyclistes (avec une légère diminution des surfaces jardinées) et une plus grande parcellisation, car les jardins m'apparaissent grands et pourraient être deux fois plus nombreux et plus petits.
Alain Beyrand, le 14 février 2011
Ces pages seront reprises dans un dossier reprenant d'autres sujets
Complément : page www.pressibus.org/lazare.
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