La volonté de l'Etat de laisser inonder le val de Tours |
Déposition à l'enquête publique de la révision du PPRI du Val de Tours, Val de Luynes.
En complément des questions et demandes que j'ai exprimées le 27 avril Un Plan qui aujourd'hui aggrave artificiellement les risques d'inondation J'ai terminé ma première déposition, il y a trois semaines, en soulignant combien ce plan de prévention est en fait un plan d'aggravation du risque, l'aléa passant de faible à très fort sur un val de 130.000 habitants. Quelle autre révision du PPRI en France a provoqué une telle multiplication, par dix, du risque ? A supposer qu'il y en ait une, les causes n'ont pu qu'être évidentes et comprises de tous. Or ici, à Tours, elles sont opaques et incomprises de la population. La raison officielle est que la digue du Canal, qui en 2012 (arrêté préfectoral) était une "protection efficace", serait devenue en 2014 "inutile et dangereuse" d'après un Atelier National qui, sans aucune connaissance scientifique en risques d'inondation, a érigé en règle générale un cas exceptionnel, millénal, de crue de la Loire emportant tout. M. le commissaire-enquêteur, en votre qualité d'enquêteur, vous êtes-vous rendu sur la digue du Canal, comme je vous l'ai demandé, à hauteur de la "brèche de la Tour d'Auvergne" ? Avez-vous constaté que sur les 5 mètres de hauteur de la digue, 2,50 m sont remblayés par l'autoroute ? Avez-vous observé le bon état de l'ouvrage, soigneusement empierré du côté Est ? Avez-vous compris pourquoi ce tronçon - sans aucune particularité, davantage remblayé que bien d'autres endroits - serait le point le plus fragile de la digue ? Alors qu'il n'y avait pas eu de brèche en 1866 quand le remblai autoroutier n'existait pas. Avez-vous vérifié que lors de la visite technique de 2011, les services de l'Etat n'ont eu aucune remarque sur cette zone ? Comprenez-vous que les riverains - dont je suis - soient complètement incrédules sur cette fragilité ? Avez-vous, comme je vous l'ai demandé, interrogé les experts pour avoir enfin une explication ? Allez au-delà des déclarations péremptoires et non étayées de la préfecture et de la DDT d'Indre et Loire, qui ont trop longtemps caché l'étude de 2013 en lui faisant dire ce qu'elle ne dit pas. Sans explication, force est de constater que cette soudaine fragilité, en contradiction avec toutes les expertises passées, n'est qu'un leurre. C'est un prétexte inventé pour se débarrasser d'une digue qui dérange des urbanistes et aménageurs en mal de nouvelles zones à réaménager. Un Plan qui sert de préliminaire à une véritable aggravation des risques d'inondation L'inquiétude serait moindre si on était assuré que, quoique déclassée, la digue du Canal resterait en place. Mais l'arrêté préfectoral du 19 janvier 2016 prévoit explicitement que "La mise en transparence de cet obstacle (devenu un remblai en zone inondable) devra être recherchée et rendue opérationnelle par tous les moyens, de manière totale ou partielle ". Il s'agit de supprimer un "obstacle à l'étalement de la nappe d'eau". Il faut se rendre compte du danger que cela représente pour les biens et les personnes ! Il s'agit carrément de transformer des zones urbaines protégées en déversoirs ! Déversoirs de second rang certes, mais déversoirs tout de même. Si La Ville aux Dames et St Pierre des Corps sont inondés, Tours et La Riche le seront. Si La Riche et Tours sont inondés, St Pierre des Corps (avec ses sites Seveso) et La Ville aux Dames le seront. Une catastrophe ne suffira pas, il faudra qu'elle soit plus grande encore !! Alors que nos ancêtres ont tout fait depuis 200 ans pour nous protéger des inondations, voilà qu'on ouvre en grand les vannes de second rang ! Allez-vous accepter cela, M. Le commissaire-enquêteur ? Allez-vous accepter que l'Etat veuille inonder des dizaines de milliers de foyers pour que des aménageurs apprentis-sorciers trouvent des terrains de jeu ? Aujourd'hui 18 mai 2016 et pendant quelques mois encore, le risque sur le val de Tours est aussi faible qu'en 2001 puisque la digue du Canal est encore là. L'aggravation du risque n'est pas encore effective, attendez que l'ouvrage soit percé pour en prendre acte, ne validez pas cette révision du PPRI. Vous devez croire que le recours engagé par l'AQUAVIT permettra à l'Etat de retrouver raison, par jugement d'un Tribunal s'il le faut. Et puis à quoi rime cette révision, présentant une cartographie et un règlement basés sur l'existence d'une digue qui est niée dans le texte et par l'arrêté de déclassement ? En s'appuyant sur une fragilité factice (reposant sur un seul scénario exceptionnel à 52 m et non sur "tous les scenarii"). Que dirait Kafka de cette entourloupe du père Ubu ? Comment pourriez-vous valider de telles incohérences ? La sécurité d'une population est en jeu. En complément, j'attire votre attention sur un article du 12 mai du site Agoravox, et plus particulièrement sur le chapitre "Une embrouille machiavélique" : www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/quand-l-etat-accroit-les-risques-d-180836 Un Plan qui repose sur l'ignorance des risques liés aux crues du Cher Il est impensable qu'une révision du PPRI Val de Tours s'effectue sans avoir envisagé le problème de l'inondabilité de la ville de Tours par le Cher. Des travaux considérables d'endiguement et le renflouement du lit engagé depuis 1960 ont totalement modifié l'hydrologie de cette rivière. Ils ont conduit à un alluvionnement intense et à une fermeture progressive de son lit mineur, comme cela se vérifie depuis des années sur le plan d'eau d'aviron de Tours / St Avertin, en période de chômage de la rivière. Le remblaiement des Deux Lions dans les années 2000 s'est achevé sans que les travaux de compensation demandés par l'Etat aient été réalisés, notamment sur le Pont Saint Sauveur. Alors que ce n'est pas indiqué dans le dossier d'enquête, on découvre que l'étude de danger sur ce cours d'eau, notamment en rive gauche dans la traversée de Saint Avertin et Tours, n'est pas terminée (au plus tôt en novembre 2016…). La finalisation de la révision avait pourtant été retardée dans l'attente de cette étude, qui était jugée essentielle il y a un an. Pourquoi ne la serait-elle plus ? Cette absence de connaissance des dangers rend défaillante une assise scientifique majeure. Pour cette seule raison, comme pour la seule raison de la solidité arbitrairement niée de la digue du Canal, cette révision du PPRI doit être refusée. S'il y a une raison valable à un accroissement du risque d'inondation sur le val de Tours, elle est ici, mais pas dans une proportion très élevée, surtout si on prend des précautions. Mais comment les prendre quand on n'a pas évalué le danger ? Et, bien sûr, la mise en transparence de la digue du Canal accentue les inondations venant du Cher, que ce soit par l'amont ou par l'aval. C'est avant la révision du PPRI que tout cela doit être connu, pas après ! Un Plan qui comporte trop d'éléments troubles et irresponsables En sus de ce qui vient d'être présenté, il y a une somme de non-dits impressionnante dans cette révision du PPRI. Voici ceux qui me semblent particulièrement graves :
Je termine en soulignant combien les Tourangeaux ne se rendent pas compte que le risque d'inondation a été décuplé. Je considère que les grands médias locaux (La Nouvelle République en tête) ont effectué une omerta sur ce sujet et que les élus ont regardé ailleurs, se contentant de dire, comme M. de la Palice, que la ville est inondable (comme en 2001…) en gommant l'aggravation considérable de l'aléa. De plus je ne comprends pas qu'il soit si difficile de faire une déposition en mairie de Tours, en un lieu non fléché et en devant se faire confisquer sa carte d'identité pour s'y rendre. Tout semble fait pour décourager le citoyen de s'informer et de témoigner. Je souhaite donc vivement que cette révision du PPRI soit rejetée pour qu'une autre soit présentée corrigeant les défauts de la présente. Alain Beyrand, le 18 mai 2016 |